25 novembre 1456 : Jacques Cœur, l'argentier de Charles VII
Nous sommes en 1451 : Le berruyer Jacques Cœur est devenu l'homme le plus riche d'Europe, l'un des plus influents conseiller du roi Charles VII.
Né à Bourges vers 1395, fils d'un marchand pelletier, Jacques Cœur n’est pas un saint. Il s'initie très tôt aux affaires et aux opérations monétaires. Marié en 1420 à la fille du prévôt de Bourges, il obtient la ferme des monnaies et en profite pour réaliser des gains illicites. En 1432, il se lance dans le commerce avec les pays du Levant, établit le siège de ses entreprises à Montpellier, puis à Marseille, et finit par mettre en place un réseau commercial tentaculaire. Il noue des relations régulières avec tous les pays d'Europe, armant des navires, répartissant ses comptoirs dans toutes les régions de la France, menant de front banque, change, commerce de laine, de soie, de céréales, d'épices et de métaux précieux, exploitation de mines, trafic d'armes et d'esclaves.
Nommé maître des monnaies à Bourges en 1435, il aide, financièrement, Charles VII, à l’époque « le petit Roi de Bourges », à reconquérir son territoire occupé par les Anglais.
Devenu argentier du roi en 1439 (jusqu’à sa chute), il entre au Conseil du roi et est anobli en 1442. Véritable ministre des Finances de Charles VII, protégé d'Agnès Sorel, créancier du roi et de la plupart des gens de la cour, il ne voyait pas de limite à ses ambitions et sa devise l'exprime bien :
« À vaillans cuers, riens impossible »
Jacques Cœur a donc beaucoup d'ennemis, et sa disparition éviterait à une bonne partie de la cour de lui rembourser l'argent qu'elle lui doit. Victime d'une cabale, il est accusé de l’empoisonnement de la maitresse du roi, à la suite de la mort subite d’Agnès Sorel, dont il est l’un des trois exécuteurs testamentaires.
Le 29 mai 1453, Jacques Cœur est reconnu coupable des crimes de lèse-majesté, de concussion et d’exactions. Il est condamné à la saisie de ses biens, au paiement d’une amende de trois cent mille écus, au remboursement de cent mille écus au Trésor royal. Sa condamnation à mort est commuée en bannissement perpétuel pour service rendu à la couronne. Il doit rester en prison jusqu’au paiement de l’amende et ensuite être banni hors du royaume. Sur l’accusation d’empoisonnement d’Agnès Sorel, l’arrêt décide de suspendre la procédure. L'accusation de l'assassinat d'Agnès Sorel aura permis de convaincre le roi, d'abandonner son plus proche conseiller. Quant aux créances des tiers sur les biens, on refuse, par ordre du roi, d’en reconnaître aucune.
Jacques Cœur reçoit, le 2 juin 1453, à Poitiers, commandement de payer la somme de quatre cent mille écus. Trois jours après un échafaud est dressé sur la grande place de cette ville, et en présence d’une foule immense, Jacques à genoux, sans ceinture ni chaperon, une torche de cire au poing, doit faire amende honorable.
En octobre 1454, il réussit à s’échapper du château triangulaire de Poitiers, alors qu’il était sous la garde de Chabannes. Accompagné de son fils et avec l’aide de son neveu Jean Village, il rejoint Rome. Le pape Nicolas V, qui apprécie beaucoup Jacques Cœur, souhaite qu’il demeure en son propre palais, et le fait soigner par ses médecins. Jacques Cœur passe l’année 1455 à Rome, à recueillir les débris de sa fortune, car tout n’est pas en France : nombre de galères se trouvent en mer pendant son procès, et il a des biens qui sont entre les mains de ses correspondants d’Italie et du Levant. De plus, il reçoit des bénéfices qui ont pu été mis à l’abri par certains agents demeurés fidèles.
Jacques Cœur prépare pour le nouveau pape Calixte III une expédition sur l’île génoise de Chios, menacée par les Ottomans, alors maîtres depuis peu de Constantinople. Il devient le conseiller et le financier de l’expédition. Il a le titre de capitaine général de l’Église et commande la flotte sous la direction du patriarche d’Aquilée. Il embarque en 1456. L’expédition passe par Rhodes, puis aborde à Chios. Pendant son séjour dans cette île, le capitaine général est blessé (version romantique) ou tombe malade (version plus probable d’une maladie infectieuse de type dysenterie). Il meurt le 25 novembre 1456. Charles VII, à qui il recommande ses enfants en mourant, déclare dans des lettres du 5 août 1457, « que Jacques Cœur étoit mort en exposant sa personne à l’encontre des ennemis de la foi catholique ».
Quant aux causes de la mort d'Agnès Sorel, l’analyse des restes de son cadavre, en juin 2004, a révélé qu'elle était atteinte d'ascaridiose, son tube digestif étant infesté d’œufs d'ascaris, et qu'elle avait absorbé des sels de mercure, purge utilisée en association avec la fougère mâle pour bloquer la croissance des parasites. C'est l'ingestion d'une dose excessive de ce métal lourd qui a entraîné la mort en moins de soixante-douze heures. Surdose médicamenteuse, suicide d’une jeune mère vulnérable qui se relève de couches, ou assassinat programmée par sa cousine germaine, Antoinette de Maignelais qui, trois mois après la mort d'Agnès Sorel, prenait sa place dans le lit du roi, et son médecin, Robert Poitevin, qui était aussi un de ses trois exécuteurs testamentaire, la question reste posée.
