Ecole: 5 vérités pour sortir des clichés - Par Marie-Amélie Lombard-Latune

La démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel révèle à quel point l'éducation est encore mal armée pour faire face au défi de la laïcité


Les faits - Le proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel est « évidemment parti parce qu’il est épuisé, usé par cette ambiance de tensions permanentes », a commenté ce jeudi le secrétaire général du Conseil des sages de la laïcité de l’Education nationale, cité par Marianne. Depuis quarante-huit heures, l’affaire du chef d’établissement, démissionnaire après avoir été menacé de mort, relance les polémiques sur la laïcité à l’école.

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Entre le « c’est le règne du Pas de vagues » et « la laïcité est un faux problème à l’école », il y a une réalité, celle d’une éducation nationale qui, depuis trente-cinq ans (1989, l’affaire du foulard de Creil) navigue à vue. Politiquement, les coups de barre se succèdent : ligne laïque de Jean-Michel Blanquer déclinée en programme ministériel, fluctuations de Pap Ndiaye, flair politique de Gabriel Attal et sa traduction concrète sur les abayas, affichage de fermeté de Nicole Belloubet, mais sans incarnation (pour le moment).

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L’affaire du lycée Maurice-Ravel est une nouvelle illustration de ces zigzags et embardées. Pas de zéro pointé à coller à l’institution depuis qu’ont surgi sur les réseaux sociaux les menaces de mort contre le proviseur qui a démissionné cette semaine. Le dossier a été « correctement géré », ont pu soupirer les cadres de l’Education nationale. Mais, et c’est bien là le problème, « gestion » et court-termisme servent souvent à masquer la profondeur du mal.

Tous les spécialistes s’époumonent : « La laïcité [est] menacée, la République [est] en danger » (rapport du Sénat de mars 2024). « Les Profs ont peur. Enquête sur le grand renoncement » (Jean-Pierre Obin, L’Observatoire, septembre 2023). Il serait faux d’écrire que l’école ne fait rien, mais elle fait encore trop peu et pas toujours bien.

La caricature guette vite ce sujet. « Attention à ne pas non plus tomber dans le maccarthysme », prévient un récent ministre de l’Education, pourtant très allant sur la défense de la laïcité. Une seule certitude habite les connaisseurs de la question : le combat pour la laïcité se joue désormais sur le temps long. « Il faudra sans doute des décennies et plusieurs générations » pour éradiquer les atteintes quotidiennes aux règles républicaines, l’auto-censure des profs, l’entrisme islamiste, assure à l’Opinion, Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général de l’Education nationale et auteur d’un rapport qui, dès 2004, tirait déjà la sonnette d’alarme.

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Les idées reçues sur l’école ont la vie dure. Voici quelques axes de réflexion pour sortir des clichés.

Le manque de hussards noirs 3.0

Près d’un enseignant sur deux (48 %) dit s’être déjà auto-censuré pour éviter des incidents, soit une hausse de onze points depuis 2018 (sondage Ifop, juin 2023). La parade ? « Formation, formation, formation ! », répètent ceux qui refusent de baisser les bras. Le plan Blanquer (Conseil des sages de la laïcité, vadémécum de la laïcité, équipes Valeurs de la République) s’essouffle un peu depuis le départ du ministre. La formation de tout le corps enseignant par « 1 000 formateurs » se poursuit cahin-caha. Avec trois demi-journées, il s’apparente davantage à de la sensibilisation, mais a le mérite d’exister. Iannis Roder, secrétaire général adjoint du Conseil des sages de la laïcité (CSL) et prof en Seine-Saint-Denis, le dit : « Quand j’ai commencé ma carrière, la laïcité n’était pas enseignée dans les IUFM. On pensait que le côté “hussard” allait de soi. Ce n’était déjà pas le cas ».

A cet égard, le récent rapport du Sénat n’y va pas par quatre chemins et préconise de sortir la formation initiale des profs de l’université. Une révolution amorcée par Gabriel Attal à l’Education nationale, réaffirmée dans son discours de politique générale, qui signerait le retour des « écoles normales ».

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Aux enseignants, Jean-Michel Blanquer avait en 2021 adressé ce message sans ambages : « Si vous voulez devenir plombier et que vous avez un problème avec les tuyaux, vous choisissez un autre métier. Si vous devenez professeur, vous transmettez les valeurs de la République ».

Le « réarmement » du monde éducatif

Depuis les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard, si le déni a reculé, le réel n’est pas toujours affronté de face. L’Education nationale sait produire des éléments de langage, moins des messages de fermeté. Parler, comme l’a fait le rectorat de Paris, de « convenances personnelles » pour la démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel quand ce dernier écrit qu’il s’agit de sa « sécurité » en est un exemple. La machine Education ne capitule pas, mais s’est accoutumée aux entorses à la laïcité, s’est résignée aux renoncements. Elle commente le baromètre mensuel des « atteintes à la laïcité » comme s’il s’agissait de fluctuations abstraites.

