5 septembre 1661 : D’Artagnan arrête Fouquet sur ordre du Roi
"C'est toujours l'impatience de gagner qui fait perdre."
– Louis XIV
Issu d’une lignée de parlementaires fortunés, Nicolas Fouquet est intelligent, audacieux et fidèle à la royauté, d’où une ascension sociale très rapide: sa générosité parfois calculée et son caractère galant contribuent à sa réussite et entraînent l’adhésion. A l’image de l’écureuil, emblème de sa famille, et de sa devise « Quo non ascendet » (jusqu’où ne montera-t-il pas ?), il s’élève jusqu’à être nommé Surintendant des Finances en 1653 par le Premier Ministre, le Cardinal Mazarin.
Il a pour mission de renflouer les caisses et il collabore avec Jean-Baptiste Colbert, l’intendant privé de Mazarin. A la mort de ce dernier en mars 1661, Fouquet devrait logiquement succéder à Mazarin en qualité de Premier Ministre, mais Louis XIV, âgé de 22 ans, décide soudain de supprimer cette fonction du gouvernement, et d’en prendre le contrôle pour gouverner seul.
Colbert, calculateur et jaloux de la réussite de Fouquet, en profite pour l’accuser auprès du roi d’avoir détourné des millions (en réalité, volés par Mazarin), afin de déclencher sa disgrâce. Malgré les avertissements de ses amis, Fouquet ne soupçonne rien de ce qui se trame dans son dos.
Le 17 août 1661, alors qu’il offre au roi une réception somptueuse mêlant promenade, souper, comédie et feux d’artifice enchanteurs, la chute de Fouquet est imminente. Cette nuit-là, Louis XIV, manipulé par Colbert, a déjà décidé de jeter Fouquet en prison. A ce propos, Voltaire aura ces mots célèbres :
«Le 17 août, à 6 heures du soir, Fouquet était le roi de France ; à 2 heures du matin, il n’était plus rien.»
Fouquet est arrêté à Nantes trois semaines plus tard par le capitaine des mousquetaires, d’Artagnan.
L'INSTRUCTION
L'imagerie populaire rend la dernière fête du 17 août 1661, la plus impressionnante donnée à Vaux-le-Vicomte et où le roi fut convié, responsable de la disgrâce de Fouquet. En réalité, le tout jeune monarque, souhaitant asseoir politiquement son trône, avait déjà à l'esprit de se débarrasser de son surintendant des finances, résurgence de la politique du cardinal de Mazarin et surtout beaucoup trop riche et influent aux yeux du Roi Soleil.
L'ENQUETE - Les commissaires débutèrent bien évidemment leurs investigations dans "l'antre" du surintendant, symbole de sa gloire et de sa puissance, le château de Vaux-le-Vicomte. Puis ceux-ci se tournèrent vers les anciennes demeures de Fouquet et c'est dans sa propriété de Saint-Mandé qu'ils firent leur plus troublante découverte : une cassette renfermant toute la correspondance du surintendant et qui portait aux nues ses collusions multiples avec une bonne partie de la Cour jusque dans l'entourage proche du roi.
Les interrogatoires débutèrent au début de l'année 1662 et oublièrent curieusement sa famille, exilée pour l'occasion, et toutes personnes pouvant abonder dans son sens.
A ce stade, on peut noter que si les malversations (ou tout du moins les largesses) que s'étaient octroyées Nicolas Fouquet ne peuvent objectivement pas être niées, il est aussi généralement admis que les enquêteurs, recevant leurs ordres de Colbert en personne, truquèrent purement et simplement les procès-verbaux en les agrémentant de témoignages imaginaires et autres inventaires extrapolés. Pis, on refusa au principal intéressé la possibilité d'être jugé devant le Parlement de Paris (comme tel était pourtant son droit) pour le renvoyer devant une Chambre de justice exceptionnelle constituée spécialement à son attention ; inutile de mentionner que le président, le procureur général, les conseillers et les greffiers nommés pour composer cette cour extraordinaire étaient plus ou moins des intimes de ceux qui souhaitaient corps et âme la perte du surintendant déchu (et d'ailleurs récusés par Fouquet). Pour parachever cette entreprise de démolition personnelle, il fut signifié à l'accusé que son procès se déroulerait uniquement par écrit, "comme à un muet" suivant l'expression consacrée.
