J'ai lu et aimé : "La Démocratie au péril des prétoires" - De Jean-Eric Schoettl

Jean-Eric Schoettl a été un grand magistrat : conseiller d’Etat, il a été secrétaire général du Conseil constitutionnel de 1997 à 2007. Dans « La démocratie au péril des prétoires, de l'Etat de droit au gouvernement des juges » (éd. Gallimard), il livre un ouvrage passionnant, servi par une plume précise, limpide et élégante, et dresse un constat alarmant sur l’évolution du rôle du juge.
En quarante ans, les différents juges – administratif, judiciaire, constitutionnel, européen – ont acquis une emprise très excessive, et parfois déraisonnable, sur la démocratie représentative. Cette emprise a abaissé les pouvoirs législatifs et exécutifs issus de l’élection, limitant sans cesse davantage la souveraineté populaire et anémiant l’autorité publique, argumente l’auteur. Il montre que de nombreux jugements sont rendus par des juges qui ne se contentent pas d’appliquer la loi, mais qui la réécrivent suivant leur idéologie.


Une fissure s'est ouverte, depuis une cinquantaine d'années, entre juge et démocratie représentative. La montée en puissance du premier anémie la seconde. L'emprise du juge sur la démocratie revêt deux aspects distincts : le droit se construit désormais en dehors de la loi, voire contre elle ; la pénalisation de la vie publique est croissante. Ces deux aspects sont liés car ils conduisent tous deux à la dégradation de la figure du Représentant : le premier en restreignant toujours davantage son champ d'action ; le second en en faisant un perpétuel suspect.Le mal qui ronge aujourd'hui la démocratie paraît se situer beaucoup plus là - c'est-à-dire dans l'abaissement du Représentant, dans le rétrécissement de la souveraineté du peuple, dans la rétraction de l'autorité publique - que dans les réactions allergiques que provoque cet affaiblissement de l'État : abstention, populisme, illibéralisme. Cet ascendant croissant du pouvoir juridictionnel sur les autres a-t-il amené davantage de rigueur et de transparence dans le fonctionnement démocratique ? Il se découvre chaque jour un peu plus qu'il n'a fait que remplacer le caprice du prince par le caprice du juge. D'où la question : que faire pour restaurer une juste séparation des pouvoirs ?


Éditeur ‏ : ‎ GALLIMARD (24 mars 2022)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 256 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2072984262
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2072984266
Poids de l'article ‏ : ‎ 314 g
Dimensions ‏ : ‎ 14 x 2.1 x 20.5 cm


CRITIQUE DE LIVRES - FRONT POPULAIRE

Par Nicolas Granié

La France est cadenassée. Depuis plusieurs années, la démocratie se vide de sa substance. À chaque promesse politique, les Français se demandent si elle n’est pas le fruit de la technocratie française ou de celle de Bruxelles. Ou des deux. À l’évidence, c’est bien le juge qui semble avoir gagné la bataille. En se drapant dans les oripeaux de la protection de l’État de droit, les juges européens et français mettent à mal la décision politique.

Dans La démocratie au péril des prétoires, Jean-Éric Schoettl fournit quelques clefs pour comprendre comment le juge a progressivement mis la main sur la démocratie. Selon lui, quatre phénomènes viennent entacher et remettre en cause la vie démocratique française : « la primauté du droit international et européen », « l’expansion des droits fondamentaux », « la montée en puissance du pouvoir juridictionnel » et « des révisions constitutionnelles contraignant toujours davantage les représentants de la nation ».

1968 ou la remise en question de l’État-gendarme

Au temps de l’Ancien Régime, les Parlements – grands juges d’alors – sont en conflit permanent avec le roi : « À partir du XVIe siècle, ils ne se privent pas de refuser l’enregistrement et d’émettre des ‘remontrances’ s’ils estiment l’acte qui leur est soumis contraire aux lois fondamentales du royaume. » La Révolution se rebellera contre la « judiciarisation » du discours politique déjà perçue par Louis XVI. La séparation des sphères judiciaire et législative, organisée par la loi des 16-24 août 1790, consolidera le pouvoir législatif.

C’est après la Seconde Guerre mondiale que les choses changent. Petit à petit, les élites politiques rendent possible la mainmise du juge sur la démocratie. Selon l’ancien magistrat, « la réaction survient avec 1968 et la fondation du Syndicat de la magistrature ». L’État-gendarme est conspué, l’ordre remis en question, et les droits fondamentaux sacralisés.

« Du caprice du prince au...

