8 septembre 1303 : Le pape est giflé par l’émissaire du roi de France

L' « attentat » d'Anagni est l'événement le plus célèbre et le plus marquant de la lutte opposant le roi de France Philippe le Bel au pape Boniface VIII.

Voir : PHILIPPE IV LE BEL, roi de France et de Navarre (5.10.1285 au 29.11.1314) (grandeschroniquesdefrance.blogspot.com)

Au tournant du XIIIe siècle, plusieurs querelles éclatent entre le pape Boniface VIII et le roi de France Philippe IV le Bel. À propos de la levée d'une décime sur le clergé (1296) ou de la volonté du roi de juger un évêque, celui de Pamiers, Bernard Saisset (1301), le pape affirme la thèse de la supériorité du spirituel sur le temporel et la vocation du Saint-Siège à gouverner le monde (bulle Unam sanctam du 18 novembre 1302). À l'inverse, les légistes de l'entourage royal insistent sur l'indépendance du temporel par rapport au pape. Le roi obtient le soutien des prélats, des nobles et des bourgeois français, lors de diverses assemblées en 1302 et 1303. Boniface menaçant Philippe d'excommunication, le roi réplique en envoyant Guillaume de Nogaret porter au pape une citation à comparaître devant un concile pour illégitimité et hérésie. Nogaret est alors mêlé, peut-être sans le vouloir, à un assaut du clan romain des Colonna contre le pape, en séjour d'été à Anagni. (1)

Voir également : Temps de l'Histoire de France (987-1940) (grandeschroniquesdefrance.blogspot.com)

Le pape Boniface VIII, craignant l’insécurité de Rome, en proie aux luttes des factions, s’est réfugié à Agnani, petite ville au sud de Rome, pour passer l’été 1303. Il y prépare l’excommunication du roi de France. En septembre, deux mouvements se conjoignent : celui d’une troupe armée du parti Colonna, menée par Sciarra Colonna, qui cherche à s’emparer du pape, et celui du légiste Guillaume de Nogaret. Dans l’assaut donné au palais pontifical dans la nuit du 7 au 8 septembre 1303, assaut dont Nogaret profite pour accéder auprès pape et semble lui éviter le pire.
Maurice Druon décrit la scène dans Les Rois maudits : « (...) Là, le vieux pape de 68 ans, tiare en tête, croix en main, seul dans une immense salle désertée, voyait entrer cette horde en armures. Sommé d'abdiquer, il répondait : « Voilà mon cou, voilà ma tête ; je mourrai, mais je mourrai pape. » Sciarra Colonna le giflait de son gantelet de fer. Et Boniface lançait à Nogaret : « Fils de cathare ! Fils de cathare ! » 

Selon Maurice Druon c’est Colonna et non Nogaret qui gifle le pape. En fait, il s’agit d’une légende qui ne repose sur aucun mouvement. Une « fake-new » en somme. Jean Favier nous apprend que même les textes les plus hostiles au légiste ne parlent pas de cette gifle. Le célèbre médiéviste affirme que ce n'est qu'au XIXe siècle que prit naissance le mythe affirmant que Sciarra Colonna aurait giflé le pape. En réalité, aucun témoin contemporain ne parlerait de cette « gifle », qui semble aujourd'hui plus une métaphore qu'un acte réel et historique. Si Philippe le Bel avait voulu « secouer » le pape, il aurait envoyé une armée et certainement pas un professeur de droit.

Mais la confusion est-elle que tous les participants au coup de force se trouveront mêlés dans une réprobation générale dès l’évènement connu dans la Chrétienté médiévale.

Molesté, insulté, menacé de mort, Boniface VIII s'éteint le 11 octobre 1303.

Son successeur, Benoît XI, abroge la bulle excommuniant le roi Philippe. Cependant il écarte de l'amnistie les coupables directs de l'attentat d'Anagni. Le nouveau pape décède à son tour le 7 juillet 1304. Le nouveau pape, Clément V, élu en 1305, est un Français. Il installe la papauté à Avignon en 1309 et lève en 1311 toutes les condamnations portées contre le roi et ses conseillers, déclarant que durant tout le conflit l'attitude de Philippe le Bel avait été « bonne et juste. »

La traditionnelle alliance du pape et du roi de France vient de céder devant le principe gallican de la souveraineté du royaume. Sous le pontificat d'Innocent III puis, en France, sous le règne de Saint Louis, les gouvernements se soumettaient bon gré mal gré aux exigences du pape. Tout change avec Philippe IV le Bel, petit-fils de Saint Louis, qui se pose en précurseur de la séparation de l'Église et de l'État.

(1) Vincent GOURDON : agrégé et docteur en histoire, chercheur au C.N.R.S.