Que fêtons-nous le 25 décembre ? Jésus né entre 4 avant et 6 après lui-même ? Pourquoi l’année ne commence-t-elle pas le jour de sa naissance ? Pourquoi n’y a-t’il pas d’année 0 ? - Par Laurent Sailly
Que fêtons-nous le 25 décembre ? Une naissance de Jésus entre 4 avant et 6 après lui-même ? Si le calendrier commence avec la naissance du Christ, pourquoi l’année ne commence-t-elle pas le jour de sa naissance ? L'age de Jésus: 30 ou 50 ans ? Pourquoi n’y a-t’il pas d’année 0 ?
**********JOYEUX NOËL !**********
Devenu religion d’Etat au IVème siècle, le Christianisme entrepris d’organiser le cycle chrétien. Héritier à la fois de l’empire romain et de la religion de Moïse, les différents conciles vont intégrer de multiples fêtes païennes et chercher à s’éloigner toujours plus des rituels juifs (concile d’Elvira, IVème siècle). La christianisation du calendrier hérité de Jules César sera réalisé au IXème siècle et ne variera guère ensuite.
L’ère est une période de temps assez vague et subjective qui s’étend depuis un évènement historique marquant ou fondateur servant de point de départ et choisi par convention. Elles ont été nombreuses au cours de l’histoire et ne sont jamais exclusives.
L’ère de l’Incarnation ou ère chrétienne (ou ère commune) est un système utilisé pour numéroter les années écoulées depuis la date supposée de la naissance de Jésus de Nazareth. L’Anno Domini (l’"année du Seigneur") a été créée par le moine Dionysus Exiguus en 525 (in Liber de Paschate). Au VIIIème siècle, Bède le Vénérable, érudit anglo-saxon, vulgarisera la méthode. Il utilisera le terme latin ante incarnationis dominicae (« avant l’incarnation du seigneur ») pour dénommer la période précédant la première année.
1. Denys le Petit et l’ère de l’incarnation
Denys le Petit est originaire de la province romaine de Scythie mineure (nord-est de la Bulgarie et à l’est de la Roumanie, entre le Danube et la Mer Noire). Il faisait partie de la communauté des moines scythes concentrée à Tomis (l’actuelle Constanta). Il vient à Rome vers 500, y est fait abbé, s’acquiert une grande réputation par ses ouvrages sur la discipline ecclésiastique et la chronologie, et meurt en 540. Il est chargé par le chancelier papal Bonofacius de concevoir un travail de compilation des conciles pour rechercher une méthode pour prévoir la date de Pâques et de mise à jour des tables pascales de Cyrille d’Alexandrie.
a) La "formule de Nicée"
Nous ignorons comment Denys le Petit procéda exactement, mais il est sur que les contradictions des indices chronologiques à l’intérieur des Evangiles ne l’ont pas arrêté dans ses calculs.
Tombant sur les délibérations du concile de Nicée, il est enthousiasmé par le travail de l’église copte égyptienne. La règle alexandrine avait été transcrite dans les tables dites latines préparées vers 444 par un subordonné de l’évêque Cyrille d’Alexandrie. Ces tables couvraient des périodes de 95 ans (ou cinq cycles métonique de 19 ans) et dataient, comme nous l’avons vu plus haut, les années selon l’ère de Dioclétien. Mais depuis le concile de Chalcédoine de 451, l’église copte égyptienne est schismatique et déclarée hérétique ! Difficile donc de faire admettre cette règle. Denys va alors créer un faux, attestant que le concile de Nicée a bien agréé ce calcul. Le pape Jean 1er accepte la solution, baptisée « formule de Nicée ». Denys reprend alors les travaux d’Ananios et « perfectionne » le calcul de l’ère.
b) L'année de naissance du Christ fixée à l'an de Rome 753
Pour rendre le système parfait, il déclare que l’année de naissance du Christ ne peut être qu’une année d’épacte nulle ! Denys s’appuie principalement sur les indications de Luc suivant lesquelles Jésus avait commencé sa « vie publique » à trente ans en « l’an quinze du principat de Tibère César ». Or le règne de Tibère était en sa quinzième année en 783 de l’an de Rome (ab Urbe condita) : 783-30 = 753. C’est simple.
c) Une date de naissance "précise": 25 décembre 753 aUc
Depuis le IVème siècle, l’Annonciation, fête de l’Incarnation, était commémoré le 25 mars. Denys prit comme jour de départ le 25 mars (jour de l’équinoxe de printemps dans le calendrier julien initial) de l’an 753 ab Urbe condita parce qu’elle offrait une coïncidence avec la Nouvelle Lune de printemps. Pour ce faire, il recule de huit ans le calcul d’Ananios : Jésus est né le 25 décembre 4992 (le point de départ de la création du monde restant inchangé).
d) L'ère chrétienne débute le 1er janvier 754 aUc (1er janvier an 1)
Son calendrier des dates de Pâques, approuvé par le pape Jean II en 533, servit à déterminer la nouvelle ère qui devait succéder à celle de Dioclétien. On compta alors les années à partir du 1er janvier afin de les aligner sur le calendrier julien (les années commençaient le 1er janvier à Rome depuis six siècles) qui suivait la naissance de Jésus (le 25 décembre 753 ab Urbe condita), c’est-à-dire que le 1er janvier 754 ab Urbe condita devint rétrospectivement le 1er janvier de l’an 1 de l’ère chrétienne.
e) Une naissance de Jésus entre 4 av. J.-C et 6 ap. J.-C.
