Le budget de l’Union européenne : histoire et actualité (1958-2023) - Par François Facchini


« Déléguer tout pouvoir qui peut être exercé localement à des organismes dont les pouvoirs sont cantonnés dans leur circonscription est probablement le meilleur moyen de s’assurer que les charges et les bienfaits de l’activité gouvernementale seront approximativement proportionnels. »

(Hayek [1979] 1983[1], p.54)

Introduction

Le 09 juin 2024, les citoyens des 27 pays membres de l’Union européenne (UE) voteront pour élire les députés du Parlement européen, seule institution de l’Union élue démocratiquement. Depuis 1979, les membres de ce Parlement sont élus sur la base d’un scrutin de liste à la proportionnelle. Ces élections ont des enjeux de politiques européennes mais aussi de politiques domestiques.

En France, les enjeux de politiques intérieures sont nombreux pour les différents partis qui vont présenter des listes aux élections. On peut citer en particulier : i) le leadership du Rassemblement National dont le score pourrait être très supérieur à ceux de ses concurrents dans l’opposition mais aussi à celui du parti présidentiel, ii) l’éclatement de la NUPES à gauche avec des listes séparées présentées par le parti socialiste, le PC et le parti écologiste, et iii) le score du parti Les Républicains.

Les enjeux européens sont tout aussi nombreux. Il y a la désindustrialisation des pays de l’Union européenne qui est un sujet ancien[2], la lutte contre l’immigration clandestine, la lutte contre le réchauffement climatique, la réforme des règles budgétaires, la régulation des plateformes, la crise agricole et la défense de l’état de droit face à la montée des régimes autoritaires et du populisme.
  1. La politique européenne contre l’immigration clandestine s’organise autour des accords de Schengen de 1985 et se prolonge avec la directive dite « retour » et le Pacte Européen sur l’immigration et l’Asile de septembre 2020.
  2. La lutte contre le réchauffement climatique est l’objet du plan de relance NextGeneration EU. Ce plan de relance de 750 milliards d’euros a été conçu durant la crise du COVID 19 et sera financé par l’émission d’une dette publique.
  3. Les critères de Convergence du Traité de Maastricht obligent les États membres à avoir un déficit ne dépassant pas 3% du produit intérieur brut (PIB) et un niveau de dette publique inférieur à 60% du PIB. Ces règles ont été suspendues en mars 2020 pour faire face à la crise du COVID 19. Elles sont à nouveau applicables depuis janvier 2024. Cela explique l’accord entre la France et l’Allemagne de décembre 2023. Selon les termes de cet accord, chaque État ne respectant pas les critères des 3% et 60% devra élaborer un plan de réduction de ses déficits à moyen terme (trajectoire descendante plausible). Chaque plan national est négocié entre la Commission européenne et les gouvernements nationaux concernés. Il est ensuite approuvé par le Conseil. Il propose des ajustements budgétaires sur quatre ans afin de se rapprocher des seuils de 3% et 60%. L’accord prévoit aussi, pour les pays qui ne respectent pas les seuils, un « tampon budgétaire » pour répondre aux chocs économiques imprévus. Parmi ces chocs sont compris les hausses des taux d’intérêt.
  4. L’Union européenne vient de mettre en œuvre un Digital Services Act (DSA) ainsi que le Digital Markets Act (DMA) afin de limiter la diffusion sur les plateformes de contenus illicites ou préjudiciables, de prévenir les risques de verrouillage des marchés et les entraves à l’innovation et au développement d’offres alternatives. Ces textes, initiés par la présidence française, ont rompu avec la prudence de la Commission européenne et de l’OCDE qui, jusqu’aux années 2020, acceptaient l’idée que, ni les autorités ni les économistes n’avaient apporté la preuve d’une défaillance durable des marchés qui serait imputable aux seules plateformes numériques (Maxwell et al. 2016 )[3]. S’en tenir à cette position pourrait être la bonne.
A chacun de ces enjeux correspond une politique européenne et le plus souvent la mobilisation des fonds européens.
  • La politique européenne de lutte contre l’immigration clandestine est pilotée par le Fonds Asile Migration et Intégration (FAMI). Il doit gérer les flux migratoires et mettre en œuvre la politique d’asile et d’immigration de l’UE. Ce fonds est doté en 2022 de 1479,5 millions d’euros. Sa première dotation, en 2014, était d’un montant bien plus modeste : 186 millions d’euros. Malgré l’importance de la crise migratoire une telle somme ne représente que 0,006% du budget de l’UE pour 2022.
  • Les fonds engagés dans le numérique représentent une part encore plus faible.
  • Le financement de la transition écologique est plus conséquent en termes budgétaires, mais n’est là encore qu’une infime partie du budget de l’UE.
L’objet de cette note est de mieux comprendre les enjeux budgétaires des élections européennes à venir. Elle se donne pour objectif de présenter l’histoire des volumes et de la structure des dépenses et des prélèvements qui servent à les financer afin de donner une profondeur historique et des balises comptables aux débats qui vont s’engager en préparation de ces élections.

