2 septembre 1715 : le « coup d’état » de Philippe d’Orléans


Le petit Louis XV est trop jeune pour gouverner lorsqu’il succède à son arrière-grand-père. Celui-ci a préparé sa succession politique et organisé un Conseil de Régence, véritable gouvernement, dont la présidence est confiée à Philippe d’Orléans. Mais les pouvoirs confiés au fils de « Monsieur, frère du Roi » sont réduits à peau de chagrin. Sa présidence ressemble à une « présidence d’honneur » ; le duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV, ayant la garde du jeune souverain.

La régence de Louis XV est la première régence sans mère. Celle-ci est morte en 1712, la même année que son époux, le dauphin Louis de France. La descendance de Louis XIV, fort nombreuse, se limite en ligne directe à cet enfant. Philippe d’Orléans est le seul adulte de cette famille ; encore n’est-il qu’un collatéral du roi défunt. Mais il a l’essentiel des cartes dans les mains. De plus, toute la noblesse craint pour la santé du jeune Louis XV. Or, en cas de décès prématuré, Philippe d’Orléans devrait supporter les revendications du duc du Maine. Sans oublier les droits de la Maison des Bourbons d’Espagne qui, malgré la renonciation de Philippe d’Espagne, a des arguments non négligeables à faire valoir.

Petit-fils de France, Philippe d'Orléans est le fils de Philippe, précédent duc d'Orléans (dit Monsieur, frère unique du Roi) et de sa seconde épouse la Princesse Palatine Élisabeth-Charlotte de Bavière, et le neveu du roi Louis XIV. Il reçoit une éducation soignée, principalement tournée vers la fonction militaire et diplomatique, comme il sied à un petit-fils de France. Il s'intéresse particulièrement à l'histoire, la géographie, la philosophie et aux sciences. Contrairement à son oncle et à son père, il monte mal, se montre mauvais danseur et n’aime pas la chasse. En revanche, il a la prodigieuse mémoire de son oncle : très tôt, il connaît sur le bout des doigts les mémoires et généalogies des grandes familles de la cour. Il a aussi une grande capacité de travail et de l'intelligence.

Titré d’abord duc de Chartres, il n’est que sixième dans la ligne de succession au trône, après le Grand Dauphin et ses trois fils, et son père. Cette lignée ne lui laisse que bien peu d’espérances de régner et ne le place pas dans la meilleure situation pour faire un mariage avantageux. De plus, la France est en guerre avec la presque totalité de l’Europe, ce qui rend impossible un mariage étranger. Aussi, dès 1688, Louis XIV fait allusion à Mademoiselle de Blois, bâtarde légitimée. Mais Monsieur et son épouse, la Princesse Palatine, s’opposent à cette union. Au début de 1692, Louis XIV convoque son neveu et lui déclare qu’il ne peut mieux lui témoigner son affection qu’en lui donnant en mariage sa propre fille Françoise-Marie de Bourbon, ce à quoi le jeune homme ne sait répondre qu’en balbutiant un remerciement embarrassé. La Palatine, ne pouvant compter sur le soutien de son mari, se borne à tourner le dos au Roi après qu'il lui ait fait une profonde révérence. Elle aurait, selon le duc de Saint-Simon, donné à son fils une énorme gifle devant toute la Cour. Le mariage a lieu, le 18 février 1692. De ce mariage avec celle que le Philippe appelle lui-même « Madame Lucifer », il aura huit enfants mais un seul fils.

Le 2 septembre 1715, l’heure de la revanche semble arrivée pour ce prince qui, depuis sa naissance, vit dans l’ombre de son oncle et de ses nombreux descendant. Par testament, Louis XIV a réglé sa succession, nous l’avons dit plus haut. Le lendemain de la mort de Louis XIV, il est fait lecture de son testament en séance solennelle devant la grand chambre du Parlement de Paris en présence de toutes les Cours souveraines, les princes du sang et les ducs et pairs. Les dernières volontés du défunt roi (rédigées le 2 août 1714) sont claires : le trône revient à son arrière-petit-fils :suivant les lois du royaume ; au duc du Maine, son fils légitimé, l'éducation et la garde de l'enfant royal, ce qui signifie dans les faits la possibilité d'imposer la volonté du duc du Maine aux parlements par le biais du lit de justice ; au duc d'Orléans, son neveu, la charge de « président du conseil de régence », conseil statuant collégialement.

