«Avec les droits de succession, l'État ruine, sans état d’âme, certains de ses contribuables» - Par Sébastien Laye et Jean-Baptiste Giraud

Un récent sondage montre que la majorité des Français jugent les droits de succession «injustifiés». Au-delà de son impopularité, cet «impôt sur la mort» se révèle injuste pour une partie des citoyens, estiment l’économiste Sébastien Laye, et le journaliste économique Jean-Baptiste Giraud.



N'en déplaise aux édiles de la France insoumise (LFI), année après année, les Français se déclarent très majoritairement hostiles aux droits de succession. Dans un sondage réalisé par Odoxa et publié par Challenges en mai 2024, 77% considèrent que les droits de succession sont «injustifiés». À l'inverse, l'IFI, l'impôt sur la fortune immobilière, est approuvé par 79% d'entre eux !

C'est bien l'impôt sur la mort qui est condamné par les Français, un impôt qui est de très loin le plus impopulaire. Au palmarès du rejet de l'impôt, il devance la contribution sociale généralisée (CSG) de près de 20% (59% des Français la désapprouvent) et même les taxes sur les carburants, honnies par «seulement» un Français sur deux. Un autre sondage publié par OpinionWay-Les Échos le mercredi 5 juin 2024 révèle que 74% des Français estiment que les droits de succession sont trop élevés. Chez Odoxa, 84% des sondés demandent qu'ils soient baissés.

Une telle impopularité est-elle vraiment méritée si on se réfère à la science économique ? Sans trop de surprise, c'est parmi les économistes français que l'on trouve les plus forts soutiens à cet impôt, au Conseil d’analyse économique (CAE), à France Stratégie. Si on regarde le monde académique international, on trouve cependant des arguments sensés face à ce que les Anglo-Saxons appellent l'«inheritance tax».

Ces économistes soulignent que cet impôt sur les morts est illogique, puisque ce n'est pas la richesse accumulée par le défunt qui importe, mais bien ce que reçoit le bénéficiaire. Certaines recommandations, par exemple, préconisent de se concentrer sur le patrimoine du survivant, tel qu'il est modifié ou non par la succession, et non sur celui du défunt, qui a déjà été taxé. L'impôt sur les successions peut décourager l'accumulation de richesse. Les gens espèrent souvent léguer des biens à leurs proches, et cet impôt pourrait diminuer leur motivation à travailler ou à investir davantage. Par ailleurs, cet impôt est souvent évitable pour les plus fortunés, les mieux conseillés ou connectés. Les plus riches peuvent facilement contourner cet impôt grâce à des planifications fiscales sophistiquées, laissant la charge aux classes moyennes.

Par ailleurs, il s'agit d'un impôt peu progressif par excellence, avec toutes ses cohortes d'injustice, notamment en Angleterre ou en France des exemptions ou déductions arbitraires, voire même des mécanismes comme les dons avant le décès qui créent des distorsions économiques et des effets d'aubaine. Ces exemptions et abattements rendent aussi difficile toute planification de ces successions, sans parler de la volatilité législative dans de nombreux pays sur ce sujet, qui n'arrange pas les choses. Les économistes citent souvent l'exemple de l'Angleterre, où les riches achètent des terres agricoles uniquement pour éviter l'impôt, ce qui pousse les prix à la hausse et exclut les agriculteurs. On citera aussi les effets de seuil pour le calcul des successions, qui souvent ne prennent pas en compte l'inflation : avec la hausse mondiale des prix de l'immobilier entre 2015 et 2022, de nombreux ménages ont été affectés dans le calcul des successions alors même qu'en termes réels, pour ne même pas mentionner en liquidité, leur patrimoine n'a pas vraiment augmenté.