Budget 2024 : la France malade de ses non-choix - Par Philippe Crevel et Jean-Philippe Delsol
Le budget 2024, préparé par le gouvernement, doit permettre de réduire le poids de la dette, de baisser les impôts et de réaliser des efforts dans le cadre de la transition écologique.
Atlantico : Le budget 2024 sera présenté ce mercredi 27 septembre par l’exécutif, à l’occasion du prochain conseil des ministres. En prévision de cet événement, Bruno Le Maire n’a eu de cesse de répéter qu’il n’était pas question d’augmenter les prélèvements obligatoires. Ceux-ci devraient même baisser a-t-il affirmé. La CVAE devrait ainsi diminuer et le barème de l’impôt sur le revenu être revu en tenant compte de l’inflation. Peut-on vraiment imaginer, dans ces conditions, une réelle baisse du budget de l’Etat, ainsi que semble le souhaiter l’Europe notamment ?
Philippe Crevel : Le Haut Conseil des Finances Publiques, qui dépend de la Cour des Comptes, a rendu ce lundi 25 septembre 2023 un avis dans lequel il exprime de très forts doutes concernant la trajectoire des finances publiques suivies par la France. Il a aussi fait savoir qu’il doutait considérablement de la capacité de la France à tenir ses engagements auprès de l’Europe, comme il le fait par ailleurs chaque année depuis déjà longtemps désormais. Il souligne aussi la surestimation de la croissance faite par le gouvernement pour pouvoir atteindre son objectif de finances publiques.
Rien de nouveau sous le soleil, donc.
La France réduit, à une vitesse d’escargot, sa dette et son déficit publics. Nous sommes loin d’un assainissement en profondeur des finances publiques. Rien ne permet de penser que la trajectoire budgétaire change ou que nous soyons passés de la première à la deuxième vitesse en matière d’assainissement des comptes publics.
La France, ne l’oublions pas, fête son cinquantième anniversaire de déficit public. Hormis la période des années 60-70, durant lesquelles le déficit public restait très léger, l’Hexagone a toujours été un pays de désordre en matière de comptabilité publique. Les crises budgétaires jalonnent notre histoire, de la fronde sous Louis XIV en passant évidemment par la période révolutionnaire jusqu’à la IV République par exemple. La France est un pays dépensier, de déficit et de dette. La situation actuelle s’inscrit dans cette longue tradition, qu’il faut mettre en parallèle avec un pouvoir politique qui, malgré une image de force, est relativement faible. Pour masquer sa faiblesse, il n’a d’autres solutions que de dépenser davantage.
Jean-Philippe Delsol : En l’état, on peut être inquiet sur le prochain budget 2024. Le gouverneur de la Banque de France lui-même, François Villeroy de Galhau, a observé, le 15 septembre 2023 que le pré-projet de budget 2024 présenté par le gouvernement manquait de « crédibilité ». Le gouvernement prévoit une croissance de 1,4 % du PIB l’an prochain, mais la Commission européenne évoque pour sa part 1,2 %, et l’Insee table sur 0,9 %. Par ailleurs la hausse des taux d’intérêt rehaussera la charge de la dette à 48 milliards l’an prochain, soit 10 Md€ de plus qu’en 2023.
En l’état, Bruno le Maire n’a évoqué que 16 milliards d’euros d’économies dont l’essentiel (10 milliards d’euros) proviendra de la suppression progressive du bouclier tarifaire pour l’électricité et de la réduction des aides aux entreprises (4,5Md€). Des économies liées à la réforme de la politique de l’emploi et du chômage permettront de compléter cette enveloppe. Autant dire que le budget de l’Etat ne baisse pas. Il augmente même très sensiblement. Parce qu’il faut le comparer non pas au dernier budget, mais aux budgets pré-covid.