Une lutte d'influence débute alors entre le duc du Maine et le duc d'Orléans pour obtenir le titre de Régent de la part des parlementaires. Le jour même, le testament est partiellement cassé à la suite d'une alliance nouée, avant la mort du roi, entre les parlementaires de Paris et Philippe d'Orléans, celui-ci promettant tout simplement de réintroduire les parlementaires dans les sphères du pouvoir royal s'ils le soutiennent face au duc du Maine. C'est donc Philippe d'Orléans qui est proclamé régent du royaume et détenteur effectif du pouvoir durant la minorité du jeune Louis XV, au détriment du duc du Maine qui ne peut rien faire face à cette alliance. La seconde étape de l'alliance prend forme le 15 septembre 1715 : Philippe d'Orléans restitue au Parlement de Paris son droit de remontrance. De plus, le 1er octobre 1715, sans doute sous l'influence de son ami Saint-Simon, un système de polysynodie est accepté, les ministres du roi étant remplacés par plusieurs Conseils (« synodie ») auxquels haute noblesse, parlementaires et hauts notables ont accès.

Le Régent réside au Palais-Royal qui devient, de 1715 à 1723, le cœur de la vie politique et artistique, supplantant Versailles. La personnalité de l’abbé Dubois, son ancien précepteur, devenu archevêque, cardinal et ministre, s’impose de plus en plus auprès de Philippe, le fonctionnement de la polysynodie devenant de plus en plus difficile, avant d’y renoncer en 1718. Sa politique religieuse change et, avec le soutien des cardinaux Bissy et Rohan, le Régent s'engage dans la voie de l'accommodement et la rédaction d'un corps de doctrine, sorte de synthèse des vues gallicanes sur la querelle janséniste (1720). A l’intérieur du royaume, il s’impose aux parlements et aux légitimés (septembre 1718). A l’extérieur, il prend les armes contre l’Espagne dans une alliance avec Londres et Vienne (janvier 1719).

Philippe n'a rien changé à sa vie frivole. Le Palais-Royal est un lieu de débauches, les petits soupers y tournent parfois à l’orgie. Les chansons satiriques de l'époque lui prêtent une relation incestueuse avec sa fille aînée, Marie-Louise-Élisabeth d'Orléans qui, après la mort de son mari, accumule les amants et scandalise la cour tant par sa soif d'honneurs et de gloire que par ses coucheries et ses grossesses illégitimes.

Mais le royaume souffre : incendies, pestes de Marseille, système de Law ; Le Régent est accusé d’irréligion. Le pays souffre et gémit, on accuse l'irréligion du Régent. La monarchie reste cependant debout et Louis XV est sacré le 25 octobre 1722. Le cardinal Dubois est maintenu comme principal ministre, mais celui-ci meurt le 10 août 1723. Philippe d’Orléans sollicite alors, la place de principal ministre et le roi la lui accorde sans hésiter. Aucun petit-fils de France n’avait, avant lui, été investi de telles fonctions. Le duc d’Orléans a beaucoup grossi et est sujet à de fréquentes somnolences. Il refuse de suivre les avis de modération conseillés par son médecin Pierre Chirac. Il meurt le jeudi 2 décembre 1723 après souper vers sept heures du soir, assoupi dans son fauteuil sur l'épaule d'une de ses favorites.

Le Régent

de Philippe ERLANGER (Auteur)

Parvenu au pouvoir en brisant le testament de Louis XIV, le Régent (1715-1723) inaugure une politique réformatrice et souvent audacieuse : il se rapproche de l'Angleterre, favorise la révolution bancaire, restaure les remontrances parlementaires et encourage les ambitions politiques de la haute noblesse. Le fiasco de la polysynodie et la banqueroute de Law amoindrissent son bilan tandis que le dirigeant éclairé disparaît derrière le libertin. Cette biographie enlevée souligne l'importance du politique et révèle une personnalité complexe et fascinante.

