Alain Madelin : “Si on est libéral, la priorité absolue c’est de combattre Jean-Luc Mélenchon et ses alliés”


Les élections législatives à venir constituent un choix complexe pour les électeurs libéraux. Alain Madelin, libéral historique et ancien ministre, fait part de son éclairage sur la question.


Atlantico : Pour qui voter aux élections législatives, quand on est un électeur libéral, au regard de ce que sont les programmes proposés ?

Alain Madelin : La question que vous posez consiste à identifier ce que ferait un électeur libéral confronté à une situation comparable à celle que nous nous apprêtons à vivre. La réponse est simple : il faut chercher, avec une loupe, les candidats libéraux – et par là j’entends vraiment libéral – dans cette élection. C’est d’autant plus important du fait de la nature même du système électoral en place, qui oblige, à la fin des fins, à un face à face entre deux blocs. Il faut être au second tour pour être élu et pour être au second tour il faut pouvoir réunir plus de 12,5% des inscrits. La barre est assez haute. Bien sûr, la situation aurait été tout à fait différente si la dissolution avait eu lieu après l’exécution de la promesse, renouvelée par deux fois par Emmanuel Macron, de la mise en place d’un scrutin à la proportionnelle. Le scrutin à la proportionnelle libère les idées politiques et aurait donc permi la représentation de chaque famille politique qui pourrait alors maintenir ses candidats et ne pas finir assujetties à d’autres.

J’ajoute d’ailleurs que, si la proportionnelle avait effectivement été mise en place, il y aurait certainement une famille politique d’orientation libérale, ce qui simplifierait le choix libéral dans cette élection.

Malheureusement, aujourd’hui, nous sommes piégés. Bien sûr, si je regarde du côté des Républicains, du Modem, d’Horizons ou des cadres historiques de Renaissance, il y a évidemment des figures libérales que l’on pourrait mentionner. Il y en a aussi du côté d’une certaine gauche, non-mélenchonniste, ainsi qu’au centre. Le choix d’un électeur libéral au premier tour, s’il a la chance de se trouver un candidat un tant soit peu libéral dans sa circonscription, devrait consister à voter pour ce même candidat au premier tour en espérant qu’il saura se qualifier pour le second.

Au deuxième tour, le choix est clair à mes yeux : il faut combattre Mélenchon ou se rabattre sur Bardella. Combattre Mélenchon, cela implique de ne pas appeler le “Front populaire” comme il souhaite le présenter. L’étiquette est trompeuse. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est Mélenchon 2024. Le Front populaire historique n’avait rien à voir avec ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Je regrette que beaucoup se soient soumis à cette coalition, sinon par conviction au moins par exigence électorale. Bien souvent, cette coalition – par ailleurs inféodée à la France Insoumise et donc à Mélenchon – est contre-nature. Il est indispensable de la combattre car son accession au pouvoir engendrerait un grave chaos économique pour le pays. Elle porte une incroyable haine sociale des riches, des milliardaires bien sûr, mais aussi des classes moyennes et de tout ce qui peut être rattaché, de près ou de loin, à l’idée que l’on se fait d’une personne riche. Elle s’appuie aussi sur une énorme illusion : celle qui voudrait qu’il suffirait de faire payer les riches pour régler l’intégralité de nos problèmes. Cela ne contribuerait qu’à mettre la machine économique en panne, sans même réussir à résoudre les dépenses abyssales du programme de Mélenchon 2024. Avec ce programme, on dépense un argent que l’on a pas, en s’appuyant sur l’illusion de l’impôt sur les riches et en assurant que les déficits seront financés par la Banque de France. C’est absurde.

La Banque de France ne fait pas marcher la planche à billets… et heureusement ! Elle en est empêchée par les règles européennes. Les enfreindre reviendrait donc à briser économiquement l’Europe et s’engager sur une pente glissante. Qui pourrait faire confiance à la France pour acheter ses obligations ? Il est évident que les taux d’intérêt flamberaient et que, dans un pays aussi endetté que le nôtre, cela conduirait à une catastrophe économique immédiate. Le rôle des marchés financiers, rappelons-le, n’est pas d’attendre d’être au pied du mur, c’est bien d’anticiper.

