13 et 14 septembre 1515 : la bataille de Marignan, une opération de com’ signée Francois 1er (autopsie d'un massacre)
1515, c’est Marignan ! Les manuels scolaires ont permis de faire connaître cette bataille à tous les écoliers. C’est LA victoire de François 1er qui vit le chevalier « sans peur et sans reproche » Bayard adouber le jeune roi et faire entrer la Confédération helvétique dans la neutralité. S'il faut être fiers de notre Histoire nationale, l’honnêteté intellectuelle doit nous amener à dénoncer certaines manipulations de l’histoire. « 1515 et Marignan » fait parti de ces « fake-news » historiques.
En effet, François 1er mettra en avant 1515, victoire sanglante et provisoire, pour mieux faire oublier 1525 et la défaite de Pavie, la fin définitive des ambitions françaises en Italie et le triomphe de la maison d’Autriche des Habsbourg. Les instituteurs de la IIIème République figeront la légende de cette victoire à une période où l’Autriche et l’Italie (qui a réalisé seule son unification) sont les alliés de l’Empire allemand, l’ennemi du moment.On a oublié que cette bataille qui est devenue le « Austerlitz de la Renaissance » a failli être un nouvel Azincourt, tant la première journée de combat voit multiplier les revers français. C’est d’ailleurs à peine une victoire française. Sur 40.000 hommes engagés plus de la moitié sont des mercenaires étrangers (essentiellement allemands !). Si le lendemain, l’artillerie française permet un retournement de situation, c’est grâce à l’important renfort de 15.000 Vénitiens qui inverse le rapport de force.
LIRE EGALEMENT : FRANCOIS 1er, roi de France (1er.1.1515 au 31.3.1547)
VOIR AUSSI : DE 1515 À 1559 : TEMPS DE LA RENAISSANCE
On croit trop souvent que de la bataille de Marignan est issue la neutralité suisse. En fait, les Suisses continueront à s'enrôler comme mercenaires au cours du XVIe siècle, et ce n'est qu'au congrès de Vienne, en 1815, que la Suisse est devenue officiellement neutre. Cependant, une association, Pro Marignano, a jeté son dévolu sur Marignan. En 1965, pour les 450 ans de la bataille, elle a acquis le jardin de l'église de Zivido en concession, y installant une grande plaque de marbre qui montre deux soldats surmontés par l'inscription latine Ex clade salus (de la défaite naît le salut). On ne saurait être plus explicite.
1515. Marignan
de Amable Sablon du Corail (Auteur)
ASIN : B0C331MSZG
Éditeur : TALLANDIER (7 septembre 2023)
Langue : Français
Poche : 400 pages
ISBN-13 : 979-1021026865
Poids de l'article : 316 g
Dimensions : 12 x 2.4 x 18 cm
Marignan, 1515
de Didier Le Fur (Auteur)
Éditeur : Tempus Perrin (8 janvier 2015)
Langue : Français
Poche : 400 pages
ISBN-10 : 2262049114
ISBN-13 : 978-2262049119
Poids de l'article : 200 g
Dimensions : 11 x 1.8 x 17.9 cm
Marignan, la bataille !
Depuis le 1er janvier 1515, François 1er a succédé à son cousin Louis XII. Enrichie par les premières guerres d'Italie, il hérite d’une France est prospère. Il a aussi hérité de lui sa politique italienne, très vieille obsession française, qui remonte au frère de Saint-Louis, Charles d'Anjou, parti régner au XIIIe siècle sur la Sicile, d'où il tenta de fonder un empire méditerranéen. La guerre de Cent Ans a provisoirement mis fin à ce tropisme italien de la France. Celle-ci reconstituée, Charles VIII peut songer à reprendre le flambeau et à satisfaire des vues expansionnistes. Il fait valoir son appartenance à la famille d'Anjou pour reconquérir Naples, qui sera la porte d'entrée de la Renaissance en France : les jardins ouverts de son château d'Amboise, la résidence de Charles VIII, qui marquent la découverte du paysage, seront la première greffe transalpine sur les châteaux de la Loire. Son successeur, Louis XII, lorgne surtout le Milanais. Celui-ci n'est-il pas le petit-fils d'une Visconti, fille du duc de Milan ? Cela commence bien, mais finit mal, en 1513, avec la bataille de Novara, où Louis XII est battu par les Suisses et une ligue menée par le pape. L'Italie est alors une constellation de principautés, qu'un homme entend pourtant unifier : le pape Léon X. Car si la Renaissance italienne est artistique, elle est aussi politique. Son grand ennemi est le roi de France, que soutiennent uniquement les Vénitiens, que les Français amadouent invariablement par la promesse, en cas de victoire, d'une partie du Milanais.
