Prolégomènes* au libéralisme politique - Par Patrick Aulnas

Ne jamais s’enthousiasmer pour un politicien, voter pour désigner les gouvernants en ayant conscience de refuser ainsi d’être un tyran.

L’émotivité des militants est un des grands paradoxes de la démocratie. Ils s’enthousiasment en cas de victoire d’un de leurs leaders, ils sont abattus en cas de défaite. Bras levés au ciel, trépignements, rires, cris, mais aussi mimiques de désenchantement et même pleurs s’emparent facilement des exaltés de la politique. On répliquera que le pouvoir est, avec l’argent et l’amour, une des grandes passions humaines et qu’il suscite donc des émotions fortes. La raison n’a plus sa place lorsque la passion s’empare des âmes et des cœurs. Certes, mais la démocratie suppose le primat de la raison.


Pas d’enthousiasme pour les dirigeants

Je n’ai jamais pu m’enthousiasmer pour un politicien, aussi brillant soit-il. La raison en est simple : il propose de gouverner, c’est-à-dire d’exercer un pouvoir auquel je n’échapperai pas. Pourquoi donc irai-je applaudir quelqu’un qui veut me diriger ? J’ai bien conscience de la nécessité du pouvoir dans toute société humaine. Dans les États-nations contemporains, une organisation complexe et très hiérarchisée est indispensable. Mais c’est un mal nécessaire, une fatalité qui s’est abattue sur l’espèce humaine au cours de son histoire. Ses progrès cognitifs l’ont conduite à des structures sociales complexes et, par suite, à un pouvoir politique ultrapuissant, même dans les démocraties. Le pouvoir est toujours à la recherche de sa propre puissance, écrivait Bertrand de Jouvenel. La démocratie limite grandement son arbitraire mais n’entrave pas sa puissance.

Il s’agit donc, de toute évidence, de limiter le pouvoir ; et la première condition pour y parvenir suppose que les citoyens n’adulent pas leurs dirigeants et encore moins ceux qui prétendent les remplacer. Il faut se défier des politiciens tout en ayant conscience de leur nécessité. Les respecter lorsqu’ils sont respectables, les sanctionner sans ménagement lorsqu’ils ne le sont pas, politiquement ou juridiquement. Mais il ne faut jamais sombrer dans la ferveur politicienne, instrument de conquête du pouvoir.

Prolégomènes au libéralisme politique (rivagedeboheme.fr)
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