Une première section décrit le budget européen pour l’année 2022 (1). Les deux caractéristiques principales de ce budget sont : un recours à l’emprunt pour financer ses dépenses et une très forte augmentation de ses dernières. La seconde section replace ce budget dans l’histoire longue des budgets européens depuis la création de l’Union en 1957-1958 (2). Cette section met en évidence une hausse continue des dépenses européennes en valeur absolue et la transformation de leur structure. Le déclin, en % des dépenses totales, des dépenses agricoles et la montée en puissance des dépenses dites de cohésion sont les faits les plus saillants de cette histoire (3). La troisième section expose les dépenses et les contributions budgétaires de la France aux budgets européens. Elle observe que la France est historiquement un contributeur net. Elle paie plus qu’elle ne reçoit. Elle constate aussi que la France dépense plus pour son agriculture que pour la cohésion de ses territoires alors que l’UE en moyenne dépense en priorité pour la cohésion des territoires. La France en revanche a des dépenses d’innovation et de recherche quasiment équivalentes à celle de la moyenne des pays européens.

Cette note se conclut par trois propositions de réforme : une refonte de la répartition des compétences entre l’UE, les États nations et les administrations publiques locales, un retour à l’annualité budgétaire et l’abrogation des mesures qui ont permis l’émergence d’une dette publique européenne afin de prévenir toute nouvelle hausse d’impôts.
  1. La première consiste à baisser les dépenses publiques européennes de 70%. La plupart des politiques européennes devrait être conduites au niveau national. Indépendamment de savoir s’il est nécessaire d’avoir une politique agricole ou une politique de réduction des écarts de développement entre les régions européennes, on ne comprend pas nécessairement pourquoi ces politiques sont conduites au niveau européen. Suivant la logique du théorème de Oates, seul les biens publics européens devraient être produits ou financés au niveau européen. Ce qui n’est pas le cas dans l’état actuel du budget européen de 2022. La gestion des émissions de CO2 doit a minima être traitée au niveau européen, car le cadre national est inadapté, c’est-à-dire trop petit pour tenir compte de l’ampleur des effets. Rien ne justifie en revanche que l’UE gère la question agricole ou les problèmes liés à la cohésion des territoires. Avant d’être un problème européen, les inégalités territoriales sont un problème national. Les politiques d’aménagement du territoire – qui au demeurant sont rarement couronnées de succès – en sont l’expression.
  2. La seconde proposition s’interroge sur la pertinence d’un retour au principe d’annualité budgétaire. La nature pluriannuelle du budget européen fait que les élus en 2024 appliqueront le budget voté par les parlementaires élus aux élections de 2019.
  3. La troisième proposition porte sur la dette publique européenne. Les députés européens votent pour un budget pluriannuel et le financent par l’emprunt. La dette publique étant un impôt différé il transfert la charge et la responsabilité de la dette sur les générations futures mais aussi sur le futur parlement qui devra gérer la fragilisation du système financier européen et l’ensemble des coûts associés à l’endettement. Le financement de la hausse des dépenses publiques européennes votées par le parlement élu en 2019 lie les mains des parlementaires qui seront élus en 2024 et contredit la demande de réduction des déficits publics et de la dette émanant des autorités européennes et des États frugaux de l’UE. Ce choix de financement place les autorités européennes dans une situation paradoxale : d’un côté l’UE demande la baisse des déficits des États nationaux pendant que de l’autre elle accepte la hausse de la dette au niveau supranational.

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