Il faut dire que le revenu annuel du duché de Milan au XVe siècle est de 600.000 ducats, une véritable fortune par rapport à Florence (300.000 ducats), aux États pontificaux (240.000 ducats), Gênes (100.000 ducats) ou encore Sienne (80.000 ducats). Des sommes qu'il faut comparer aux revenus de Venise (1,2 million de ducats), qui domine le commerce méditerranéen. On comprend mieux l'appétit des rois de France pour le riche duché…
Le jeune roi de 21 ans laisse le royaume en régence à sa mère. L'heure de la revanche a sonné. La force française comprend en réalité 23.000 mercenaires, notamment des soldats allemands et hollandais, sur un total de 40.000 combattants. François Ier dispose également d'une soixantaine de pièces d'artillerie, qui vont faire la différence. En face de lui, environ 20.000 Suisses, des mercenaires mobilisés par une coalition qui rassemble le pape Léon X, l'empereur Maximilien d'Autriche, le roi d'Aragon et le duc de Milan, Sforza. Très disciplinés, les soldats suisses sont réputés pour leur témérité et louent une fortune leurs services aux puissants princes de l'Europe. Ils ne font pas de prisonniers, préférant piller les champs de bataille.
Le roi fonce à travers les Alpes à la conquête du Milanais et ouvre une voie par le Mont-Dauphin. Les Suisses sont pris de court : d'ordinaire, les Français empruntent plus au nord le Mont-Cenis ou le col de Montgenèvre, passages que les Helvètes contrôlent. Ils n'ont rien vu venir et se trouvent talonnés jusqu'à Milan par un François Ier qui n'a pas renoncé à la paix. Les Français ont installé leur campement. Pendant près d'un mois, il va essayer de les acheter, pour qu'ils lui laissent le champ libre dans le Milanais. Les mercenaires suisses hésitent. Ils sont divisés. Finalement, le 13 septembre, après une énième négociation tentée du côté français, les troupes des cantons helvétiques, réunies à Milan, aiguillonnées par le cardinal de Sion, Mathias Schiner, passent à l'attaque, lances en avant pour contrer la cavalerie ennemie.
Les Français sont dispersés autour de Melegnano et c'est à eux, cette fois, d'être surpris. Un immense nuage de poussière est repéré au-dessus de Milan, vite, il faut former les contingents, mettre en place artillerie et cavalerie, et avancer, depuis le Sud, à la rencontre des Suisses. Dans son ouvrage sur la bataille (Marignan, 1515, éd. Perrin), l'historien Didier Le Fur restitue très bien l'atmosphère de cet après-midi encore estival : une chaleur étouffante, une plaine quadrillée par de multiples canaux d'irrigation qui sont autant de pièges, le bruit assourdissant du canon, une opacité visuelle au beau milieu des rizières et des vignes. Puis François Ier prend lui-même la tête de la bataille et tient tête aux Confédérés. Pendant la nuit, l'artillerie française se redéploye et reprend l'offensive le 14, aidée par les fantassins et l'arrivée de 15.000 Vénitiens.
Près de seize heures de combat. Les Suisses ne font pas de quartier. En retour, les Français et les Vénitiens ne feront pas de prisonniers. La bataille tourne au carnage : 8.000 morts du côté suisse et 6.000 décès du côté français, sans compter les blessés. Ces chiffres restent des estimations, les chroniqueurs évoquant parfois 20.000 morts au total, soit un tiers des effectifs engagés. Le roi de France lui-même a été blessé par un coup de pique au bras qui a déchiré son armure.
La paix est signée avec le pape, qui à cette occasion accorde au roi le titre de fils aîné de l'Église, et le Milanais est de nouveau français. Mais cette présence française ne va guère durer….
François installe à la tête du duché de Milan un de ses maréchaux, Lautrec, homme de poigne. En novembre 1521, les troupes de Lautrec se font déloger de Milan par celles de Charles Quint. Le Milanais est rendu au duc Sforza. En 1525, François 1er tente de le reprendre, mais est défait près de la ville de Pavie, et tombe prisonnier aux mains du nouvel empereur, Charles Quint. Le royaume de France paie pour finir une rançon de 7 tonnes d'or pour sceller la paix. C'est la fin du rêve italien, les Habsbourg vont maintenir leur domination sur l'Italie du Nord jusqu'au XIXe siècle.
Sources :
Mais où est donc Marignan ? #1 (lepoint.fr)
Depuis le 1er janvier 1515, François 1er a succédé à son cousin Louis XII. Enrichie par les premières guerres d'Italie, il hérite d’une France est prospère. Il a aussi hérité de lui sa politique italienne, très vieille obsession française, qui remonte au frère de Saint-Louis, Charles d'Anjou, parti régner au XIIIe siècle sur la Sicile, d'où il tenta de fonder un empire méditerranéen. La guerre de Cent Ans a provisoirement mis fin à ce tropisme italien de la France. Celle-ci reconstituée, Charles VIII peut songer à reprendre le flambeau et à satisfaire des vues expansionnistes. Il fait valoir son appartenance à la famille d'Anjou pour reconquérir Naples, qui sera la porte d'entrée de la Renaissance en France : les jardins ouverts de son château d'Amboise, la résidence de Charles VIII, qui marquent la découverte du paysage, seront la première greffe transalpine sur les châteaux de la Loire. Son successeur, Louis XII, lorgne surtout le Milanais. Celui-ci n'est-il pas le petit-fils d'une Visconti, fille du duc de Milan ? Cela commence bien, mais finit mal, en 1513, avec la bataille de Novara, où Louis XII est battu par les Suisses et une ligue menée par le pape. L'Italie est alors une constellation de principautés, qu'un homme entend pourtant unifier : le pape Léon X. Car si la Renaissance italienne est artistique, elle est aussi politique. Son grand ennemi est le roi de France, que soutiennent uniquement les Vénitiens, que les Français amadouent invariablement par la promesse, en cas de victoire, d'une partie du Milanais.
