Le mythe du droit du sol - Par Joseph Marmagnant

La question de l’acquisition d’une nationalité est aujourd’hui principalement envisagée sous le seul prisme du juridique. C’est donc tout naturellement que, plus largement, la notion de nationalité est perçue comme un simple statut administratif, fixé par des textes. La nationalité n’est alors rien de plus qu’un ensemble de formalités qu’il faut remplir, oubliant ses fondements philosophiques.


Pourtant, la réflexion sur les modalités d’acquisition de la nationalité est nécessairement juridique autant que philosophique.

Deux modèles juridiques, deux conceptions de l’homme et de la nation

La doctrine distingue classiquement deux modèles juridiques. Acquérir une nationalité est le fait du sang ou le fait du sol. C’est la distinction du ius sanguinis et du ius soli. Le ius sanguinis, c’est le droit du sang. C’est celui de la filiation, mais surtout de la famille. La nationalité s’acquiert alors pour l’enfant par la reconnaissance de celui-ci par ses parents. Le ius soli, droit du sol, c’est l’acquisition de la nationalité propre au lieu où l’enfant naît. Il y a, pour acquérir une nationalité, des techniques plus subtiles, des variantes, mais toutes découlent de ces deux notions.

La distinction de ces deux modalités ne signifie pas leur opposition, ni du point de vue juridique, ni du point de vue sociologique et historique. Par exemple, en France, ces deux moyens sont présentés comme complémentaires pour acquérir la nationalité. Au-delà même du juridique, droit du sol et droit du sang sont profondément liés, car dans la plupart des sociétés humaines, la nation, ou du moins l’appartenance à une communauté, relève tout autant d’un espace que d’un lien familial.

Voilà pourquoi il faut réfléchir au sens profond de cette dichotomie, pour être en mesure de la dépasser. Réfléchir à la nationalité, c’est penser les concepts de famille et de terre, les deux éléments qui fondent la nation. L’acquisition de la nationalité par le sang versé est un exemple frappant de l’impératif de subtilité dans cette étude : cela pourrait relever tant du ius soli que du ius sanguinis.