Les dividendes de la paix - Par Jean-Baptiste Noé

Depuis la fin de la guerre froide, le monde occidental ne se considère plus en guerre. « Lutte » et « maintien de la paix » sont les termes choisis pour désigner ce qui est nié.


Article paru dans le numéro 49 de janvier 2024 – Israël. La guerre sans fin.

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Nous sommes en train de payer les dividendes de la paix. Il y a trente ans, l’URSS défaite, la paix apparaissait comme l’horizon des nations. Il y avait certes des guerres, dans les Balkans, en Somalie, en Algérie, mais elles étaient intellectuellement éloignées de nos préoccupations et de nos craintes. Ces guerres étaient ailleurs, dans un lointain géographique et intellectuel qui nous donnait l’illusion qu’elles ne nous concernaient pas. La France allait pouvoir toucher les dividendes de la paix : économiser sur le budget militaire pour dépenser plus sur le budget social. Et en effet, le budget militaire chuta. Fermetures de bases et de casernes, dissolutions de régiments, réduction des effectifs, non-renouvellement des matériels. Derrière les porte-étendards que sont le Charles-de-Gaulle et le Rafale, la forêt militaire rapetissait année après année. On déclarait la guerre contre à peu près tout : le chômage, la pauvreté, la grippe, mais la guerre des soldats, elle, s’effaçait. Le retour fut brutal. Il y eut d’abord le 11 septembre 2001, un choc et une apocalypse qui ouvraient sur un nouveau monde. Puis l’armée française envoyée en Afghanistan, en Libye, dans les Afriques ; avec des moyens réduits. La France engagea plus d’opérations extérieures entre 1991 et 2020 que durant la guerre froide, tout en se refusant à reconnaître la permanence de la guerre. De « l’opération de maintien de la paix » à la « lutte contre le terrorisme », toutes les périphrases étaient bonnes pour nier la présence de la guerre.