19 septembre 1356 : Jean le Bon est fait prisonnier à Poitiers

Dix ans après la déroute humiliante de Crécy, l'élite guerrière française est terrassée par l'archerie galloise. Le roi Jean II le Bon est fait prisonnier. Le royaume, décapité, va traverser une crise très grave.


Le 19 septembre 1356, l'armée française est écrasée par les archers anglais au sud-est de Poitiers. Le roi Jean II le Bon est lui-même fait prisonnier. Ce désastre militaire relance la guerre que l'on appellera plus tard guerre de Cent Ans et qui avait commencé vingt ans plus tôt, sous le règne du précédent roi, Philippe VI de Valois.

Profitant d'une querelle domestique entre le roi Jean II le Bon et son gendre Charles le Mauvais, roi de Navarre, le roi anglais Édouard III a rompu la trêve consécutive à la victoire de Crécy. Son fils, le prince de Galles Édouard de Woodstock, débarque à Bordeaux avec des troupes en septembre 1355. Plus tard surnommé le Prince Noir en raison de son armure, il se lance dans de grandes expéditions ou « chevauchées » à travers le royaume de France.

LIRE EGALEMENT : JEAN II LE BON, roi de France (22.8.1350 au 8.4.1364) (grandeschroniquesdefrance.blogspot.com)

Les Anglais pillent les villages et les bourgs et tuent les manants qui font mine de leur résister.

Le roi de France cherche désespérément des subsides pour faire face à ce nouveau malheur. Il réunit en décembre 1355 les états généraux. La bourgeoisie est excédée par les gaspillages de la cour. Conduite par le nouveau prévôt des marchands de Paris, Étienne Marcel, un riche marchand drapier membre de la confrérie Notre-Dame et des pèlerins de Saint-Jacques, elle concède des subsides en échange de promesses formelles de réformes.

Quelles sont les raisons de la défaite de Poitiers en 1356 ?

Dans les années 1350, la guerre a repris entre les royaumes de France et d'Angleterre. Édouard III, qui n'a pas renoncé à ses prétentions au trône des Lys, est solidement secondé par son fils Édouard de Woodstock. Ce personnage, parfois surnommé le Prince Noir, va infliger aux Français l'une des plus absolues défaites de leur histoire. À l'été 1356, pendant qu'une armée anglaise ravage la Normandie, le Prince Noir quitte Bordeaux avec environ 7 000 hommes. Sans rencontrer de résistance, il s'enfonce à travers le Périgord, le Limousin, le Berry et la Touraine. Chevauchée aussi inattendue que dévastatrice. Lentement, trop lentement, le roi de France, Jean II le Bon (1350-1364), fait mouvement pour lui barrer la route. Début septembre, le Prince Noir renonce à passer la Loire, dont les ponts sont solidement défendus par l'ost royal. Il décide alors de battre en retraite vers Bordeaux, mais Jean le Bon, plus rapide, vient en renfort de la cité de Poitiers, qu'il croit menacée. Comprenant que la route du sud leur est désormais coupée, les Anglais prennent position et se fortifient sommairement sur le plateau de Nouaillé, à deux lieues au sud-est de Poitiers : c'est la tactique employée à Crécy.

Rusés Anglais !

Au soir du 17 septembre, les deux armées se font face, mais le lendemain est un dimanche, et l'on ne combat pas. Pour les Français, le plus simple serait de faire le blocus de la butte, où les Anglais, dépourvus de vivres, ne sauraient tenir longtemps. Les Français sont au moins deux fois plus nombreux, et la victoire paraît certaine. À l'aube du 19 septembre, ils se préparent donc à lancer un assaut, avec une avant-garde à cheval et le gros des troupes à pied. De son côté, l'état-major anglais, qui juge la situation intenable, a décidé de lever le camp. Profitant de la nuit, les troupes descendent du plateau, aussi discrètement que possible... et tombent sur l'avant-garde française. Arnaud d'Audrehem, maréchal de France, lance aussitôt la charge à travers les vignobles ; d'abord hésitants, l'autre maréchal, Jean de Clermont, et le connétable, Gautier de Brienne, attaquent à leur tour l'armée anglaise. Mais les archers gallois s'embusquent immédiatement et font pleuvoir des milliers de flèches sur les chevaliers, qui s'effondrent. Pas un seul n'atteint les lignes ennemies ! En fait, la bataille n'a pas commencé que Jean II a déjà perdu toute sa cavalerie d'élite.

Forts de cet inattendu succès, les Anglais passent alors à l'attaque de l'armée française, désorganisée par le massacre de son avant-garde et prise à contre-pied. Les archers avancent tout en tirant des volées de flèches qui contribuent au désordre général. Le camp français est pris de panique et le roi, qui se tenait à l'arrière, n'arrive ni à se faire entendre ni à réorganiser ses troupes. Nombreux sont les chevaliers qui déguerpissent, mais le roi, qui n'a pas oublié la fuite de son père à Crécy, refuse de suivre ce lâche exemple. Mettant pied à terre, il décide de défendre sa bannière, une grande hache de guerre dans les mains. S'il a la lucidité de faire partir ses fils aînés, il garde auprès de lui le plus jeune, Philippe, alors âgé de 14 ans. La décision a été prise trop tard et la fuite des princes donne le signal de la débandade pour une grande partie de l'armée. Le roi se retrouve donc seul au milieu de quelques fidèles qui se font tuer sous ses yeux. « Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche ! » crie le jeune Philippe, qui va y gagner son surnom de « Hardi ». Cette débauche d'héroïsme ne sert à rien : épuisé, découragé, le roi finit par se rendre.

En cette funeste journée, les Français n'ont peut-être pas perdu plus de 5 000 à 6 000 hommes, mais parmi les morts et les prisonniers se trouvent, outre le roi, plusieurs princes et moult aristocrates de haut rang. Le royaume est décapité. Édouard III exulte mais, après avoir gagné la bataille, il lui faut gagner la paix. Et c'est là que les choses se compliquent, car, s'il a le roi, il lui manque le dauphin (futur Charles V), devenu régent de France. En outre, il a beau remporter des victoires en rase campagne, il n'a pas les moyens d'assiéger des villes fortes - en 1359, il échoue à prendre Reims, où il se serait fait couronner roi de France. Après bien des manoeuvres, il va devoir « se contenter » d'une rançon de trois millions d'écus et de la cession d'un tiers du royaume de France.

Laurent Vissière