Éditeur ‏ : ‎ Tempus Perrin (8 janvier 2015)
Langue ‏ : ‎ Français
Poche ‏ : ‎ 380 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2262033501
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2262033507
Poids de l'article ‏ : ‎ 220 g
Dimensions ‏ : ‎ 10.9 x 2.1 x 17.8 cm

Le Régent


Sauvegarder la grandeur de la France tout en faisant le bonheur des Français : le défi qu’eut à relever en 1715 Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV, était redoutable.
Si on le voit encore volontiers sous les traits d’un libertin ordonnateur des plaisirs d’une société raffinée mais corrompue, alors que se multipliaient les signes avant-coureurs de la Révolution, ce cliché reste bien léger. Le Régent, personnalité complexe et insaisissable, fut un prince à l’intelligence lumineuse, et aussi un travailleur acharné, un soldat brillant en même temps qu’un politique d’une habileté extrême. Cet Orléans, assurément digne de figurer dans la galerie des grands Capétiens, sut à merveille innover et restaurer, panser les plaies et faire fructifier les réussites du règne de Louis XIV. Jamais auparavant historien ne l’avait démontré avec autant de science et de virtuosité.

Éditeur ‏ : ‎ Fayard/Pluriel (2 octobre 2013)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 992 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2818503485
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2818503485
Poids de l'article ‏ : ‎ 460 g
Dimensions ‏ : ‎ 11 x 4.5 x 17.8 cm

ORLÉANS PHILIPPE duc d' (1674-1723), régent de France (1715-1723)


Fils de Monsieur, frère de Louis XIV, et de la princesse Palatine, duc de Chartres, Philippe d'Orléans commence sa carrière des armes aux Pays-Bas, aux côtés de Louis XIV et se distingue par une brillante conduite à Mons, à Steinkerque et à Neerwinden en 1693. C'est un grand et bel homme : « De port aisé et fort noble [...] il avait dans le visage, dans toutes ses manières, une grâce infinie et si naturelle qu'elle ornait jusqu'à ses moindres actions » (Saint-Simon). Le roi l'écarte et le réduit à une existence mondaine où il prend des habitudes de vie dissolue mais cultive les lettres et les arts. Il épouse la princesse légitimée, Mlle de Blois, et reçoit, à la mort de son père, les prérogatives des princes du sang. Rappelé à l'armée lors des campagnes difficiles de la guerre de Succession d'Espagne, il prouve sa bravoure à Turin en 1706. Après avoir été écarté des successions possibles, en France comme en Espagne, il intrigue. Son ambition mal déguisée et son goût pour la chimie le font soupçonner d'avoir contribué aux morts mystérieuses du Dauphin et de sa famille. Louis XIV lui témoigne froideur et défiance et lui impose, par son testament secret, la présence des princes légitimés dans le Conseil de régence. À la mort de Louis XIV, le duc d'Orléans fait casser le testament par le Parlement (sept. 1715) qui le reconnaît comme seul régent, ce qui lui permet de réorganiser le Conseil à son gré, de ménager le Parlement (polysynodie), de séduire les Français par une politique nouvelle : la paix est rétablie. Il soutient les jansénistes, abandonne la cause des Stuarts, tente de rétablir les finances et l'économie avec les audaces de Law. Mais il s'impose aux parlements et aux princes légitimés (sept. 1718), prend les armes contre l'Espagne dans une alliance avec Londres et Vienne (janv. 1719). Le Régent n'a rien changé à sa vie frivole. Le Palais-Royal est le théâtre de ses abandons à la paresse et à la débauche en compagnie de ses « roués » (méritant le supplice de la roue), « fanfarons d'incrédulité et de crimes » ; les petits soupers y tournent à l'orgie. La complicité de Dubois, son ancien précepteur, devenu archevêque, cardinal et ministre, est entière dans ce mépris des vertus publiques et privées. Mais quand les calamités fondent sur le royaume : incendies, peste de Marseille, effondrement du système de Law, le pays souffre et gémit, on accuse l'irréligion du Régent. La sagacité et la finesse de Dubois dans les affaires, l'énergie intermittente du Régent et l'absence de toute opposition organisée font que la monarchie reste debout. Louis XV est sacré en février 1723 et il garde Philippe d'Orléans comme ministre jusqu'à la mort de ce dernier, survenue à la fin de la même année.

Philippe d'Orléans a composé deux opéras (Hypermnestre et Panthée), peint et gravé avec talent (on lui doit les illustrations d'une édition de Daphnis et Chloé). Il achète pour sa couronne le Régent, le diamant réputé le plus beau d'Europe.

— Louis TRENARD : PHILIPPE ORLÉANS duc d' (1674-1723) régent de France (1715-1723) - Encyclopædia Universalis
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