Dénonciation de viol et présomption d'innocence : quelques éléments de réponse du droit - Par Michel Huyette

Depuis quelques années, une problématique apparait régulièrement dans les médias : d'un côté une personne dénonce publiquement un viol avant que la justice ait définitivement statué, de l'autre côté la personne dénoncée oppose la présomption d'innocence dans le but, au moins dans un premier temps, d'empêcher la poursuite de cette dénonciation publique.


Dans le cadre de cet article nous supposerons, pour les besoins de la réflexion, que l'agression sexuelle dénoncée a bien été commise. C'est pour cela que nous parlerons de "la victime" et de "l'auteur". (1)

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A priori, nous sommes en présence de deux intérêts difficilement conciliables.

La victime d'un viol peut légitimement avoir envie de le faire savoir publiquement, et cela pour plusieurs raisons. L'une d'elles est que le viol génère toujours, et sur une longue période, un traumatisme psychique profond et une grande souffrance. Le viol est une infraction dévastatrice. Dire le viol est alors un moyen parmi d'autres de maîtriser puis de réduire cette souffrance. Une autre est la volonté que l'auteur, une fois dénoncé et même avant qu'il soit condamné, ne commette pas d'autre agression sexuelle.

Au demeurant, chacun constate quotidiennement que les médias font état de nombreux faits-divers en détaillant les délits ou les crimes commis et en donnant souvent le nom de la personne soupçonnée. Cela bien avant que cette personne soit jugée et définitivement déclarée coupable. Il se produit donc avec les mentions de viols ce qui se passe en permanence avec des dizaines d'autres faits-divers.

En face, celui qui est dénoncé se trouve dans une situation difficile. S'il peut mettre en avant qu'une seule dénonciation ne démontre rien et affirmer publiquement qu'il est innocent, il sait que cela risque de ne pas être suffisant pour écarter les soupçons.

Il en va de même pour ceux qui entourent les protagonistes. Par exemple, un employeur a comme mission d'assurer la sécurité de ses salariés (textes code du travail ici). Que doit faire un employeur quand l'un de ses salariés dénonce une agression sexuelle commise par un autre salarié ? (2)

Depuis plusieurs années, avec entre autres éléments déclencheurs le mouvement "METOO" (lire not. ici), la parole des femmes s'est enfin libérée. Pendant beaucoup trop longtemps d'innombrables victimes ont cru devoir se taire, ou ont été contraintes de le faire, ou encore n'ont pas su comment faire. Les agressions sexuelles étaient banalisées, les femmes méprisées, et l'ampleur des dommages pour les victimes démultipliée par l'absence de reconnaissance du viol et de condamnation de l'auteur.

La conséquence en est que la problématique abordée ici, anecdotique avant ce raz de marée de dénonciations, est devenue aujourd'hui permanente puisque de plus en plus nombreuses sont les femmes qui font le choix de ne plus taire le viol dont elles ont été victimes.

Il devient donc de plus en plus nécessaire de s'interroger sur la façon d'encadrer juridiquement ces situations dans lesquelles s'opposent, avant les éventuelles décisions judiciaires, dénonciation publique et présomption d'innocence.

Mais il faut d'abord faire un détour par la prescription.