Désobéir au RN s’il ne respectait pas le caractère républicain de nos institutions ? Soit… Mais qui définit ce “caractère républicain” ? - Par Jean-Eric Schoettl et Bertrand Saint-Germain

Le diable se niche dans les détails. Des militants ont largement piraté la République au profit de leur idéologie et se cachent derrière un droit supposément neutre mais qu’ils ont tordu jusqu’à nier la souveraineté populaire.


Atlantico : Dans une tribune publiée dans les colonnes du Monde, le professeur de droit public Serge Slama indique que « si les politiques et les lois du RN sont contraires au caractère républicain de nos institutions, il pourra être nécessaire de désobéir ». Qui définit réellement ce « caractère républicain » ? Qui a une telle légitimité ? Les institutions et la démocratie ne garantissent-elles pas le caractère républicain ?

Jean-Eric Schoettl :
Qui définirait en effet le caractère républicain ou non de la politique suivie par un gouvernement RN ? N’importe qui, au sein de l’appareil d’Etat ou en dehors de celui-ci ? Tout un chacun pourrait-il se poser en juge de la légalité ou de la constitutionnalité de l’action gouvernementale, sans attendre l’épuisement des voies légales de contestation de cette action, notamment juridictionnelles ? En recourant à quels moyens ? A des actes de sabotage juridique ou matériel ? Voilà qui conduirait à l’anarchie, c’est-à-dire à la forme la plus antidémocratique qui soit de gouvernement. Au prétexte de combattre l’oppression, on soumettrait la société à la pire des oppressions : celle des commissaires politiques autoproclamés. Au prétexte de combattre l’arbitraire gouvernemental, on ferait régner celui des comités de salut public. Au prétexte de sauver la République, on ressusciterait Robespierre.

A ces idées irresponsables, il faut répondre qu’un gouvernement arrivé aux affaires conformément aux procédures institutionnelles, revêtu de l’onction du suffrage universel et exerçant ses prérogatives dans le respect de la Constitution et du principe de la séparation des pouvoirs, ne peut être qualifié d’oppresseur.

L’auteur que vous citez - et d’autres thuriféraires de la subversion - invoquent bien mal à propos l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ("Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression"). Cet article range certes le droit de résistance à l’oppression parmi les « droits naturels et imprescriptibles » de l’homme. Mais il n’y a d’oppression que lorsqu’un tyran a établi son empire sur la société par la violence et en piétinant la Constitution. Dans la tradition républicaine, le droit de résistance à l’oppression n’entre en vigueur que lorsqu’il n’y a plus de Constitution.

Tel ne serait pas le cas d’un gouvernement RN arrivé légalement aux affaires et respectueux des institutions, quoiqu’on pense de son programme. Si on veut le combattre, c’est par des moyens démocratiques et licites (le vote, le droit au recours, les droits de presse, de manifestation et de réunion…). Si on est mécontent de la loi adoptée sous une majorité RN, on peut la critiquer et militer pour son abrogation, mais tant qu’elle est en vigueur, il faut la respecter. Les agents publics ont un devoir de réserve et de loyauté envers le gouvernement légal. C’est le manque de loyauté qui serait antirépublicain. Nous sommes ici à nouveau confrontés à cette inversion des valeurs dont l’extrême gauche est coutumière. Il s’agit d’une révolte contre la démocratie, contre le suffrage universel, contre le peuple : si celui-ci tourne le dos à la doxa, il faut débrancher la souveraineté populaire. Qu’en pense M Hollande ?

Bertrand Saint-Germain : Serge Slama est un universitaire engagé en faveur de la gauche radicale. Son action est typique de ce que les Américains appellent le “cause lawyering”, un courant d’inspiration marxiste très influent ; d’un point de vue technique, il vise à apporter aux causes qu’il soutient l’aide d’une armée de combattants judiciaires marxistes. Alors, des techniciens du droit se servent explicitement de leur formation à l'appui d'un but politique, comme nous l’avions montré en présentant cette guerre du droit que mènent les progressistes pour accroître leur influence. Serge Slama a fait une thèse sous la direction d'une universitaire, elle-même marquée dans la gauche radicale, militante communisante et qui fut l'une des fondatrices du Groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI). Il s’agit d’un mouvement associatif radical dont fait également partie Serge Slama et qui n’a eu de cesse, depuis sa création, d’obtenir toujours plus de droits pour les étrangers (spécialement en matière sociale). Drapé de sa compétence universitaire, il a tendance à n’agir qu’en militant politique. Cela ne disqualifie pas son propos, mais cela doit être rappelé afin d’éclairer l'objectif qui est le sien en publiant cette Tribune. Ils sont nombreux dans l’Université à agir comme Serge Slama. Beaucoup le font avec plus de discrétion.