Cependant une incise de l’évangile de Matthieu note que la naissance de Jésus eut lieu « au temps du roi Hérode » (Mt 2,1). Or Hérode le Grand a régné une trentaine d’années sur la Judée et la Galilée jusqu’en 750 ab Urbe condita soit en l’an – 4 ! Mais des historiens font remarquer que Tibère avait partagé le pouvoir avec son prédécesseur Auguste trois ans avant de régner seul. L’ « an quinze du principat de Tibère César » indiqué par Luc serait alors l’année 780 ab Urbe condita et Jésus né en 750 aUc.
Où les choses se compliquent c’est que Luc fait référence à un recensement des populations édicté par les Romains à l’occasion duquel Marie donna naissance à Jésus. Ce recensement « eut lieu pendant que Quirinus était gouverneur de Syrie » (Lc 2,2). Or selon Flavius Josèphe, Publius Sulpicius Quirinus n’est arrivé en Syrie qu’en l’an 760 ab Urbe condita (6 après J.-C.). Si on retient cette hypothèse, Jésus naît au moment où, selon Matthieu, il aurait atteint l’âge de dix ans. Selon l’historien Fergus Millar l’usage que Luc fait du cens de Quirinus est « totalement trompeur et a-historique » (in « Wholly misleading and unhistorical », 1994). Car ce cens n’a pas été étendu à la Galilée, où vivait la famille de Jésus, puisque cette dernière était dirigée par Hérode Antipas et ne faisait pas encore partie de la province.
f) L'age de Jésus: 30 ou 50 ans ?
Que faire également de l’indication contenue dans le quatrième évangile où Jésus est accusé par ses contradicteurs de se vanter d’avoir connu Abraham, alors qu’il « n’a pas encore cinquante ans » (Jn 8,57) ? Comment Jésus peut-il avoir trente ans quand il est sur les rives du Jourdain avec Jean le Baptiste et, pas encore cinquante ans juste quelques temps plus tard ?
Les « trente ans » de Jésus ne seraient-ils pas plutôt à rapprocher du chiffre symbolique qui marque la maturité dans la tradition juive ? Joseph, le patriarche, a cet âge quand il devient le premier ministre de Pharaon et David aussi quand il est couronné…
Quand au « moins de cinquante ans », le chiffre n’est-il pas déduit de la durée des travaux de construction du second Temple de Jérusalem ? Selon Jean, Jésus dit : « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours, je le relèverai. Les juifs lui dirent alors : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèveras ? Mais lui parlait du sanctuaire de son corps » (Jn 2,20). D’où le raisonnement : si Jésus parle du Temple comme de son corps et si la construction du Temple a commencé il y a quarante-six ans, Jésus n’a pas encore cinquante ans mais quarante-six. Il serait donc né en 737 ou 738 ab Urbe condita (17 ou 16 avant J.-C.). Mais toujours « aux jours du roi Hérode ».
De plus, on suppose que le préambule historique de l’évangile de Luc ne serait pas d’origine mais une pièce rapportée qui daterait du IIème siècle après J.-C., dans le souci d’authentifier l’histoire de Jésus. A l’évidence, les rédacteurs des Evangiles s’inquiétaient moins que nous de ne pas connaître l’année de naissance de Jésus.
Les évangiles ne sont pas des documents historiques. Les erreurs ou les imprécisions de Denys le Petit ne remettent pas en cause l’ère de l’incarnation qu’il a léguée à l’Occident et à la quasi-totalité de l’humanité.
2. Si le calendrier commence avec la naissance du Christ, pourquoi l’année ne commence-t-elle pas le jour de sa naissance?
Dans les pays tempérés, on remarque qu’un grand nombre de jours de l’an sont fêtés entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps. Certainement que la « disparition » de la végétation durant l’hiver et sa « réapparition » au printemps ont alimenté le mythe de la renaissance cyclique de l’année.
Initialement, le calendrier romain commençait en mars et comportait dix mois. Quand Jules César introduisit son calendrier, le 1er janvier est consacré comme jour de l’an, faisant perdre aux mois de quintilis à december le sens de leur dénomination. L’indiction provoqua l’adoption du 1er septembre comme début d’année dans l’empire byzantin ; cette date est toujours utilisée par l’Eglise orthodoxe pour le début de l’année liturgique.
