Philippe Fontana: «L’inquiétante dérive de la jurisprudence du Conseil d’État en matière migratoire»

En jugeant légale la subvention accordée par la Ville de Paris à l’association SOS Méditerranée, le Conseil d’État poursuit une évolution de sa jurisprudence, toujours plus hostile aux mesures restrictives en matière d’immigration, analyse l’avocat et essayiste Philippe Fontana.


Auteur de « La Vérité sur le droit d’asile » (Éditions de l’Observatoire, 2023).


Le nihil obstat délivré par le Conseil d’État au financement, par les collectivités territoriales, des associations qui font entrer en Europe des immigrants illégaux illustre une inquiétante évolution de la jurisprudence dans le contexte migratoire actuel. Dans son arrêt du 13 mai 2024, le Conseil d’État juge en effet légale la subvention accordée par la ville de Paris à l’association SOS Méditerranée, dont l’activité consiste à affréter des navires (l’Aquarius, l’Ocean Viking) afin d’aider les migrants à rejoindre l’Union européenne.

L’arrêt du 13 mai dernier est en contradiction avec une décision de 1989, « Commune de Pierrefitte-sur-Seine ». Cette municipalité communiste, associée à d’autres communes de l’ancienne « ceinture rouge » de Paris, avait financé un « bateau pour le Nicaragua », afin d’aider le mouvement sandiniste. Le Conseil d’État avait censuré cette aide en jugeant qu’en l’attribuant, ces municipalités avaient entendu « prendre parti dans un conflit de nature politique ».

Comment comprendre que la solution ne soit pas la même trente-cinq ans plus tard ? D’abord, par l’intervention du législateur qui, en 2007, puis en 2014, a autorisé les collectivités territoriales à financer des opérations humanitaires sans la contrepartie d’un intérêt local, critère exigé par la jurisprudence administrative antérieure. Tout juste doivent-elles œuvrer « dans le respect des engagements internationaux de la France ». Ensuite, par le fait que le Conseil d’État réduit l’activité de SOS Méditerranée à une intervention humanitaire, sans en relever le caractère politique, et sans voir qu’elle interfère avec la conduite par l’État des relations internationales de la France.

Même si la rédaction de la décision s’ingénie à démontrer que la convention passée entre le Conseil de Paris et l’association SOS Méditerranée est fléchée vers un objectif « strictement humanitaire », il est manifeste que tant la finalité de l’action de SOS Méditerranée que celle du Conseil de Paris (en aidant l’association) ne sont pas seulement humanitaires. SOS Méditerranée est une association dont le but est politique, même si son action est en partie humanitaire. Sa vocation officielle est certes d’éviter le naufrage des embarcations de migrants affrétées par des passeurs, mais sa vocation réelle (et publiquement revendiquée) est de faciliter la migration irrégulière vers la rive nord de la Méditerranée. Dissocier son action politique et son action humanitaire relève de la casuistique.

La solution retenue dans l’arrêt ville de Paris doit sans doute beaucoup à la sociologie et à l’idéologie (hostile aux mesures restrictives en matière d’immigration) des membres du Conseil d’État et de la haute fonction publique. Il n’est pas anodin que Mathias Vicherat, ancien directeur du cabinet du maire de Paris et ancien directeur de Sciences Po Paris, figure publiquement parmi les soutiens revendiqués de SOS Méditerranée.

La jurisprudence du Conseil d’État est à l’origine, en 1978, du droit au regroupement familial, reconnu sur le fondement d’un « principe général du droit » découvert pour les besoins de la cause. Ce droit s’imposa au gouvernement, malgré la volonté contraire du président Giscard.

