Cérémonie d’ouverture JO Paris 2024 : « Panem et Circenses » & « Vanitas vanitatum » - Par Vincent Cespedes, Régis de Castelnau, Céline Pina, Jean-Baptiste Roques, Paul Sugy, Maxime Tandonnet, Bertrand Vergely

Grandiose et somptueuse, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2024 était un spectacle inclusif visant à célébrer la diversité de la France. Les images de Paris ont fait le tour du monde. Une cérémonie qui a cassé tous les codes, au risque de verser inutilement dans la subversion... dans le seul but d’alimenter d’inévitables polémiques ? Bref, une cérémonie pour le meilleur et pour le pire, où d’indéniables moments de bravoure ont côtoyé la laideur la plus convenue. Le reste est affaire de goût.


Olympic Lapalissades – Par Jean-Baptiste Roques pour Causeur

Depuis quelques semaines, les “auteurs” de la cérémonie d’ouverture des JO se réjouissaient bruyamment dans la presse des surprises qu’ils nous réservaient. On devinait même, au fil des interviews des uns et des autres, accordées comme il se doit à la crème des médias bobo, que le metteur en scène Thomas Jolly, l’historien Patrick Boucheron, la romancière Leïla Slimani, la scénariste Fanny Herrero et l’animatrice Daphné Bürki – surtout elle d’ailleurs – éprouvaient un indicible plaisir aristocratique à se compter parmi l’élite sachant déjà tout du spectacle qui serait bientôt diffusé en mondiovision.

Vanitas vanitatum ! Au lendemain de l’événement, force est de constater que ce ne sont pas les petits secrets de ces quelques happy fews auto-satisfaits qui resteront gravés dans les mémoires des téléspectateurs. Les moments les plus marquants des quatre heures de show sont totalement étrangers aux travaux de l’équipe artistique. Car l’idée de faire défiler les 200 délégations nationales à bord de bateaux sur la Seine n’est pas la leur. Pas davantage que celle de faire aboutir le parcours de la flamme olympique au pied d’un ballon stationnaire amarré dans le jardin des Tuileries, lieu de décollage historique des premières montgolfières au XVIIIème siècle.

Pour autant, il faut reconnaître que de nombreuses séquences signées par Joly et ses camarades furent très réussies : le french cancan des danseuses du Moulin rouge sur le quai d’Orléans ; le Ah ça ira ! entonné à bord d’une caraque, ce bateau emblématique de Paris, par la mezzo-soprano franco-suisse Marina Viotti accompagnée du groupe de rock metal français Gojira ; la pièce de ballet contemporain, imaginée par la chorégraphe Maud Le Pladec (directrice du Centre chorégraphique national d’Orléans) et interprétée par 420 danseurs venus des quatre coins de la France devant un Hôtel-Dieu paré pour l’occasion de milliers de bandes dorées et argentées ; le show laser, évoquant les meilleures heures de Jean-Michel Jarre dans les années 80, à la tour Eiffel ; et bien sûr, le point final : Céline Dion chantant L’Hymne à l’amour d’Édith Piaf pour clôturer la soirée de la façon la plus classique et humaine qui soit.

Mais pourquoi diable avoir rajouté, entre ces moments de grâce, tant de séquences pathétiques ? Qui a cru subtil de se moquer lourdement, dans un pays qui a aboli la peine de la mort, de la pauvre Marie-Antoinette, en la montrant décapitée à une fenêtre de la Conciergerie, le lieu même de son abominable martyre ? Comment ne pas se croire en Corée du Nord devant la célébration en carton-pâte des “femmes inspirantes” dont Olympe de Gouge, Gisèle Halimi et Simone Veil ? Et ne parlons pas de l’interminable show LGBT+ sur la Passerelle Debilly. Une consternante démonstration de conformisme woke, avec femmes à barbe de rigueur.