La démocratie au péril des prétoires (frontpopulaire.fr)

Voici quelques extraits de jugements "idéologiques":

Des juges définissent la politique climatique…
  • « Il est enjoint au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre […]avant le 31 mars 2022. » (commune de Grande Synthe ; Conseil d’Etat (CE ; 1/7/21)
  • « Il est enjoint à la Première ministre de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre avec la trajectoire de réduction de ces émissions retenue par le décret du 21 avril 2020 […] La Première ministre communiquera au Conseil d’Etat tous éléments utiles de nature à justifier des mesures supplémentaires adoptées pour exécuter la décision du 1er juillet 2021 et à permettre leur évaluation, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024. » (CE ; 10/5/23)
  • « Le règlement (UE) du 19 avril 2023 porte l’objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre assigné à la France de – 37 % à – 47,5 % pour la période 2005-2030. Ces nouveaux objectifs vont rapidement devoir être déclinés par les autorités françaises […] Le ministre met en avant le soutien financier apporté aux filières d’énergies renouvelables, à travers 30 milliards d’euros d’aides entre 2021 et 2026 […] Le haut conseil pour le climat relève un retard dans le déploiement des infrastructures nécessaires au développement des voitures électriques ou hybrides et le caractère insuffisamment ciblé des aides sur les ménages à faible revenus [….] Si le gouvernement fait valoir que ces mesures permettront d’atteindre les objectifs de réduction des émissions, l’évaluation prospective qu’il a produite repose sur des hypothèses de modélisation qui ne sont pas vérifiées […] La décision (du Conseil d’Etat) du 1er juillet 2021 ne peut être regardée comme complètement exécutée. » (CE; 4/8/21).
  • « L’Etat ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l’exécution complète des décisions du Conseil d’Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet […] l’Etat devra verser la somme de 100 000 euros à l’association Les amis de la Terre et 1,1 million d’euros à des associations de surveillance de la qualité de l’air. » (CE; 4/8/21).
 … la politique sociale
  • « Les conditions du marché du travail […] obligent à différer l’application d’un décret sur les allocations-chômage. » [entérinant un accord professionnel] (CE; 22/6/21)
  • « Le fichier d’identité biométrique portant sur la quasi-totalité de la population française et comportant les données requises pour la délivrance du passeport français et de la carte nationale d’identité […] eu égard à la nature des données enregistrées, à l’ampleur de ce traitement, est contraire à la Constitution. » (Conseil constitutionnel (CC) ; 22/3/12)
  • [Pour les militaires] « l’interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer porte atteinte à l’essence même de la liberté d’association. » (Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ; 2/10/14)
… la politique sanitaire
  • « L’article 9 [de la loi du 26/7/21 sur la gestion de la crise sanitaire] crée une mesure de placement en isolement applicable de plein droit aux personnes faisant l’objet d’un test de dépistage positif à la covid-19 […] Cette mesure privative de liberté n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée. » (CC ; 5/8/21)
  • « Réduire le nombre de salariés présents de manière simultanée de telle sorte qu’il ne dépasse pas 100 salariés par entrepôt et ce sous astreinte de 1 181 000 euros par jour et par infraction, à compter de 24 heures. » (Arrêt Amazon ; tribunal judiciaire de Nanterre ; 14/4/20)
… la politique migratoire
  • « La fraternité est un principe à valeur constitutionnelle. Il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national […]. L’aide apportée à l’étranger pour sa circulation n’est pas illicite. Dès lors l’article de la loi « réprimant toute aide apportée à la circulation de l’étranger en situation irrégulière » est contraire à la Constitution. » (CC ; 6/7/18).
… la politique pénale
  • « Les articles de la loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine » [personnes présentant « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive »)]sont contraires à la Constitution. » (CC; 7/8/20).
  • « Les réquisitions du procureur de la République ne sauraient autoriser […] la pratique de contrôles d’identité généralisés dans le temps ou dans l’espace. » (CC; 24/1/17)
  • L’article 41 de la « Loi pour une sécurité globale préservant les libertés » a autorisé le placement sous vidéosurveillance d’une personne en garde à vue « dès lors qu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’elle pourrait tenter de s’évader ou qu’elle représenterait une menace. »… Or la durée d’une garde à vue peut atteindre six jours. Cet article est donc contraire à la Constitution (CC; 20/5/21)
  • « L’interdiction de porter le voile dans une entreprise privée commerciale, même limitée aux contacts avec la clientèle, constitue une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté religieuse. » (Cour de cassation; 22/11/17)
  • La loi anti-casseurs qui permet au préfet de police d’interdire de manifester à un individu ayant participé à des manifestations au cours desquelles ont eu lieu des violences « laisse à l’autorité administrative une latitude excessive dans l’appréciation des motifs susceptibles de justifier l’interdiction. » (CC; 4/4/19)
  • « Le délai [que le Conseil constitutionnel accorde au Parlement], durant lequel les règles en vigueur [sur la garde à vue] continuent à s’appliquer, doit permettre au Parlement de choisir les modifications de la procédure pénale de nature à remédier à l’inconstitutionnalité constatée. » (CC;30/7/20)
  • « L’article 1 de la loi demandant aux hébergeurs ou aux éditeurs d’un service de communication en ligne de retirer certains contenus à caractère terroriste notifiés par l’autorité dans le délai d’une heure est contraire à la Constitution. » (CC;18/6/20)
… les traités
  • « Le juge administratif […] ne saurait exercer un contrôle sur la conformité au droit de l’Union des décisions de la Cour de justice. » [de l’Union européenne] (CE; 21/4/21)


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