Il faut dire que le revenu annuel du duché de Milan au XVe siècle est de 600.000 ducats, une véritable fortune par rapport à Florence (300.000 ducats), aux États pontificaux (240.000 ducats), Gênes (100.000 ducats) ou encore Sienne (80.000 ducats). Des sommes qu'il faut comparer aux revenus de Venise (1,2 million de ducats), qui domine le commerce méditerranéen. On comprend mieux l'appétit des rois de France pour le riche duché…
Le jeune roi de 21 ans laisse le royaume en régence à sa mère. L'heure de la revanche a sonné. La force française comprend en réalité 23.000 mercenaires, notamment des soldats allemands et hollandais, sur un total de 40.000 combattants. François Ier dispose également d'une soixantaine de pièces d'artillerie, qui vont faire la différence. En face de lui, environ 20.000 Suisses, des mercenaires mobilisés par une coalition qui rassemble le pape Léon X, l'empereur Maximilien d'Autriche, le roi d'Aragon et le duc de Milan, Sforza. Très disciplinés, les soldats suisses sont réputés pour leur témérité et louent une fortune leurs services aux puissants princes de l'Europe. Ils ne font pas de prisonniers, préférant piller les champs de bataille.
Le roi fonce à travers les Alpes à la conquête du Milanais et ouvre une voie par le Mont-Dauphin. Les Suisses sont pris de court : d'ordinaire, les Français empruntent plus au nord le Mont-Cenis ou le col de Montgenèvre, passages que les Helvètes contrôlent. Ils n'ont rien vu venir et se trouvent talonnés jusqu'à Milan par un François Ier qui n'a pas renoncé à la paix. Les Français ont installé leur campement. Pendant près d'un mois, il va essayer de les acheter, pour qu'ils lui laissent le champ libre dans le Milanais. Les mercenaires suisses hésitent. Ils sont divisés. Finalement, le 13 septembre, après une énième négociation tentée du côté français, les troupes des cantons helvétiques, réunies à Milan, aiguillonnées par le cardinal de Sion, Mathias Schiner, passent à l'attaque, lances en avant pour contrer la cavalerie ennemie.
Les Français sont dispersés autour de Melegnano et c'est à eux, cette fois, d'être surpris. Un immense nuage de poussière est repéré au-dessus de Milan, vite, il faut former les contingents, mettre en place artillerie et cavalerie, et avancer, depuis le Sud, à la rencontre des Suisses. Dans son ouvrage sur la bataille (Marignan, 1515, éd. Perrin), l'historien Didier Le Fur restitue très bien l'atmosphère de cet après-midi encore estival : une chaleur étouffante, une plaine quadrillée par de multiples canaux d'irrigation qui sont autant de pièges, le bruit assourdissant du canon, une opacité visuelle au beau milieu des rizières et des vignes. Puis François Ier prend lui-même la tête de la bataille et tient tête aux Confédérés. Pendant la nuit, l'artillerie française se redéploye et reprend l'offensive le 14, aidée par les fantassins et l'arrivée de 15.000 Vénitiens.
Près de seize heures de combat. Les Suisses ne font pas de quartier. En retour, les Français et les Vénitiens ne feront pas de prisonniers. La bataille tourne au carnage : 8.000 morts du côté suisse et 6.000 décès du côté français, sans compter les blessés. Ces chiffres restent des estimations, les chroniqueurs évoquant parfois 20.000 morts au total, soit un tiers des effectifs engagés. Le roi de France lui-même a été blessé par un coup de pique au bras qui a déchiré son armure.
La paix est signée avec le pape, qui à cette occasion accorde au roi le titre de fils aîné de l'Église, et le Milanais est de nouveau français. Mais cette présence française ne va guère durer….
François installe à la tête du duché de Milan un de ses maréchaux, Lautrec, homme de poigne. En novembre 1521, les troupes de Lautrec se font déloger de Milan par celles de Charles Quint. Le Milanais est rendu au duc Sforza. En 1525, François 1er tente de le reprendre, mais est défait près de la ville de Pavie, et tombe prisonnier aux mains du nouvel empereur, Charles Quint. Le royaume de France paie pour finir une rançon de 7 tonnes d'or pour sceller la paix. C'est la fin du rêve italien, les Habsbourg vont maintenir leur domination sur l'Italie du Nord jusqu'au XIXe siècle.
Sources :
Mais où est donc Marignan ? #1 (lepoint.fr)