La ville lumière est sans aucun doute un haut lieu du travestissement et de l’excentricité sexuelle. Seulement, le chevalier d’Eon, George Sand, Rrose Sélavy et Michou ont dû se retourner dans leur tombe durant cette bacchanale sans inventivité, qui aurait pu aussi bien se jouer à Las Vegas, Berlin ou Sydney. Cerise sur le gâteau, son point d’orgue fut une parodie kitsch de la Cène de Léonard de Vinci, manière confortable de gifler sa grand-mère et surtout de confirmer combien les rebelles officiels ont besoin du christianisme honni s’ils veulent donner à leur existence plus d’épaisseur qu’un projet marchand de discothèque à plein temps.

Enfin et surtout, si on porte un regard woke sur la cérémonie d’hier, on ne peut que remarquer une chose : les personnes “racisées”, soit les victimes systémiques de l’Occident à en croire les Insoumis, ont presque toutes été employées hier dans les moments faits d’ordre et de solennité : pendant la Marseillaise (interprétée par la talentueuse Axelle Sait-Cirel, d’origine guadeloupéenne), au cours du relais de la flamme final, avec des légendes du sport telles que Zinédine Zidane, Teddy Riner et Marie-José Pérec, mais aussi bien sûr à chaque fois qu’un athlète du Sud global, en costume national pré-colonial, brandissait fièrement son drapeau.

Pas question pour les auteurs de la cérémonie de demander à des non-blancs de se prêter à quelque orgie décadente… Oh pardon, il y avait certes une drag queen noire, mais qui portait, tel un transfuge de race, une perruque blonde ! Bref le message adressé au reste du monde était limpide : nous avons une capitale superbe et accueillante, des traditions magnifiques et universalisables, et une ouverture aux autres inédite dans l’histoire. Mais la population de souche de la ville est au ras des pâquerettes, ne sachant plus où elle habite. Alors, venez vite la remplacer !

Ouverture des JO: Olympic Lapalissades - Causeur


Une si belle cérémonie d’ouverture… malgré quelques fausses notes politiques – Par Vincent Cespedes et Bertrand Vergely pour Atlantico

Atlantico : Avec des milliers d’artistes, des stars de la chanson, la Seine et les monuments emblématiques, la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris vendredi était inédite dans son format, en ville et en extérieur. Quelles ont été les principales symboliques de cette soirée et le sens qui se dégage de la cérémonie d’ouverture ?

Bertrand Vergely : La cérémonie qui s’est déroulée hier soir à Paris à l’occasion de l’ouverture de la 33ème Olympiade a symbolisé l’entrée de l’olympisme moderne dans sa quatrième vie. La première a commencé lorsqu’en 1893 Pierre de Coubertin a eu l’idée de ressusciter les jeux olympiques de la Grèce antique. Le monde s’industrialise. Il faut que la puissance développée par le pouvoir de la technique triomphante soit équilibré moralement. Le sport comme hygiène physique et mentale est le moyen de cet équilibre. Au pouvoir matériel extérieur il oppose un pouvoir matériel intérieur exprimé par la devise que Coubertin propose : Citius. Altius. Fortius. « Plus vite. Plus haut. Plus fort ». La deuxième vie de l’olympisme moderne apparaît avec Jesse Owen aux jeux de Berlin en 1936. Hitler a pris le pouvoir, il veut imposer au monde son idéologie raciste. Jesse Owen, un athlète noir américain, devient champion olympique de sprint. Furieux, Hitler quitte le stade olympique. Au sport comme instrument de puissance matérielle s’oppose le sport comme expression de l’humanisme universaliste. La troisième vie de l’olympisme moderne apparaît quand en 1964 l’Asie organise les jeux à Tokyo. La frontière du monde n’est plus à l’Ouest en Californie. Elle est passée de l’autre côté du Pacifique en Extrême Orient qui incarne la nouvelle puissance, transfert confirmée par les jeux de Séoul en Corée du Sud en 1988 et ceux de Pékin en Chine en 2008. À Paris, hier soir, les Jeux sont entrés dans leur quatrième vie incarnée par la puissance du sociétal. Le monde est divisé au sujet de la liberté. Paris 2024 a choisi son camp : liberté individuelle totale. Égalité absolue aussi. Il y a eu l’humanisme industriel, l’humanisme antitotalitaire et l’humanisme géopolitique. L’heure est aujourd’hui à l’humanisme sociétal.