« Malgré les annonces politiques, on manque toujours de courage dans les rectorats », déplore Jean-Pierre Obin. Dans ce flou chaotique, poursuit-il, « les syndicats jouent le rôle d’éteignoir. Ceux d’extrême gauche, proches de LFI, font preuve de complaisance. Embarrassés quand leurs adhérents sont victimes de menaces, mais pas prêts pour autant à désigner l’islamisme comme ennemi. Même les syndicats plus “laïcs” s’estiment en porte-à-faux sur la laïcité face aux jeunes générations ».

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Exemple de cette confusion mentale, le syndicat Sud 93 qui, en janvier 2022, proposait un atelier « Loi de 2004 : une loi raciste et sexiste ». Autre cas avec cette banderole « Touche pas à mon abaya » accrochée par les personnels sur les grilles d’un lycée de Rennes (selon le témoignage d’une enseignante, cité dans Franc-Tireur). Plus récemment, mercredi, aux demandes d’information sur l’affaire Maurice-Ravel, un syndicat réformateur répondait à l’Opinion qu’il ne fallait pas céder à « l’emballement médiatique »…

L’objectif tolérance zéro pour les atteintes à la laïcité

Les contestations les plus flagrantes sont connues : théorie de l’évolution réfutée, relativisme sur la Shoah, rejet de l’égalité homme-femme, condamnation de l’homosexualité, etc. Au quotidien, ce sont davantage les micro-atteintes qui pourrissent le climat en classe. Des élèves ne cessent d’interrompre leur maître en affirmant qu’ils sont « choqués ». La bronca provoquée par les femmes nues d’un tableau montré dans un collège des Yvelines a fait parler.

De tels chahuts, parfois menaçants, sont monnaie courante. Ces remises en cause sont formulées par des élèves de tout milieu social, de toute origine. Après avoir enseigné à un public défavorisé, Delphine Girard, professeure de lettres et membre du Conseil des sages de la laïcité, a face à elle des élèves d’un quartier résidentiel. Elle affronte les mêmes clichés et cet « épouvantail commun » qu’est devenue la laïcité et une prétendue « islamophobie ».

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Des critiques pavloviennes que les enseignants doivent prendre le temps de démonter, cours après cours. Les choses s’enveniment quand les parents s’en mêlent. L’engrenage menaces-instrumentalisation-récupération fonctionne souvent à plein régime. C’est cette implication extérieure qui a abouti à la tragédie Samuel Paty.

Le rapport du Sénat préconise, lui, de faire signer aux familles « une charte des parents », rappelant l’autorité des enseignants.

Des lanceurs d’alerte peu nombreux

Leurs noms sont souvent cités. Iannis Roder, Jean-Pierre Obin, Delphine Girard, Dominique Schnapper, figure du Conseil des sages de la laïcité, la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler, l’avocat Richard Malka, l’essayiste Caroline Fourest… Une quinzaine de personnalités figurent peut-être sur la liste. Leurs relais dans le monde éducatif restent peu nombreux.

Dans les colloques et les modules de formation, la laïcité semble être une valeur partagée. Dans les salles de classe, un cercle vicieux se met vite en place. Les enseignants ont peur, s’auto-censurent. On les menace de leur faire une « Samuel Paty » ou, variante, une « BFMTV » (un fait divers qui fera la Une des chaînes d’info). Certains renoncent, d’autres finissent par démissionner. Les vocations se découragent. « Mes collègues craignent souvent davantage l’anathème moral que le coup de couteau, résume Delphine Girard. Quelques signes de sursaut républicain se manifestent, mais ne gagnent pas la jeunesse. Le mal est fait pour très longtemps. Les élèves, les jeunes profs pensent être du bon côté de la barrière morale ».

Un entrisme islamiste récurrent

La vidéo de l’élève du lycée Maurice-Ravel accusant son proviseur de violences lorsqu’il lui demandait de retirer son voile a été relayée par le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE), résurgence du CCIF (le F de l’acronyme pour « France »), dissous en 2021 par Gérald Darmanin. « Le CCIE, une nébuleuse des Frères musulmans, qui a pignon sur rue à Bruxelles », regrette Jean-Pierre Obin, qui cite également la campagne « La liberté dans le hijab » du Conseil de l’Europe, cofinancée par l’Union européenne.

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Le camp laïc dénonce de longue date ces attaques lancées par les réseaux fréristes contre la laïcité à la française. Voile à l’école, dispense de piscine pour les filles, repas hallal à la cantine, horaires aménagés pour le ramadan leur servent de tests. Leurs cibles ? Les élèves issus de la communauté musulmane comme ceux imprégnés de communautarisme à l’anglo-saxonne.

En juin 2022, une jeune femme déclarait à une tribune : la laïcité est « une épée de Damoclès. C’est celle qui nous sépare au lieu de nous unir […], nous empêche de porter le voile ou la kippa, nous enferme ». Elle participait à un concours d’éloquence sur la laïcité organisé par la Région Ile-de-France.

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