6 septembre 1656 - 10 août 1723 : l’abbé Dubois, « le règne de la Bête »

Guillaume Dubois, appelé « l'abbé Dubois », puis « le cardinal Dubois », est un ecclésiastique et un homme d'État français, né le 6 septembre 1656 à Brive-la-Gaillarde et mort le 10 août 1723 à Versailles. Il est le principal ministre d'État sous la régence de Philippe d'Orléans.

A Dubois, Saint-Simon a taillé un costume pour l'éternité : avarice, débauche, perfidie, flatterie, impiété... Ce fut le règne de la Bête. Dubois n'était pas plus amoral ni moins vorace que Richelieu et Mazarin. Enrichi par le pouvoir, mais pas scandaleusement, sa fortune peut se comparer à celle de Colbert (dix millions de livres), et sa famille fera preuve d’une parfaite dignité avant comme après sa mort. Simplement abbé célibataire, point prêtre, il plaisait aux dames et se plaisait en leur compagnie... dans la mesure où ses journées d’énorme travailleur lui laissaient quelques loisirs. D'une grande brutalité de manière, d'ailleurs calculée, avide d'argent et d'honneurs - il se fit élire membre de l'Académie française et de l'Académie des sciences - , Dubois parvint à se rendre indispensable à la Couronne et fut, tout compte fait, un bon serviteur de l'Etat, et surtout un pionnier de l'entente européenne.

L’originalité profonde de Dubois tient à la modestie même de sa naissance Né le 6 septembre 1656 à Brive-la-Gaillarde, il est parti de presque rien et est devenu presque tout. Les grands cardinaux-ministres du XVIIe siècle, Richelieu et Mazarin, leur ont fait de l’ombre, par avance, et l’on a pris la mauvaise habitude d’oublier le quatuor en question. Bernis, petit noble. Fleury, moyen bourgeois de Languedoc, Dubois, « petit moyen-bourgeois » de Brive, d’une famille d’apothicaires, d’avocats, d’édiles... Dubois est le type même du bon élève, du boursier d’humble extraction que ses dons intellectuels, son énergie, et son charme ont mis au service de la famille d’Orléans, issue de Monsieur, frère de Louis XIV. L'abbé Dubois, qui n'est pas prêtre, devient ainsi secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères en 1718, archevêque de Cambrai en 1720, cardinal en 1721. Il est déjà tout-puissant, ayant réussi à éliminer tous ses concurrents de la vieille noblesse, lorsqu'il est nommé principal ministre en août 1721. Il ne le reste qu'un an, emporté par un atroce abcès de la vessie, qui réjouit fort ses ennemis, en août 1722.

Cet homme de grande culture, travailleur acharné, ami de Fénelon et de Mme de Maintenon autant et plus que des drôlesses et des polissons du Palais-Royal, parvint, par une diplomatie persévérante exercée de façon parfois romanesque, à nouer pour la France de solides alliances. Ce fut l’homme de la paix, après un demi-siècle, ou davantage, de guerres menées au nom du Roi-Soleil et souvent couronnées de succès, mais à quel prix ! Qui plus est, il ne s’agit point de n’importe quelle paix. Celle que préconise l’abbé puis cardinal implique au premier chef une réconciliation avec l’Europe protestante (anglaise, hollandaise...), celle qui est porteuse des valeurs libérales et capitalistes. Et tant pis pour la révocation de l’édit de Nantes (1685), tellement hostile aux huguenots. Les textes, ou plutôt les traités, parlent d’eux-mêmes, négociés au premier chef par Dubois, et souvent avec les méthodes de la diplomatie secrète : convention « pacifiante » franco-anglaise (octobre 1716) ; triple alliance France-Angleterre-Pays-Bas (janvier 1717), à laquelle se joindra l’Autriche en 1718 et l’Espagne en 1721... Le système Dubois, par conséquent, se transcende en direction d’une authentique construction européenne, si fragile soit-elle, incluant presque toutes les grandes puissances de l’époque.

Son œuvre ne se « décline » pas seulement sur le « front » de la politique extérieure. Il a participé aussi à d’autres opérations de détente à l’intérieur de nos frontières : Philippe et lui se sont arrangés pour laisser quelque peu en repos les jansénistes et même les huguenots, rudement brimés au temps du roi prédécesseur. Les deux hommes et leurs comparses ramènent le gouvernement de Versailles à Paris, c’est-à-dire vers une capitale où la culture dominante permet toutes les audaces. Ils se débarrassent de quelques crocodiles professionnellement pro-espagnols qui encombraient inutilement les marigots ou allées du pouvoir, tels que le maréchal de Villeroy.

Le Régent et Dubois, par ailleurs, n’ont certes par créé de toutes pièces la vigoureuse expansion économique qui soulève le royaume français tout entier à partir des années 1713-1715. Celle-ci jaillit tout naturellement des profondeurs de l’organisme national, en raison de la fin des guerres. Mais les deux complices ont eu le mérite de stimuler cette puissante reprise, dans la mesure où ils ont laissé faire l’expérience de Law, à base d’inflation créatrice en période de croissance, le contraire même de la fameuse stagflation. Ultérieurement, ils ont mis fin à cette entreprise Law, en 1720, dès lors qu’il s’est avéré qu’elle avait accompli sa mission historique. Dubois se situe aussi au point de départ d’un certain nombre de projets visant à développer les transports et à établir la justice fiscale.

On doit reconnaître, équitablement, que le Régent Philippe se voulait plus « ouvert » encore que ne l’était Dubois. Il avait envisagé d’annuler la révocation de l’édit de Nantes, et il voulait convoquer les états généraux. Dubois, dans cette double affaire, jouait plutôt le rôle de frein, et il se situait en quelque sorte moins à « gauche » que son ancien élève. Mais peut-être la prudence et la modération, en effet, étaient-elles préférables ? Quoi qu’il en soit, les deux hommes se trouvaient unis par une profonde affection mutuelle, et les derniers moments de Dubois, au cours d’une cruelle agonie que l’intervention des médecins de l’époque rendait plus cruelle encore, furent pour Philippe une épreuve morale presque insupportable.

D’après Emmanuel LE ROY LADURIE FIGARO LITTERAIRE - HISTOIRE, ESSAIS 11/01/2001 https://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/ladurie/lefigaro/2001/18-110101.pdf
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