Aucun pays dans le monde n’a réussi à gagner la guerre contre les drogues : quelles conclusions en tirer ? - Par Xavier Raufer
Le Sénat publie une série de propositions chocs pour lutter contre le "Tsunami blanc", l'attaque d'un fourgon pénitentiaire à Incarville (Eure) est un nouveau signal d’alerte de l’enracinement du trafic de stupéfiants en France. Cette dernière n'est pas le seul pays à avoir du mal à faire face au trafic de drogue.
Atlantico : Le Sénat publie une série de propositions chocs pour lutter contre le "Tsunami blanc" qui frappe aujourd'hui la France. L'Hexagone, semble-t-il, n'est pas la seule nation à peiner à contenir les trafics de drogue sur son sol. The Economist, par exemple, expliquait récemment que la Grande-Bretagne avait perdu sa "guerre contre la drogue". S'agit-il vraiment d'une guerre perdue d'avance ? Peut-on vraiment dire, aujourd'hui, que nous avons tout essayé ?
Xavier Raufer : Félicitons d'abord les sénateurs de s'être attaqués à un problème (mondialement) grave et d'avoir publié ce riche rapport de plus de six-cents pages, dont les criminologues tireront à coup sûr profit. Mais aussi, constatons certains manques (j'y reviens plus bas) et étonnons-nous de propositions limite-farfelues : un DEA à la française ? La police anti-drogue d'un pays-continent (et pas nous) à 100% fédéral (et pas nous), service dont l'échec est abyssal ?
110 000 morts par an de surdose fatales et des cartels de la drogue contrôlant des pans entiers du territoire, jusqu'à la frontière canadienne ? Une dépénalisation du cannabis chaotique tournant au cauchemar ? Nulle guerre bien menée n'est fatalement perdue. Et s'il faut que les États-Unis nous servent à quelque chose, c'est de contre-exemple, pour ce qui touche aux stupéfiants - de cela, les exemples abondent tant et si bien, qu'on peut en faire un volume entier. Que MM. les sénateurs s'informent là-dessus serait bien.
Et The Economist, alors ? Cette icone mondiale de l'anarchisme-libertarien-mondain prône la dépénalisation entière de toutes les drogues. Dans la Colombie britannique canadienne et quelques États des États-Unis, des politiciens anars-antifa ont appliqué cette doctrine bobo - pour refluer bien vite, devant une hécatombe surdoses fatales jonchant les rues et le ravage des centre-ville. Oui, comme référence, il y a mieux que The Economist.
Dans quelle mesure peut-on dire que la France appréhende correctement la situation actuelle, au regard de la consommation de drogues et de la prégnance des trafics ? Faudrait-il peut-être changer de cadre intellectuel pour trouver une solution viable au problème auquel nous sommes confrontés ?
Xavier Raufer : Le rapport sénatorial contient maints éléments et témoignages passionnants, mais y manque l'essentiel, un DIAGNOSTIC précis et bref : le médecin n'a pas besoin de six-cents pages pour dire "c'est la grippe", ou le garagiste pour énoncer "c'est le carburateur". Notre seul problème de stupéfiants, c'est la présence en France de centaines de zones hors-contrôle, où les trafics se manigancent, se financent, s'opèrent ; d'où partent les livraisons de Ubershit et les tueurs allant éliminer un rival ; où abondent les supermarchés de la drogue, où les toxicomanes (non les "consommateurs") viennent acheter et où règnent les gangs (non les "réseaux").
Qui c'est ? Où ils sont ? Que font-ils ? Voilà le diagnostic à poser. Mais cela, nécessite d'approcher le réel criminel, de connaître la pratique des bandits - tout ce qu'il aurait fallu extraire des précieux témoignages des professionnels. Pour conclure sur ce point avec le bon Boileau (L'art poétique) "Ce que l'on conçoit bien s’énonceclairement, et les mots pour le dire arriventaisément". Mieux que l'usage constant, dans ce rapport, que la "langue de coton" des post-Marie-Chantal du Monde ou de Libé.
L'un des enjeux de ce débat, c'est le maintien d'un certain ordre public en France. Dans quelle mesure le trafic de drogue se nourrit-il de la corruption, entre autres ? Comment, dès lors, envisager la lutte contre les trafics et éviter la corruption de certains officiels ?
Xavier Raufer : D'abord, ce rappel : le crime est un phénomène social normal (Durkheim), même les Khmers rouges, même la Corée du nord, ne peuvent ou n'ont pu l'éradiquer. L'État de droit doit ramener le crime sous le seuil de l'insupportable, ce que M. Macron n'a pas fait depuis 2017. Mais surtout, contraindre les bandits à réduire la voilure, faire régner l'ordre public, empêcher la corruption, tient d'abord à la force, au sérieux de nos dirigeants - ce que la population (malfaiteurs inclus) perçoit d'eux et qui l'impressionne
Voyons maintenant les quatre cavaliers du régalien dans la France de 2024 : qui tremble quand M. Macron s'écrie qu'il va se fâcher ? Qui craint les algarades de M. Attal ? Qui s'épouvante des promesses répressives d'un M. Dupond-Moretti, acclamé par des taulards et hué par ses magistrats ? Qui croit quoi que ce soit du serial-menteur Darmanin ? Les criminologues voient parfois des bandits. Ceux que je rencontre qualifient le précité quatuor de "bouffons" - je leur en laisse bien sûr la responsabilité.
Quid de la lutte contre les territoires perdus du trafic ou l'immigration clandestine notamment ?
Xavier Raufer : La France, depuis MM. Hollande et Macron, a vu le nombre de zones hors-contrôle exploser en France : une centaine sous M. Mitterrand, sept-cents sous M. Sarkozy, 1 300 "quartiers de la politique de la ville" fin 2023 ! Les pires, les quartiers-nord de Marseille par exemple, ont une criminalité (et non pas "délinquance") digne de l'Amérique latine.
Prouvons-le.
Marseille a ± 870 000 habitants. Population de ses quartier nord (13e, 14e, 15e et 16e arrondissements) où en 2023 sont commis 44 des 49 homicides connus, environ 250 000 habitants (légaux) recensés en janvier 2024. Taux d'homicides de la France entière (2023), 1,15/100 000. Taux des "quartiers nord" de Marseille, ± 17,5 homicides par 100 000 habitants ; entre le Brésil (± 19/100 000) et le Guatemala, ± 17/100 000.
Restaurer l'ordre public dans ces quartiers, en expulser les migrants clandestins, est la SEULE tâche qui vaille pour l'appareil sécuritaire français. Cela résorbera les trafics de drogue, disons, à 80%. Les malfaiteurs allogènes iront exercer leurs néfastes talents sous des cieux plus laxistes. Voilà ce que les sénateurs auraient dû clairement énoncer, au lieu de tout diluer et noyer dans les six cent cinquante pages d'un rapport - de plus.
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