Dans le judaïsme, la circoncision a lieu le huitième jour du nouveau-né mâle. Il marque l’entrée du nouveau-né mâle dans la communauté des hommes. La circoncision de Jésus était, jusqu’en 1970, célébrée par les Chrétiens le 1er janvier, soit sept jours après la naissance du Sauveur fixée symboliquement au 25 décembre. Le Saint Prépuce fut même une relique vénérée mais aujourd’hui reléguée.
Pendant le Moyen Age, dans les régions d’Europe de l’Ouest affiliées à l’Eglise catholique romaine, les calendriers continuèrent, pour des raisons pratiques, à afficher les mois en douze colonnes de janvier à décembre, en débutant au 1er mars (style vénitien) ou au 1er janvier (style de la Circoncision de Jésus). Cependant, la plupart de ces pays faisaient changer le millésime des années à une fête religieuse importante, comme le 25 décembre (style de la Nativité de Jésus), le 25 mars (style florentin ou style de l’Annonciation – d’où la tradition du poisson d’avril commémorant l’usage de s’échanger des cadeaux en début d’année de ce style), voire à Pâques (style de Pâques) comme dans certaines régions françaises.
En France, c’est le roi Charles IX qui, par l’édit de Roussillon du 9 août 1564, fixa le début de l’année au 1er janvier.
En 1622, la date du 1er janvier fut généralisée par le pape à l’ensemble du monde catholique, notamment pour simplifier le calendrier des fêtes religieuses. Le début du calendrier chrétien est, malgré toutes les actions menées par les Pères, profondément ancré dans la double tradition juive d’une part et impériale d’autre part, même si désormais, le catholicisme a modifié le contenu des offices du 1er janvier, aujourd’hui dédié à la Vierge Marie.
Initialement, le calendrier romain commençait en mars et comportait dix mois. Quand Jules César introduisit son calendrier, le 1er janvier est consacré comme jour de l’an, faisant perdre aux mois de quintilis à december le sens de leur dénomination. L’indiction provoqua l’adoption du 1er septembre comme début d’année dans l’empire byzantin ; cette date est toujours utilisée par l’Eglise orthodoxe pour le début de l’année liturgique.
Dans le judaïsme, la circoncision a lieu le huitième jour du nouveau-né mâle. Il marque l’entrée du nouveau-né mâle dans la communauté des hommes. La circoncision de Jésus était, jusqu’en 1970, célébrée par les Chrétiens le 1er janvier, soit sept jours après la naissance du Sauveur fixée symboliquement au 25 décembre. Le Saint Prépuce fut même une relique vénérée mais aujourd’hui reléguée.
Pendant le Moyen Age, dans les régions d’Europe de l’Ouest affiliées à l’Eglise catholique romaine, les calendriers continuèrent, pour des raisons pratiques, à afficher les mois en douze colonnes de janvier à décembre, en débutant au 1er mars (style vénitien) ou au 1er janvier (style de la Circoncision de Jésus). Cependant, la plupart de ces pays faisaient changer le millésime des années à une fête religieuse importante, comme le 25 décembre (style de la Nativité de Jésus), le 25 mars (style florentin ou style de l’Annonciation – d’où la tradition du poisson d’avril commémorant l’usage de s’échanger des cadeaux en début d’année de ce style), voire à Pâques (style de Pâques) comme dans certaines régions françaises.
En France, c’est le roi Charles IX qui, par l’édit de Roussillon du 9 août 1564, fixa le début de l’année au 1er janvier.
En 1622, la date du 1er janvier fut généralisée par le pape à l’ensemble du monde catholique, notamment pour simplifier le calendrier des fêtes religieuses. Le début du calendrier chrétien est, malgré toutes les actions menées par les Pères, profondément ancré dans la double tradition juive d’une part et impériale d’autre part, même si désormais, le catholicisme a modifié le contenu des offices du 1er janvier, aujourd’hui dédié à la Vierge Marie.
3. Pourquoi n’y a-t’il pas d’année 0 ?
Au VIème siècle, l’Occident ne connaît pas le zéro. L’année 1 est donc précédée de l’année - 1 (ou 1 avant J.C.). Ainsi, pour que le premier siècle de notre ère compte cent années faut-il intégrer l’an 100. De là il faut déduire que l’an 2000 appartenait au XXème siècle. Nous sommes donc entrés dans le nouveau millénaire le 1er janvier 2001 !Cet article est issu d'un dossier intitulé La Christianisation des Temps paru sur le blog du "chrétien agnostique": Paroles d'évangiles. Il s'agit d'un extrait de la quatrième partie de cette étude et titré: La Christianisation des Siècles : l'"Anno Domini". Les trois premières parties sont disponibles gratuitement sur le blog Paroles d'évangiles précédés d'une introduction :
- Introduction - La Christianisation des Temps
- 1ère partie - La Christianisation des Temps : la conquête du temps, le calendrier
- 2ème partie - La ChrIstianisation des Jours : du "Solis dies" au "Dies Dominicus"
- 3ème partie - La Christianisation de l'Année : l'organisation de la liturgie
- 4ème partie - La Christianisation des Siècles : l'"Anno Domini"