Plus récemment, le Conseil d’État s’est opposé à la pleine transposition d’une directive européenne par la « loi Collomb » de septembre 2018 rendant irrecevable la demande d’asile d’une personne ayant transité par un pays tiers sûr. Or le détournement du droit d’asile explique en bonne partie l’incapacité de l’exécutif à lutter contre l’immigration irrégulière. Rappelons que toute personne arrivant sans titre sur le territoire national a le droit de solliciter l’asile et se voit attribuer de ce fait un titre de séjour régulier et des aides sociales. Indiquons aussi que, sur les 167.000 demandes effectuées en 2023, seules 40 % ont abouti, nonobstant la jurisprudence libérale de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Or, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, seuls 2 % des déboutés voient leur obligation de quitter le territoire français (OQTF) exécutée d’office.

La lecture des rapports d’activité de l’association SOS Méditerranée permet d’apprendre qu’une des nationalités les plus représentées dans les personnes secourues est celle provenant du Bangladesh. Or c’est l’une de celles qui rencontrent le plus fort taux de rejet de ses demandes, celles-ci étant en réalité motivées par des raisons économiques.

À lire aussi«SOS Méditerranée a un rôle de passeur» : un député RN attaque en justice la subvention accordée par la Gironde

Le périple de l’Ocean Viking débarqué à Toulon en novembre 2022 illustre les conséquences pratiques de l’action de SOS Méditerranée. Débordée par l’afflux, malgré la création d’une zone d’attente spéciale, la justice avait libéré quasiment tous les passagers, qui s’étaient ensuite fondus dans la nature. Il est clair (même si, pour le Conseil d’État, « cela ne résulte pas des pièces du dossier ») que cette association interfère directement avec la politique française en matière d’immigration. Pour autant, la juridiction administrative ne retient aucune interférence avec la conduite par l’État des relations internationales de la France.

Elle n’arrive à cette conclusion qu’en triant les faits à sa convenance. Elle considère en effet que l’association a déféré aux autorités des États de l’Union européenne ayant refusé le débarquement des navires de l’association. Or l’Italie, dont le nom est pudiquement omis par la décision, a sanctionné SOS Méditerranée, puisque, le 15 novembre 2023, vingt jours d’immobilisation et une amende ont été infligés à l’Ocean Viking. Le choix, par l’association, du port d’Ortona, à plusieurs jours de navigation de la zone de sauvetage des migrants, était en effet contraire au décret Piantedosi, nom du ministre de l’Intérieur du gouvernement Meloni.

Plus surprenant encore, le Conseil d’État ne voit aucun contournement par SOS Méditerranée des politiques migratoires de la France et de l’Union européenne. La déclaration de Malte du 3 février 2017 sur les aspects extérieurs de la migration est pourtant claire : « Il est primordial, pour une politique migratoire durable, d’assurer un contrôle efficace de nos frontières extérieures et d’endiguer les flux illégaux en direction de l’UE. »

À lire aussi+ 541% : l’immigration illégale en Europe par la route d’Afrique de l’Ouest explose

L’arrêt de la ville de Paris illustre, une nouvelle fois la réalité d’un gouvernement des juges qui creuse toujours plus le fossé entre le peuple, au nom duquel les jugements sont rendus, et l’élite à laquelle appartiennent les membres du Conseil. Selon un récent sondage, 68 % des Français sont opposés à l’octroi de subventions publiques aux associations favorisant la migration irrégulière. Il faut au moins, en l’espèce, abroger les dispositions législatives ayant permis au Conseil d’État de rendre une décision aussi contraire à la volonté de nos concitoyens.

Dans L’Ancien Régime et la Révolution, Alexis de Tocqueville notait qu’à la veille de cette dernière, « les princes et leurs ministres manquent même de ce pressentiment confus qui émeut le peuple ». N’est-il pas temps que le Palais-Royal prenne conscience des aspirations du peuple ?

https://pourunenouvellerepubliquefrancaise.blogspot.com/https://grandeschroniquesdefrance.blogspot.com/https://parolesdevangiles.blogspot.com/https://raymondaronaujourdhui.blogspot.com/

#JeSoutiensNosForcesDeLOrdre par le Collectif Les Citoyens Avec La Police