19 septembre 1356 : le roi Jean, prisonnier du prince noir



« La chevauchée du Languedoc fut un grand succès. Moi, frère Jacques, en fus le témoin. Nous avions tant pillé, tué, brûlé, rançonné, que le roi de France savait maintenant qu’il trouverait à qui parler s’il s’approchait trop près de l’Aquitaine. Mon prince, Édouard de Woodstock, que l’on appellera plus tard le Prince Noir en raison de la couleur de son armure, mais aussi du sac sanglant de Limoges, avait conduit avec grande fermeté et habileté sa troupe de soldats anglais, gallois et gascons en nombre. Carcassonne s’en souviendra. De retour à Bordeaux, où il s’installa au palais de l’archevêché, il put écrire fièrement à son père, le roi Édouard III d’Angleterre, que la mission était accomplie. C’est lui qui l’avait dépêché pour mettre un terme, par la ruine, aux velléités de son cousin, le roi Jean II, que les Français appelaient aussi Jean le Bon.

« En cette année 1356, nous chevauchons désormais vers le nord, pour faire jonction avec le duc de Lancastre qui arrive dans l’autre sens. Chemin faisant, les chariots s’emplissent d’un fort butin. Et si nous échouons devant Bourges, aucun soldat français ne sortira vivant de Vierzon. Mais, de duc de Lancastre, point. Mon prince décide alors de rebrousser chemin vers Bordeaux. Cependant, le roi Jean, qui pendant ce temps a levé une forte armée, est à nos trousses.

« Mon prince hésite.

« Les Français sont très supérieurs en nombre et la troupe est épuisée. Les nobles anglais ne sont pas d’avis d’aller au combat, mais les nobles gascons sont plus déterminés. Il se résout à livrer bataille. En ce 18 septembre, nous nous établissons à Maupertuis, près de Poitiers. C’est un dimanche. Les cardinaux insistent pour que la trêve dominicale soit respectée. Nous mettons ce répit à profit pour consolider notre position, sur une colline boisée où l’on ne peut pas nous prendre à revers. Au bas, une rivière, des marécages et des vignes pour gêner la progression des cavaliers.

« On discute toujours.

« Les ecclésiastiques espèrent éviter l’affrontement. Mon prince se montre bon prince, fait des concessions, mais le roi Jean, sûr de sa force, reste inflexible. Nous nous battrons lundi. Mon prince ruse, fait mine de se retirer. Les chevaliers français tombent dans le piège et chargent. Une puissante charge. Mais ils se font cueillir par les archers gallois. Une tuerie. Le comte de Clermont, parmi tant d’autres, y laisse la vie. La chevalerie française est décimée. « Sire, sire, cette journée est vôtre ! » prédit le héraut Chandos à Édouard de Woodstock.

« Le reste de la bataille se fait au corps-à-corps, dans un grand fracas de cris, d’épées et de haches. « Père, gardez-vous à droite ! Gardez-vous à gauche ! » lance le jeune Philippe le Hardi à Jean le Bon, qui mouline à tour de bras. « Dieu et saint Georges nous protègent ! » « Montjoie Saint-Denis ! » hurlent les Français. Mon prince, qui se bat comme un lion, attend son moment. Il a encore des cavaliers et des archers en réserve, que conduit le captal de Buch. Il ordonne la charge. Elle sera décisive. Jean le Bon se retrouve encerclé et n’a plus d’autre choix que de se rendre.

« Entre parents qui s’apprécient, après s’être bien étripés sur le champ de bataille, les relations redeviennent fort civiles. Mon prince accueille le roi avec grand ménagement, lui offre du vin et des épices, plus tard un somptueux dîner. Édouard de Woodstok est un homme raffiné qui aime aussi les beaux vêtements, les parties d’échecs. Nous rentrons à Bordeaux le 2 octobre avec notre royal prisonnier, qui y séjournera jusqu’au 11 avril suivant, traité avec les plus grands égards, avant d’être expédié en Angleterre.

« La France est à terre.

