«Diplomatie guerrière, armée de temps de paix» - Par Nicolas Baverez

La rhétorique et les initiatives guerrières d’Emmanuel Macron, relancées à l’occasion des commémorations du 80e anniversaire du D-Day, masquent les errances de sa diplomatie et l’inadaptation de nos forces conventionnelles au combat de haute intensité.


Otto von Bismarck aimait à rappeler que « la diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments ». Pour l’avoir oublié, la France a connu deux terribles défaites. Sous le second Empire, la multiplication des interventions militaires en Italie, en Crimée et au Mexique, cherchant à faire acte de puissance sans obéir à une stratégie construite, la légitimation de l’unité allemande en rupture avec la politique poursuivie depuis Richelieu, les faiblesses d’une armée hétéroclite et sous-équipée, l’ignorance des leçons de la bataille de Sadowa et de la guerre de Sécession conduisirent au désastre de Sedan. Dans les années 1930 de nouveau, la contradiction des garanties de sécurité apportées à la Tchécoslovaquie et à la Pologne avec la stratégie de défense fondée sur la ligne Maginot, l’absence de prise en compte de l’irruption du char et de l’avion, les défaillances du haut commandement, la cécité devant le laboratoire que fut la guerre d’Espagne débouchèrent sur la débâcle de juin 1940.

Emmanuel Macron réédite aujourd’hui les mêmes erreurs. Sa rhétorique et ses initiatives guerrières, relancées à l’occasion des commémorations du 80e anniversaire du D-Day, masquent les errances de sa diplomatie, l’inadaptation de nos forces conventionnelles au combat de haute intensité, le refus des enseignements des conflits récents, de la Syrie à l’Ukraine en passant par la déroute stratégique subie par nos armées en Afrique de l’Ouest.

La diplomatie française a perdu tout cap. La posture de puissance d’équilibre n’a aucun sens dans un monde en guerre où les démocraties font l’objet d’une menace vitale de la part des empires autoritaires et où le Sud est mû par le ressentiment contre l’Occident. Elle se réduit à des revirements permanents. Sur l’Ukraine, avec le passage du dialogue poursuivi vainement pendant des mois avec Vladimir Poutine à la proposition de déployer des troupes au sol et des instructeurs, du dernier rang dans les livraisons d’armes à Kiev à la décision de céder des Mirage 2000-5. Au Moyen-Orient, avec l’improbable proposition de constituer une coalition contre le Hamas inspirée de celle contre l’État islamique puis le soutien de la position scandaleuse du procureur de la CPI mettant sur le même pied les dirigeants du Hamas et de l’État d’Israël. En Asie, avec la validation des positions de la Chine sur Taïwan au moment où Pékin lançait des manœuvres simulant le blocus et l’invasion de l’île.

Le plus préoccupant demeure le grand écart entre les gesticulations improvisées et les engagements de sécurité apportés à l’Ukraine, la Grèce ou la Moldavie d’une part, l’incapacité à les remplir ou à faire face à une escalade d’autre part. La loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 a en effet écarté tout véritable réarmement.

La modernisation de la dissuasion nucléaire, trop longtemps différée, est engagée. Mais sa crédibilité est entamée par le discours de la Sorbonne. Il propose de débattre de son partage avec nos partenaires et de son intégration dans la défense conventionnelle au sein de la Communauté politique européenne, forum de discussion dénué de légitimité et de compétence pour traiter des questions militaires et a fortiori nucléaires.

Dans le même temps, le modèle d’armée de corps expéditionnaire reste inchangé alors qu’il a touché ses limites au Sahel et qu’il est incapable d’affronter une guerre de haute intensité en Europe. La loi de programmation pérennise le format insuffisant de nos forces. Elle diminue leurs équipements en réduisant fortement le nombre d’avions, de blindés et de canons en 2030. Surtout, les armées françaises ne sont ni équipées ni entraînées pour la guerre des drones, décisifs dans tous les récents conflits. Au nom du principe de précaution, le vol de drones est drastiquement encadré tandis que les essais ou tirs de munitions téléopérées restent interdits sur le territoire national.

Au total, l’effort de défense reste limité à 1,9 % du PIB en 2024, en dessous de la plupart de nos alliés - y compris l’Allemagne qui consacre désormais 2 % du PIB à sa défense. L’économie de guerre est bien réelle en Russie, qui lui consacre 7 % de son PIB, mais reste virtuelle dans notre pays, en raison non de la négligence des industriels mais de l’absence d’investissements et de commandes durables de la part de l’État.

La France doit aujourd’hui réarmer si elle veut éviter la guerre. En révisant à la hausse le nombre de ses ogives nucléaires, actuellement de 300, à l’image du Royaume-Uni qui a décidé de les porter de 180 à 260 têtes. En renforçant l’équipement et en dronisant massivement ses forces conventionnelles. En rétablissant le service militaire. En libérant les industries de défense du carcan réglementaire qui bride leur financement comme leur capacité de production et d’innovation. En instituant une préférence européenne pour l’acquisition d’équipements militaires afin de remédier à l’anomalie qui fait que l’Europe ne produit que 20 % des matériels qu’elle achète. Tout ceci implique un effort de défense supplémentaire, qui devrait tendre vers 3 % du PIB. Bien mieux que des discours, un réarmement effectif serait le signal le plus clair et le plus efficace de la volonté de la France et des Français de défendre leur souveraineté et leur liberté face aux autocrates et aux djihadistes.

Nicolas Baverez : «Diplomatie guerrière, armée de temps de paix» (lefigaro.fr)
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