26 octobre 1795 : le Directoire, une république modérée et libérale ?
« Le Directoire a duré à peine plus de quatre ans (26 octobre 1795 – 10 novembre 1799) : brève période dans la vie d'un homme, dans celle d'un peuple. Entre la Convention et l'époque napoléonienne, le Directoire est souvent présenté comme une transition : liquidation des espoirs révolutionnaires, préparation du pouvoir personnel. Il faut se garder pourtant de l'illusion historique qui juge une époque par rapport à un avenir, aujourd'hui connu, mais dont elle ne savait rien : il faut considérer le Directoire en lui-même, c'est dans la perspective de la fin de 1795 que l'on doit se placer pour essayer de comprendre la France et les Français face à leur avenir immédiat. De ce point de vue, le régime qui s'instaure est essentiellement une tentative pour stabiliser et consolider la situation du moment, pour remettre un peu d'ordre, et un ordre durable, après six ans et demi de révolution. C'était, à vrai dire, la seconde tentative de ce genre. Mais la première – la Constitution de 1791 – s'était soldée rapidement par un échec. Après la révolution du 10 août 1792, il avait fallu en venir à un régime d'exception, nécessité par la guerre, extérieure et intérieure. Mais, en 1795, après la pacification de l'Ouest, après la dislocation de la coalition ennemie, le moment paraît venu de revenir à un régime normal, défini par un ensemble de lois votées par la Convention finissante (la Constitution de l'an III et les décrets annexes). Par réaction contre les trois années précédentes, pour écarter les contraintes subies, on essaye d'organiser une république modérée et libérale, avec le souci de la rendre acceptable pour tous les Français. »
Extrait de l’article rédigé par Michel EUDE, pour universalis.fr
Maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
Le « temps politique » pendant la Révolution française est court. Les situations changent vites. Les réactions sont vives et définitives. La première République, fondée le 22 septembre 1792, est en fait un terme générique qui réunit plusieurs régimes et qui n’a pour justification que de différencier la période entre la fin de la monarchie millénaire des Capétiens et l’Empire de Napoléon 1er.
Après la suspension du roi Louis XVI en août 1792, la Convention nationale succède à l’Assemblée législative, la République à la Monarchie constitutionnelle.
Du 21 septembre 1792 au 2 juin 1793 (8 mois ½), la Convention est dominée par les Girondins (Brissot, Vergniaud, Pétion, Guadet et Roland). Ils ont quitté le club des Jacobins. Les échecs militaires infligés par la première coalition de l'Europe monarchiste, la mise en place une véritable logique de terreur, la guerre de Vendée contraignent les Girondins à accepter la création du Comité de salut public et du Tribunal révolutionnaire. Les difficultés sociales et économiques exacerbent les tensions entre Girondins et Montagnards. Le 26 mai 1793, Robespierre lance aux Jacobins un appel à une « insurrection » des députés « patriotes » contre leurs collègues accusés de trahisons. Le 2 juin, les Girondins sont éliminés.
Du 2 juin 1793 au 10 thermidor an II – 28 juillet 1794 (13 mois), est la deuxième période de l'histoire de la Convention nationale dominée par les Montagnards (Robespierre, Danton, Marat, Saint-Just). La Convention vote le 24 juin 1793, une constitution ratifiée par référendum : la constitution de l’an I. Le principal organe de gouvernement issu de l'Assemblée est pendant cette période le Comité de salut public. Le 9 thermidor, Robespierre, Saint-Just et Couthon sont décrétés d’accusation et exécutés sans jugement le 10.
Du 28 juillet 1794 au 26 octobre 1795 (15 mois), la Convention issue de la « réaction thermidorienne », inspirée par les députés de la Plaine, met fin au gouvernement révolutionnaire et marque le retour au pouvoir d'une république bourgeoise libérale et modérée. Elle jette les bases du Directoire par la rédaction de la Constitution de l'an III établissant le suffrage censitaire. Le 23 septembre, la Constitution est approuvée par plus d'un million de « oui » contre moins de 50 000 « non ». Le Directoire étant accepté, il reste à le mettre effectivement en place par le biais d'élections législatives (tenues en 1795).
La Constitution de l’An III
« Votée par la Convention plus d'un an après la chute de Robespierre, approuvée par référendum, la Constitution du 5 fructidor an III, c'est-à-dire du 22 août 1795, est, avec ses 377 articles, la plus longue Constitution de notre histoire. Elle a été appliquée durant quatre ans, jusqu'au coup d'État de Bonaparte, le 18 brumaire an VIII. Les Constituants, apparemment fort satisfaits de leur œuvre, avaient en effet décidé qu'aucune révision ne serait possible avant un délai de neuf ans, ce qui favorisait évidemment d'autres solutions, plus expéditives. C'est un texte élaboré par des hommes qui ont connu, pour la plupart, toutes les phases de la Révolution telle qu'elle se déroulait à Paris, et notamment la Terreur ; œuvre de compromis, élaborée par des modérés, la Constitution de l'an III rejette à la fois la monarchie et la période jacobine. La Déclaration des droits, qui la précède, donne immédiatement le ton : les articles les plus « dangereux », tels ceux prévoyant le suffrage universel, la souveraineté nationale ou le droit à l'insurrection, sont éliminés et remplacés par des articles prônant les vertus domestiques (« nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux »).
« Le suffrage redevient censitaire et à deux degrés ; au premier degré, un quart environ des citoyens en âge de voter est exclu du corps électoral, alors que les conditions de fortune exigées pour être électeur du second degré sont si sévères que le nombre de ces électeurs se trouve réduit à 30 000. Par ailleurs, le bicaméralisme est établi ; le Conseil des Cinq-Cents détient l'initiative des lois, tandis que le Conseil des Anciens discute et vote les lois. Quant au pouvoir exécutif, il est collégial, le Directoire comprenant cinq membres élus par les Anciens sur proposition des Cinq-Cents. Assistés de ministres qui assurent le fonctionnement de l'administration, les Directeurs se réservent les tâches proprement gouvernementales. Les deux Chambres n'ont aucun moyen d'action sur le Directoire, et réciproquement ; la séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif est d'une rigueur telle qu'elle entrave le dialogue nécessaire. Les auteurs de la Constitution de l'an III ont conçu le bicaméralisme, ainsi que la séparation des pouvoirs, comme garanties contre tout retour à la dictature. Ils avaient cependant oublié qu'une séparation trop rigide des pouvoirs constitue le meilleur moyen de créer un conflit insoluble entre l'exécutif et le législatif, ouvrant ainsi la voie à un coup d'État. »
Docteur en droit, diplômé de sciences politiques
5 directeurs exercent les fonctions de chefs d’Etat collectivement :
remplacé par l’Abbé SIEYES (16.5 au 9.11.1799)
remplacé par Roger DUCOS (16.5 au 9.11.1799)
remplacé par François de BARTHELEMY (1.6.1796 au 4.9.1797)
remplacé par Général Jean-François MOULIN (16.5 au 9.11.1799)
remplacé par J.-Baptiste TREILHARD (15.5.1798 au 16.5.1799)
remplacé par Louis GOHIER (16.5 au 9.11.1799)