Le programme de Mélenchon 2024, c’est aussi enfermer la France dans toute une série de carcans réglementaires, comme l’illustre bien la taxe kilométrique sur les produits importés. Bonjour la bureaucratie ! Calculer la taxe kilométrique d’un smartphone ne sera pas aisé, c’est le moins que l’on puisse dire. D’autant que l’application d’une telle mesure engendrerait nécessairement des mesures de rétorsions sur la France et donc d’importantes conséquences économiques. De toute évidence, ces propositions ont été rédigées par une bande d’ignares qui ne comprennent pas que les lois économiques ne se votent pas au Parlement. Quand on prétend s’emparer des rênes d’un pays, c’est gênant.

Au-delà des seuls programmes économiques, qui sont les candidats les plus susceptibles de convaincre un électeur libéral, notamment en matière de libertés publiques et individuelles ?

En matière de libertés individuelles, le programme de Mélenchon n’est pas difficile à décrire. C’est l’Etat, l’Etat et encore l’Etat. C’est l’Etat qui décide pour tout un chacun et une véritable attaque contre les libertés individuelles. Prenons l’exemple du blocage des loyers, qui aura une incidence économique immédiate sur les propriétaires comme les locataires. Les économistes ont l'habitude de dire qu’il s’agit d’une mesure catastrophique pour l’économie, de la meilleure façon de détruire une ville. N’oublions pas non plus toutes les atteintes au droit de propriété, aux libertés d’action et de choix. Le programme de Mélenchon, nous l’avons dit, est une catastrophe pour l’économie (indépendamment de la cohérence globale qui peut être la sienne) qui sera immédiatement jugée par le découragement de ceux qui font l’économie de ce pays et potentiellement le départ de certains d’entre eux.

Pour faire une description honnête du scrutin, il faut aussi parler du programme du Rassemblement national. Je n’ai jamais participé, pour ma part, à un quelconque procès en sorcellerie à son égard et j’ai toujours regardé de près ses propositions. Longtemps, sur le sujet de l’économie, il est apparu comme largement étatiste et populiste. Son application aurait eu des effets désastreux sur l’économie française. Désormais, les choses sont différentes : de jour en jour, et chacun le note, le Rassemblement national édulcore ses promesses. D’aucuns soulignent d’ailleurs, de Bardella à Le Maire en passant par nombre de journalistes, que la formation ne tiendra pas ses anciennes promesses en la matière. Et heureusement ! Dès lors, si l’on ne veut pas de Mélenchon sur le plan économique, il restera possible de voter pour Bardella sans en arriver à la catastrophe économique que l’on pouvait initialement craindre. Au contact de la réalité, le RN sera forcé de s'accommoder et on peut espérer qu’il sera amené à se “méloniser”. Sur le plan économique, il avance plutôt dans le bon sens, ce qui permet (à défaut de mieux) d’éliminer cet axe de critique dans le cadre d’un second tour Mélenchon- RN.

Sur la question de la sécurité et de l’immigration, qui est au coeur de son programme, le RN peut remettre les pendules à l’heure aux yeux de beaucoup de Français, après des années de mauvaises gestions par les précédents gouvernements. J’ai tendance à penser qu’il y a beaucoup de propositions excessives à ce sujet et j’espère qu’il ne fera pas l’objet de la bataille populiste que le parti voulait organiser en ayant recours au référendum. C’est une question trop technique pour envisager une solution aussi simple. Je crois toutefois que les accords européens viendraient restreindre les velléités et les mesures les plus extrêmes du Rassemblement national si celui-ci venait à être élu.