« La rançon est fixée à 4 millions d’écus-or. Les traités de Londres puis de Brétigny consacrent la grande Aquitaine : le roi d’Angleterre a désormais pleine souveraineté sur la Saintonge, l’Aunis, le Périgord, l’Agenais, le Quercy, le Rouergue, la Gascogne… Il n’est plus vassal du roi de France, mais en contrepartie renonce à en revendiquer la couronne.

« Mon prince ne sera jamais roi. À l’heure où j’écris ces lignes, en l’an 1376, il vient de mourir avant son père, à 46 ans, d’une dysenterie contractée lors d’une chevauchée en Castille. Sa victoire à la bataille de Poitiers aurait pu changer le cours de l’Histoire, faisant de l’Aquitaine un royaume indépendant. Mais les hostilités ont repris de plus belle… »

Texte de Jacques Ripoche.
https://www.sudouest.fr/2013/08/04/le-prince-noir-fait-prisonnier-jean-le-bon-1132434-2780.php

De Bordeaux à la Tour de Londres

Le roi Jean II le Bon, prisonnier des Anglais, est d’abord emmené à Bordeaux, où il séjourne pendant deux ans. Il y jouit d’une certaine liberté et a même la possibilité d’y organiser une véritable cour. Ce séjour en Guyenne, possession des rois d’Angleterre, n’a de pénible que le fait qu’il laisse vacant le pouvoir. Le dauphin Charles est nommé régent et assure ainsi la continuité du pouvoir. Jean II, pensant laisser son royaume entre de bonnes mains, part alors négocier sa libération à Londres.

D’abord, logé à la cour, le roi de France est traité avec les égards dû à son rang. En revanche, les négociations sont loin d’être faciles. Plusieurs traités de Londres sont signés et aucun n’est satisfaisant. En France, la situation se dégrade et Edouard III décide de durcir les conditions d’emprisonnement de Jean II. Dans un premier temps, il reste à la cour, mais assigné à résidence. Ensuite, on le transfert au château de Somerton, puis à la Tour de Londres. Née avec la monarchie anglo-normande, fondée par Guillaume le Conquérant, la Tour de Londres est à la fois palais royal, prison d’Etat et garnison. La tour Beauchamp, élevée par Edouard 1er, en 1281, sert de geôle de luxe à des prisonniers de haut rang, parmi lesquels le roi Jean II.

Quand Jean II le Bon est fait prisonnier à Poitiers, la noblesse française a déjà essuyé de graves défaites face aux Anglais, principalement à Courtrai et Crécy. De ce fait, elle n’assume plus son rôle de protection du peuple qui légitime ses privilèges; bien au contraire puisque les paysans ont à supporter leurs pillages et rançonnements.

En même temps, les conflits se multiplient entre le Dauphin Charles, Charles de Navarre et la population de Paris, menée par le prévôt des marchands, Etienne Marcel. En même temps, les paysans se révoltent. L’année 1358 voit un royaume de France à feu et à sang, non pas directement à cause de la Guerre contre les Anglais, mais à causes de luttes internes et des révoltes des Parisiens et des Jacques.

En avril 1359, Jean II signe un traité qui partage la France. Le dauphin Charles réunit les Etats généraux à Paris et, devant cet accord inacceptable, les négociations avec les Anglais sont rompues. La guerre reprend et le camp français connaît de nouvelles défaites. Le 8 mai 1360, un nouveau traité est signé à Brétigny, près de Calais. Edouard III renonce à ses prétentions au trône de France en contrepartie de vastes territoires. Au nord, il reçoit Calais, Guines et Le Ponthieu; à l’ouest, il obtient le Poitou, l’Aunis, la Saintonge, le Périgord, le Quercy; et au sud, l’Agenais, le Rouergue, les comtés de Bigorre et de Gaure. Le roi d’Angleterre reçoit aussi trois millions de livres de rançon, avec pour garantie un fils de Jean II en otage.

Ce traité apparaît très vite comme désastreux, notamment aux yeux des seigneurs des territoires concernés qui doivent prêter hommage au roi d’Angleterre. Les révoltes se multiplient, jusqu’à la reprise de la guerre au début de 1369.

Texte de Maud Brochard 
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