LES FAITS IMPUTES : Suivant l'instruction préalable, la Chambre de justice extraordinaire a caractérisé deux infractions.
1.Les malversations dans l'Administration des finances, et plus précisément le détournement de fonds publics par un comptable public (péculat) :
- appropriation frauduleuse de sommes d'argent considérables- pensions perçues à partir de rentes obtenues illégalement- prêt d'argent personnel au roi en qualité d'ordonnateur (interdit)- utilisation de l'argent du trésor royal, etc.
2.Le crime d'Etat de lèse-majesté :
- fortification de Belle-Ile-en-Mer, dont il s'était rendu propriétaire, sans l'accord du roi- corruption d'officier royaux et de gouverneurs de places fortes- conflits d'intérêts, notamment avec des membres éminents de la Cour (mis en lumière par la "cassette de Saint-Mandé"), etc.
Nicolas Fouquet encourait alors la mort pour ces deux chefs d'accusation.
LE PROCES
Haï de tous pour son enrichissement personnel indécent au regard des crises financières, des disettes et des famines, Nicolas Fouquet obtint un étonnant regain de sympathie de la part du peuple qui n'apprécia guère l'acharnement royal à son encontre. Sa défense méticuleuse l'y aidant, il devint même, chose incroyable, si populaire que les juges hésitèrent à frapper l'accusé de la peine maximale.
LES DEBATS (PROCEDURE ECRITE): Certains papiers compromettants ayant été, comme nous l'avons vu, falsifiés, le procureur général ne put empêcher l'éclatement au grand jour de plusieurs contradictions dans l'acte d'accusation. Fouquet, avec une extraordinaire précision, récusa une à une les accusations et discuta chaque point : il démontra ainsi sa difficulté à acquérir la charge de surintendant des finances (il s'endetta lourdement pour cela) et surtout son enrichissement relatif selon lui comparé aux grandes fortunes du royaume constituées à cette époque. Plus insidieusement, il n'omettra pas de préciser que les largesses dont il avait pu bénéficier avaient aussi profité à d'autres personnes, tel Colbert par exemple.
Malheureusement pour lui, la réalité des faits le rattrapait de toute façon et, bien qu'il fut finalement plus l'objet du courroux du roi qu'autre chose, ses tromperies et escroqueries ne pouvaient être ignorées plus longtemps.
"L'audience" ne dura pas moins de trois ans et demi et déchaîna les passions pendant tout ce laps de temps. La pression royale sur les juges fut alors proportionnellement équivalente à la popularité inédite de l'accusé, compliquant doublement la tâche de la Chambre de justice. Quant aux avocats de l'ancien surintendant, ceux-ci produisirent plus de 10 volumes de mémoires en défense.
LE JUGEMENT - Le 22 décembre 1664, un arrêt reconnaîtra Nicolas Fouquet coupable de péculat.
«La chambre a déclaré et déclare ledit sieur Fouquet duement atteint et convaincu d'abus et malversations par lui commises au faict des finances ; pour réparation de quoy, ensemble pour les autres cas résultant du procès, l'a banny et bannit à perpétuité hors du royaume, [...] a déclaré tous ses biens confisquez au Roy, sur iceux préalablement pris la somme de 100.000 livres applicables moitié au Roy et l'autre moitié en œuvres pies.»
On remarquera que la peine prononcée par les juges ne correspond pas à celle normalement prévue pour punir le péculat : au lieu d'être condamné à mort, on enjoint Nicolas Fouquet de quitter le royaume de France.
Cette clémence, due probablement à la pression populaire ainsi qu'à la durée relativement longue du procès, est considérée comme totalement injustifiée aux yeux du roi et de son entourage.