Concernant le caractère républicain, il est important de garder en tête que la notion de République et du principe républicain ne correspondent à rien d'autre qu'à des mantras et des totems qui sont supposés avoir une valeur en société en négligeant le fait que la République n'a jamais été définie. Les « principes républicains » ne le sont d’ailleurs pas plus eux-mêmes. Concernant la République, sa définition étymologique est la “res publica”, la chose publique, le bien commun. Cette chose publique, ce bien commun s'intègrent et s’appliquent quelle que soit la forme politique du régime. Jean Bodin, au XVIᵉ siècle, définit simplement cette chose publique, cette res publica dans “Les 6 Livres de la République”. Il la définit comme étant le « droit gouvernement de plusieurs ménages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine » ; rien d’autre. Cette définition ne se réfère pas à une monarchie, à une aristocratie ou à une République, mais s’applique bien à tous les régimes politiques. Sous l'Ancien Régime, Venise, Pise ou Gênes sont des Républiques. On connaît encore des empires, des royaumes et quantités d’autres structures d'ordre politique. Aujourd'hui, la notion de République interroge. Il y a eu cinq Républiques en France et elles possèdent nombre de différences. Il est difficile de considérer que le terme de République possède une quelconque dimension idéologique précise, car comment réunir sous le même étendard les Comités de salut public de la Ière République, le régime bourgeois du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte en 1848, une IIIe République esclave de la souveraineté parlementaire (prolongée par la IVe République avec son exécutif transparent) et la Ve République façonnée par De Gaulle et instituant un président surpuissant ?

Derrière ce mot République, il y a une typologie de régimes politiques extrêmement larges. En élargissant le regard, il est possible de se rendre compte que l'Iran est une République comme le Vietnam ou la Chine... Le mot République en tant que tel ne désigne donc pas un régime politique particulier gravé dans le marbre. Ce mot-là est souvent utilisé comme un mantra. La République serait une sorte d'ordre démocratique, un système où tout serait parfait, via le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple comme le dit l'article 2 de la Constitution.

Cette République en tant que telle n'est pas définie. Ce constat est similaire également au niveau des principes républicains qui incarneraient la République. Si l’on pense spontanément à la devise de la République : liberté, égalité, fraternité, tout juriste sait que ces mots sont extrêmement difficiles à définir avec précision. La liberté en droit est une capacité d'action, simplement ; et qui s’arrête d’ailleurs là où commence celle des autres... Qui plus est, les libertés publiques s’exercent dans le cadre des lois qui les régissent… Le contenu du mot « liberté » est donc bien contingent… Quant à l'égalité, tout le monde sait également que le mot n'a pas de sens abstrait ; l'égalité ne se comprend que par catégories. L'égalité, ce n'est pas être tous traités de la même façon, c'est traiter de la même façon les gens qui sont dans les mêmes catégories juridiques et dont les limites sont précisément déterminées par la loi, par la volonté générale (article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen). Quant à la fraternité, il s’agit d’un principe très abstrait qui fait aussi bien référence à la charité chrétienne qu'à la solidarité humaine. Le contenu de ce mot fourre-tout n'est, lui non-plus, absolument pas précis. Si l'on prend un autre totem d’aujourd'hui comme la laïcité, on découvre qu’elle ne fait l'objet d'aucune définition précise ! Depuis la loi de 1905, les contours de la laïcité ont été extrêmement mouvants. La laïcité d'aujourd'hui, celle envisagée par la justice ou par le gouvernement, serait absolument combattue par les fondateurs de la loi de 1905…

A partir du moment où quelque chose n'est pas défini, n'importe qui peut se draper dans ces mots, dans cette République imaginaire et dans ces principes non définis pour prétendre être celui qui va en déterminer les contours. Chacun est son propre juge et il y a aujourd'hui une profession de juristes en républicanisme extrêmement habile à dénoncer l'insuffisance républicaine de telle ou telle personne alors même que nul n'a jamais défini ce qu'était la République en droit et surtout pour fonder des mesures politiques à l’encontre d’élus du peuple qui ne leur convient pas.

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