Jacques Coeur
de Jacques Heers (Auteur)
Grand commis de l'Etat, né à Bourges vers 1395, Jacques Cœur multipliait les titres, à la fois argentier du roi, maître des monnaies, receveur des taxes du sel, commissaire aux Etats du Languedoc, ambassadeur à l'occasion. Il contribua à la reconstruction du royaume, à la remise en ordre monétaire de ses finances et de son économie, et aussi à la reprise de la Normandie aux Anglais, par ses prêts d'argent et ses fournitures d'armes.
Sa richesse, en partie mal acquise, et sa puissance ne pouvaient que multiplier le nombre de ses ennemis, jusqu'au roi qui finit par le jalouser. Convaincu de fraude et de corruption, il fut condamné à la prison à vie et sa fortune confisquée. Il parvint à s'enfuir et mourut, en 1465, dans l'île grecque de Chio.
En s'appuyant sur des sources nombreuses et variées, l'auteur nous offre le portrait renouvelé du premier grand capitaliste français.
Jacques Heers, professeur honoraire à la Sorbonne (Paris IV), a notamment publié chez Perrin : Le Moyen Age, une imposture ; La Première croisade ; Gilles de Rais ; Les négriers en terre d'islam ; La Naissance du capitalisme au Moyen Age.
Éditeur : Tempus Perrin (3 janvier 2013)
Langue : Français
Poche : 360 pages
ISBN-10 : 2262041342
ISBN-13 : 978-2262041342
Poids de l'article : 181 g
Dimensions : 11 x 1.7 x 17.9 cm
Jacques Coeur
de Claude Poulain (Auteur)
Jacques Coeur est un extraordinaire personnage, et sa vie une fabuleuse aventure. Si le Jacques Coeur de Claude Poulain se conforme avec rigueur à la réalité historique, il se lit en même temps comme un roman.
Né avec le siècle, le XVe, qui voit l'Europe commencer à rompre chaînes et carcans du Moyen Age pour s'engager sur les chemins qui mènent aux grandes retrouvailles de la Renaissance, Jacques Coeur, possédé par l'ambition, la rage de vivre au coeur, va rêver son destin et savoir l'accomplir. Courant terres et mers, il affronte pirates ou concurrents pillards. Chypre, Damas ou Alexandrie, Rome, Florence ou Gênes, Montpellier, Genève ou Rouen, à moins que ce ne soient les villes des rives de la mer du Nord, le voient surgir, disparaître et revenir. Sa devise jeu de mot le résume mieux qu'un long discours: " A coeurs vaillants riens impossibles. "
Charles VII, Jeanne d'Arc et Jacques Coeur font sortir victorieusement la France des épreuves de la guerre de Cent Ans. S'il s'est soucié aussi de reconquête, Jacques Coeur demeure l'homme qui fit par son travail reculer la misère et la mort.
Claude Poulain, passionné de littérature, épris d'histoire, a travaillé vingt ans dans une maison d'édition célèbre pour son dictionnaire. Il a notamment publié, de 1973 à 1979, une pentalogie, Les Chevauchées de l'An Mil, chez Fayard.
Éditeur : Fayard (9 juin 1982)
Langue : Français
Broché : 410 pages
ISBN-10 : 2213011842
ISBN-13 : 978-2213011844
Poids de l'article : 500 g
Dimensions : 13.5 x 2.2 x 21.5 cm
CŒUR JACQUES (1395 env.-1456)
La misère qui sévit à la fin de la guerre de Cent Ans excite le peuple contre une fortune aussi rapide qu'insolente ; les hauts personnages de l'entourage royal et jusqu'au roi lui-même lui doivent des sommes fabuleuses, scrupuleusement notées dans ses comptes, et sont par là intéressés à le noircir et à le perdre ; les curés l'accusent de vendre des armes au sultan d'Égypte ; porte-parole des marchands, Jean Jouvenel l'accuse d'avoir « empoigné toute la marchandise de ce royaume » ; les seigneurs fieffés, enfin, ne peuvent qu'éprouver de l'aversion pour un homme qui rachète les riches terres de ceux que la guerre a ruinés. Victime de la jalousie générale, de l'ingratitude royale, ou frappé au contraire du juste châtiment de ses exactions, Jacques Cœur est arrêté en juillet 1451 sous l'accusation d'avoir empoisonné la favorite Agnès Sorel, morte l'année précédente, et qui lui avait toujours manifesté son amitié. Amitié ou sentiment d'une autre nature comme le suggère le bas-relief de la maison de Jacques Cœur figurant dans la salle du trésor : il représente Tristan et Iseult endormis et séparés par l'épée, tandis qu'au-dessus d'eux le roi Marc les observe ; Tristan et Iseult ont les traits de Jacques Cœur et d'Agnès Sorel, le roi Marc ceux de Charles VII. Quoi qu'il en soit, lavé de cette accusation, le grand argentier est convaincu de malversations, emprisonné, condamné à payer 400 000 écus en amende et restitution. En 1454, il s'évade du château de Poitiers et demande asile au pape Nicolas V qui lui accorde sa protection. Quelques mois plus tard, le nouveau pontife Calixte III lui confie une flotte pour aller combattre les Turcs, expédition au cours de laquelle il trouve la mort dans l'île de Chio.
Quel est le bilan de cette vie exceptionnelle ?
Sources:
Sous la direction de Jules Bonnet: Jacques Coeur (1395-1456) (lepoint.fr)
Solange MARIN : JACQUES CŒUR - Encyclopædia Universalis
Solange MARIN : JACQUES CŒUR - Encyclopædia Universalis