18 novembre 1805: Quinze jours avant Austerlitz


Nous vous présentons en suivant le Vingt-sixième bulletin de la Grande Armée du 27 brumaire An 14. Nous sommes à 15 jours de la bataille d’Austerlitz. Le bulletin est rédigé à ZnaÎm (actuellement Znojmo, République tchèque), une petite ville de Moravie, en terre autrichienne.

Le Bulletin de la Grande Armée est le nom d'un périodique paru sous le Premier Empire. Il était publié dans l'organe officiel du régime, Le Moniteur universel (ou Le Moniteur). Des copies étaient également envoyées aux autorités locales et étaient apposées sur les murs des bâtiments publics.

Ces Bulletins décrivent presque exclusivement l’activité militaire et les plans de la Grande Armée et de ses opposants – actuels ou potentiels. Ils s'adressent non seulement aux militaires de la Grande Armée, à qui elle permet de mieux appréhender la globalité de l'action à laquelle ils participent, mais aussi au public et aux cours étrangères. C'est à ce titre un prodigieux outil de communication de Napoléon. Parmi les grognards naîtra l'expression « menteur comme un Bulletin ».

La version proposée du bulletin ci-dessous est celle recueillis et publiés par ALEXANDRE GOUJON, ancien officier d’artillerie légère, membre de la Légion d’honneur.

Rappel du contexte

En mars 1802, la France et l’Angleterre, affaiblies par dix ans de guerre, signent à Amiens un traité de paix. Cependant, farouchement anti-français, le nouveau Premier ministre anglais William Pitt ne respecte pas le traité de paix et refuse d’évacuer l’île de Malte. En mai 1803, l’Angleterre ouvre les hostilités en saisissant 1 200 bateaux de commerce français et hollandais dans les ports anglais sans déclaration de guerre. Les Français réagissent quelques jours plus tard en arrêtant tous les Anglais se trouvant en France et Bonaparte mobilise son armée.

En 1805, les Britanniques sont certes maîtres des mers, mais Pitt, conscient de la supériorité de la Grande Armée sur terre, forme fin 1804 une nouvelle coalition contre la France avec l’Autriche, la Russie et, accessoirement, la Suède.

24 sept. – Napoléon 1er se met à la tête de l'armée.
25 sept. – Passage du Rhin par les troupes françaises.
28 sept. – Réunion de l'armée bavaroise et de l'armée française.
6 oct. – La campagne s'ouvre. L'armée française, renforcée des troupes bavaroises et hollandaises, prend le nom de Grande Armée.
7 oct. – Le Danube est franchi.
8 oct. – Victoire à Westingen.
9 oct. – Victoire à Guntzbourg.
10 oct. – Entrée à Augsbourg.
11 oct. – Les Français sont à Munich.
12 oct. – Napoléon 1er harangue le deuxième corps de la Grande-Armée sur le pont de Lech à Augsbourg.
13 oct. – Reddition de Meiningen.
14 oct. – Combat d'Elchingen, où s'illustre le maréchal Michel Ney.
15 oct. – Combats de Haag et de Wasserbourg.
16 oct.– Sommation de Napoléon 1er au général Karl Mack von Leiberich : la ville d'Ulm doit se rendre.
17 oct. – Capitulation d'Ulm.
18 oct. – Combat de Nordlingen. Quarante drapeaux pris à l'ennemi sont envoyés au Sénat.
20 oct. – Défilé de l'armée autrichienne prisonnière devant Napoléon 1er.
30 oct. – Entrée de la Grande Armée à Salzbourg. Napoléon est informé depuis quelques jours de la défaite de Trafalgar.
1er nov. – Combat de Lembach.
2 nov. – Le fort de Passling est pris.
3 nov. – Prise d'Ebersberg.
4 nov. – Prise de Steyr.
5 nov. – Combat de Lovers et passage de la Brenta.
6 nov. – Combat d'Amstetten.
7 nov. – Entrée de la Grande Armée à Innsbruck.
8 nov. – Combat de Marien-Zelle.
9 nov. – Prise de Scharnitz et de Neustadt.
11 nov.– Combat de Diernstein.
12 nov.– Prise de Leoben.
13 nov. – Les Français entrent à Vienne. Le palais de Schoenbrunn devient la résidence de Napoléon 1er.
16 nov. – Reddition de Presbourg au maréchal Charles Augereau.
18 nov. – Joachim Murat s'empare de la ville de Brunn.