Enfin, il faut mentionner la troisième interrogation qui pèse sur ce parti et qui est très forte chez beaucoup de Français. La question de l’Ukraine, du soutien qui lui est accordé et de la politique étrangère à mener face à la Russie est primordiale. C’est un enjeu existentiel pour la France. De l’issue de l’agression de Poutine contre l’Ukraine va dépendre le futur des démocraties – et donc de la France – pour les décennies à venir. Ne nous trompons pas : Poutine mène une guerre aux démocraties, avec l’appui de la Chine, de l’Iran et de nombreux autres gouvernements totalitaires. L’enjeu actuel n’est pas celui de la réforme de l’assurance-chômage que nous pourrions mettre en place ! C’est même dérisoire comparé au risque auquel nous faisons face. Poutine l’a dit et répété : il veut mettre en place un ordre international post-démocratique, déstabiliser nos démocraties par le chaos. A cet égard, la politique du Rassemblement national interroge. Une forme de poutinisme est restée très vivante dans ses rangs et il devient urgent de tourner cette page de leur histoire, dans l’intérêt de la démocratie française. J’espère que cette semaine sera l’occasion de clarifier leur position. Après tout, le RN se présente comme un mouvement patriote et respectueux de la souveraineté. Il devrait donc pouvoir comprendre le patriotisme des Ukrainiens et leur quête de souveraineté. Il est nécessaire de comprendre que Poutine veut la guerre contre nos démocraties, la rupture du lien transatlantique, la déstabilisation de nos régimes. Ne lui faisons pas ce cadeau.

Emmanuel Macron a très souvent été présenté comme le candidat porteur d’une vision libérale en France. Dans quelle mesure peut-on dire qu’il l’a été… et dans quelle mesure peut-on aussi dire que c’est une erreur d’analyse ?

Emmanuel Macron a été un peu libéral sur la question économique. Il a compris quels étaient les impôts qui pénalisaient le plus l’initiative, les a réduits et s’est montré favorable à l’ouverture à la concurrence. Tout cela a entraîné de plutôt bons résultats en matière d’emploi. Point final.

Du reste, il demeure particulièrement étatiste. Sa réforme des retraites, même quand il pensait présenter une réforme à point (ce qui était une bonne idée) a été assortie de l’étatisation des systèmes de retraite. Cela n’a aucun sens ! Le système à point permet justement de mettre en place une monnaie commune entre les différents systèmes de retraite. Il n’a pas non plus compris le principe de subsidiarité et la nécessité, dans un monde moderne, de laisser le maximum de liberté à tout un chacun et à tous les niveaux. Par ailleurs, sa politique comporte un autre angle mort : celui du non-engagement d’une quelconque réforme de l’Etat. Je pense à la dépense publique, notamment, sur laquelle il n’a jamais mené de réforme de fonds. La France détient le record du monde de dépenses publiques, de prélèvements publics et de dette parce qu’on a prolongé l’ancien modèle sans chercher à faire mieux ou neuf. Nous n’avons pas envisagé les réformes de structures pourtant nécessaires pour bien appréhender la mutation que nous sommes aujourd’hui en train de vivre.

Qu’est-ce qui se rapproche le plus, dans notre environnement français (où le libre-échange ne parvient pas à convaincre, notamment) à un programme libéral pour les prochaines élections législatives ?

Commençons par rappeler que, dans le cadre des législatives actuelles, il n’existe pas de programme libéral susceptible d’accrocher l’opinion. Elle est déjà captée par d’autres projets

Concernant un temps plus long, et comme j’ai souvent eu l’occasion de le dire, la réforme la plus importante à mes yeux consisterait à inscrire le principe de subsidiarité dans la constitution. Cela laisserait le temps aux différentes institutions de s’adapter à ce principe et cela constituerait une vraie révolution.

Donner à chacun autant de liberté d’agir et de choix possible, par le contrat notamment, donner aux collectivités locales autant de liberté que faire se peut pour exercer les tâches qui leur incombe (en veillant sur le risque de féodalisation de la France, cela va sans dire) serait une vraie révolution.

Rappelons-nous qu’en matière de droit, l’Etat pose des principes. Il ne légifère pas. A cet égard, la loi sur les 35h n’est pas une loi au sens de la Constitution actuelle. Relire la constitution en gardant en tête ce principe de subsidiarité est indispensable.

Dans l’esprit d’Adam Smith, il existe une solidarité naturelle entre capital et travail. Il ne peut pas, selon lui, exister un destin économique qui ne leur serait pas commun. En l’état actuel des choses, cependant, le capital est beaucoup plus fluide. Quelle peut être la réponse libérale à cet état de fait ?

C’est une excellente question, à laquelle il est difficile de répondre. Il existe, à mon sens, de multiples moyens dont le premier serait la création d’un capitalisme populaire. Il faut rendre chacun capitaliste à sa façon, ce qui passerait potentiellement par les fonds de pension.

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