Sahel – France : que reste-t-il de nos amours? par Gilles Huberson


Notre relation au Sahel se délite rapidement. Or, ce n’est de l’intérêt ni des Sahéliens ni des Français. Il nous faut donc trouver un nouveau modèle, pragmatique, fondé sur la convergence des intérêts et le partenariat stratégique.


Article paru dans le numéro 50 de mars 2024 – Sahel. Le temps des transitions.

Plus de soixante ans après les indépendances, nous ne pouvons que constater le lent délitement de notre relation au Sahel, tout comme d’ailleurs à l’Afrique francophone. Dix ans après l’opération Serval, nous sommes rejetés au Mali, au Niger et au Burkina Faso.
 
Vers un délitement programmé

Ce phénomène est certes lié aux réseaux sociaux et à une jeunesse influençable, mais il est aussi imputable à notre ligne politique erratique, à notre incapacité à agir efficacement, mais aussi à nous faire aimer et respecter. En outre, cette modification du rapport entretenu avec la France procède d’une forme d’émancipation que nous avons nous-même fortement encouragée, y compris sur le plan académique. Nous la prônons depuis les indépendances, il parait donc logique qu’elle finisse par gagner les esprits. Quant à tous ceux qui, au nom du politiquement correct, exprimaient des réserves sur le caractère exclusif de cette relation, se réjouissent-ils vraiment de l’arrivée de « nouveaux » acteurs sur le continent tels que la Chine, la Russie ou encore la Turquie ?

Le sentiment anti-français procède de la même logique. Il est bien évidemment encouragé par des dirigeants putschistes qui espèrent ainsi trouver une forme de légitimité dans leur prise de pouvoir par la force et leur absence de succès notables. C’est le cas au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Ce sentiment est aussi soutenu par une partie radicalisée de la diaspora, souvent binationale. Mais nous avons également notre part de responsabilité car nous laissons prospérer sans réagir les fake news, telles que celle d’une France qui pillerait économiquement ses anciennes colonies. Il suffirait pourtant d’expliquer que le Sahel ne compte pas économiquement, n’étant ni la source de nos approvisionnements, ni la destination de nos exportations. En effet, nous n’importons ni gaz naturel ni pétrole de cette région, nous ne sommes pas concernés par l’exploitation des mines d’or du Mali et l’uranium du Niger couvre à peine 15% de nos besoins. Les exportations de la France vers les pays de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africain) se chiffraient à 3,7 Mds d’euros en 2022. À titre de comparaison, nous exportons pour 2 Mds à Singapour et 1,3 Mds en Malaisie. Cet effort pédagogique, nous ne l’avons jamais vraiment fourni. D’autres en ont alors profité pour imposer leur narratif.

Ce délitement progressif se traduit aussi par notre difficulté, partagée avec l’Europe, à mettre en place des politiques de développement concrètes, efficaces et visibles par les populations. Combien avons-nous collectivement déversé au Sahel depuis 60 ans et pour quel résultat ? En outre, et alors que nous sommes attendus sur le fond, sur les sujets « lourds » du développement, nos budgets sont désormais aussi consacrés aux thématiques, ô combien périphériques pour un Sahélien, du wokisme.

Cette carence à obtenir des résultats se manifeste aussi dans le domaine de l’immigration irrégulière, désormais massive et incontrôlée et nous n’en sommes qu’au début. Ses causes en sont connues : la mauvaise gouvernance, les conflits, le dérèglement climatique, la démographie et la pauvreté. Sa conséquence aussi : le nombre de plus en plus important de sahéliens en situation irrégulière sur notre territoire et son corolaire, notre incapacité à faire exécuter des mesures administratives telles que les OQTF (obligation de quitter le territoire français).

Témoin de l’instabilité régionale mais aussi d’un désintérêt croissant de Paris, le nombre de Français vivant au Sahel devient anecdotique : sur trois pays « à risque » (Burkina, Mali, Niger), nous sommes moins de 12 000, binationaux inclus, soit une population inférieure à celle de Plougastel-Daoulas dans le Finistère. Nos entreprises sont déjà parties, à quelques exceptions près. Et en France, on constate une forme de lassitude, de rejet et parfois de racisme, par peur d’un autre jugé trop différent et « inassimilable ».

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