VINGT-SIXIÈME BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Znaïm, le 27 brumaire an 14.

Le prince Murat, instruit que les généraux russes, immédiatement après la signature de la convention, s'étaient mis en marche avec une portion de leur armée sur Znaïm, et que tout indiquait que l'autre partie allait la suivre et nous échapper, leur a fait connaître que l'Empereur n'avait pas ratifié la convention, et qu'en conséquence il allait attaquer. En effet, le prince Murat a fait ses dispositions, a marché à l'ennemi, et l'a attaqué le 25, à quatre heures après midi, ce qui a donné lieu au combat de Juntersdorff, dans lequel la partie de l'armée russe qui formait l'arrière-garde a été mise en déroute, a perdu 12 pièces de canon, 100 voitures de bagages, 2000 prisonniers et 2000 hommes restés sur le champ de bataille. Le maréchal Lannes a fait attaquer l'ennemi de front ; et tandis qu'il le faisait tourner par la gauche par la brigade de grenadiers du général Dupas, le maréchal Soult le faisait tourner par la droite par la brigade du général Levasseur de la division Legrand, composée des 3ème et 18ème régiments de ligne. Le général de division Walther a chargé les Russes avec une brigade de dragons, et a fait 3oo prisonniers.

La brigade de grenadiers du général Laplanche-Mortière s'est distinguée. Sans la nuit, rien n'eut échappé.

On s'est battu à l'arme blanche plusieurs fois. Des bataillons de grenadiers russes ont montré de l'intrépidité : le général Oudinot a été blessé ; ses deux aides-de-camp, chefs d'escadron Demangeot et Lamotte, l'ont été à ses côtés. La blessure du général Oudinot l'empêchera de servir pendant une quinzaine de jours.

En attendant, l'Empereur voulant donner une preuve de son estime aux grenadiers, a nommé le général Duroc pour les commander.

L'Empereur a porté son quartier général à Znaïm le 26, à trois heures après midi. L'arrière-garde russe a été obligée de laisser ses hôpitaux à Znaïm, où nous avons trouvé des magasins de farine et d'avoine assez considérables. Les Russes se sont retirés sur Brünn, et notre avant-garde les a poursuivis à mi-chemin ; mais l'Empereur instruit que l'empereur d’Autriche y était, a voulu donner une preuve d'égards pour ce prince, et s'est arrêté la journée du 27.

Le fort de Keuffstein a été pris par les Bavarois.

Le général Baraguey-d’Hilliers a fait une incursion jusqu'à Pilsen en Bohême, et obligé l'ennemi à évacuer ses positions. Il a pris quelques magasins, et rempli le but de sa mission. Les dragons à pied ont traversé avec rapidité les montagnes couvertes de glace et de sapins qui séparent la Bohême de la Bavière.

On ne se fait pas d'idée de l'horreur que les Russes ont inspirée en Moravie. En faisant leur retraite, ils brûlent les plus beaux villages ; ils assomment les paysans. Aussi les habitants respirent-ils en les voyant s'éloigner. Ils disent : « Nos ennemis sont partis. » Ils ne parlent d'eux qu'en se servant du terme de barbares, qui ont apporté chez eux la désolation. Ceci ne s'applique pas aux officiers qui sont en général bien différents de leurs soldats, et dont plusieurs sont d'un mérite distingué ; mais l'armée a un instinct sauvage que nous ne connaissons pas dans nos armées européennes.

Lorsqu'on demande aux habitants de l'Autriche, de la Moravie, de la Bohême, s'ils aiment leur empereur : « Nous l'aimions, répondent-ils, mais comment voulez-vous que nous l'aimions encore ? il a fait venir les Russes. »

A Vienne, le bruit avait couru que les Russes avaient battu l'armée française, et venaient sur Vienne ; une femme a crié dans la rue : « Les Français sont battus ; voici les Russes ! » L'alarme a été générale ; la crainte et la stupeur ont été dans Vienne.

Voilà cependant le résultat des funestes conseils de Cobentzel, de Colloredo et de Lamberti. Aussi ces hommes sont-ils en horreur à la nation, et l'empereur d'Autriche ne pourra reconquérir la confiance et l'amour de ses sujets qu'en les sacrifiant à la haine publique ; et, un jour plutôt, un jour plus tard, il faudra bien qu'il le fasse.
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