En réaction à ce qui fut donc perçu comme un premier défi au pouvoir absolu mis en place par le jeune roi, Louis XIV n'hésita pas à modifier lui-même la sentence pour la commuer en peine de prison à vie. Nicolas Fouquet finira alors ses jours (23 mars 1680) enfermé dans la forteresse de Pignerol, sa détention alimentant d'ailleurs les hypothèses les plus folles de certains historiens : Fouquet a-t-il été forcé de revêtir le célèbre "Masque de Fer" ?
http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/proces-historiques-10411/le-proces-de-nicolas-fouquet-22693.html
Fouquet
de Jean-Christian Petitfils (Auteur)
La biographie de l'un des personnages les plus fascinants du siècle de Louis XIV.
Fouquet, surintendant des Finances de Louis XIV, était-il un financier douteux puisant dans les caisses de l'Etat ou fut-il accusé par jalousie ? Juriste éminent, habile financier, diplomate avisé, ami fidèle, grand mécène et bâtisseur (à Vaux-le-Vicomte et à Belle-Ile), il a eu un rôle politique capital dans la période difficile qui va de la fin de la Fronde à la mort de Mazarin. Rongé par la chimère et l'ambition, rêvant de devenir un nouveau Richelieu, ce fastueux ministre ne pouvait que se heurter à l'autorité naissante du jeune Louis XIV. L'ouvrage de Jean-Christian Petitfils apporte un éclairage nouveau sur ce personnage complexe et sur la France baroque.
Éditeur : Tempus Perrin (7 avril 2005)
Langue : Français
Poche : 640 pages
ISBN-10 : 2262023328
ISBN-13 : 978-2262023324
Poids de l'article : 100 g
Dimensions : 11.1 x 2.7 x 17.9 cm
Fouquet ou le Soleil offusqué
de Paul Morand (Auteur)
Fouquet a dû croire que tout s'achète, même le destin. Fouquet est l'homme le plus vif, le plus naturel, le plus tolérant, le plus brillant, le mieux doué pour l'art de vivre, le plus français. Il va être pris dans un étau, entre deux orgueilleux, secs, prudents, dissimulés, épurateurs impitoyables, Louis XIV et Colbert. Il succombera, étant resté un homme du temps de la Fronde, vivant dans un magnifique désordre, avec quinze ans de retard sur l'époque absolue qui s'annonce. Fouquet le prodigue, confiant et aveugle, n'ayant su ni percer à jour la Reine Mère, ni retenir Mazarin, ni juger Colbert, ni prévoir Louis le Grand, qui l'exécutèrent, puis le dépouillèrent de son faste.
Éditeur : FOLIO HISTOIRE (14 mai 1985)
Langue : Anglais, Français
Poche : 192 pages
ISBN-10 : 2070323145
ISBN-13 : 978-2070323142
Poids de l'article : 113 g
Dimensions : 11 x 1.2 x 18 cm
Fouquet
de Daniel Dessert (Auteur)
Vaincu politique, Fouquet est surtout un vaincu de l’Histoire. L’image du ministre léger et prodigue s’est imposée comme une évidence. Pourtant, au terme de cette enquête, la personnalité du surintendant apparaît bien différente de ce poncif.
Par son attitude et son caractère, il a certes renforcé l’équivoque. Mais il a perdu son bien, celui de sa famille, joué le destin de son clan, hypothéqué l’avenir de ses enfants avant de perdre sa liberté et son honneur. Vingt ans de prison pour huit années de vertige, mais aussi de bons et loyaux services : un homme capable de tout sacrifier à ses chimères et à son devoir mérite qu’on lui rende justice avant de le condamner si cela est nécessaire.
Ni séducteur ni concussionnaire ni factieux, Fouquet représente en réalité l’archétype du financier virtuose, du politique efficace, de l’ami fidèle et du chrétien militant. À la croisée de tous les grands courants de l’Ancien Régime, il en assume les contradictions et les grandeurs.
Éditeur : Fayard/Pluriel (18 février 2015)
Langue : Français
Poche : 416 pages
ISBN-10 : 281850435X
ISBN-13 : 978-2818504352
Poids de l'article : 340 g
Dimensions : 11 x 2 x 17.8 cm