Vincent Cespedes : Les JO, c'est la grande fête du capitalisme déguisée en célébration universelle. Dans leur critique de l'industrie culturelle, Adorno et Horkheimer auraient vu cette cérémonie comme une manifestation ultime de la culture de masse, une distraction sophistiquée pour apaiser les masses et détourner l'attention des véritables problèmes sociaux et économiques. La Seine, les ponts et les monuments emblématiques deviennent des outils d'une mise en scène savamment orchestrée, qui fait de Paris un décor de carte postale pour un spectacle mondial. Un spectacle où l'histoire et la culture sont transformées en marchandises, consommées en quelques heures par des millions de téléspectateurs.

Tout en célébrant l'unité et l'excellence, cette cérémonie me semble une tentative de masquer les fractures profondes de notre société. Jean-Marie Brohm, philosophe critique des sports de masse, démontre que les JO servent à légitimer des politiques néolibérales et à détourner l'attention des inégalités sociales. La diversité affichée et les performances artistiques grandioses masquent une réalité où le sport et la culture sont instrumentalisés pour des gains politiques et économiques.

La traversée de la Seine par les délégations s'achève devant le Trocadéro dans une explosion de lumière et de spectacle. Une fin en apothéose qui pourrait être perçue comme l'apogée du « panem et circenses » moderne, une distraction sophistiquée pour éviter une réflexion critique sur les problèmes structurels de notre société. L'Empire romain organisait déjà des jeux dans ce sens. Aujourd'hui, Paris 2024 suit cette tradition de recour au spectacle pour unir momentanément une population divisée, tout en cachant les véritables fractures sociales. Il s'agit bien d'une utilisation de la culture et du sport comme instruments de contrôle social. Derrière les jeux de lasers et les performances éclatantes, une interrogation persiste : jusqu'où la culture peut-elle être instrumentalisée avant de perdre son essence critique et transformative ?

Atlantico : Quelles ont pu être les fausses notes « politiques » de la cérémonie des JO ?

Bertrand Vergely : Les jeux olympiques sont un moment de trêve où par principe, depuis l’Antiquité, on cesse de se faire la guerre sous toutes ses formes. Or hier soir, en raison de messages sociétaux éminemment politiques qui ont été lancés, cette trêve n’a pas été respectée. Parmi les danseurs sur la Seine, il y avait une femme à barbe. Le couple choisi pour pénétrer dans le Louvre était un trouple. Le rappel de la Révolution Française sur les murs de la Conciergerie s’est fait dans un déluge de sang inondant sa façade au son du chant « Ah ça ira les Aristocrates on les aura ». Imagine de John Lennon a été présenté comme une chanson anticapitaliste. Le serment olympique s’est fait au nom de l’inclusion. Le sociétal est aujourd’hui l’idéologie dominante qui donne la note. En insistant lourdement afin de se rappeler à nos esprits, comme à son habitude, sous prétexte de ne pas diviser et d’inclure, il a attaqué, transformant les Jeux en un outil insidieux de propagande politique.

Vincent Cespedes : La culture, vendue comme un ticket d'entrée pour le paradis du capitalisme. Des millions pour des feux d'artifice alors que les hôpitaux manquent de lits – cherchez l'erreur ! Les Jeux de Paris, où comment transformer une ville en vitrine de luxe au détriment de ses habitants. Détaillons. Bien que louable en apparence, la mise en scène de la diversité culturelle peut être perçue comme une forme de nationalisme déguisé qui masque les inégalités tout en servant des fins politiques, mais aussi d'appropriation culturelle : les éléments culturels sont présentés de manière superficielle, réduits à des symboles esthétiques sans profondeur ni respect pour leur signification d'origine, les communautés représentées ne sont pas toujours impliquées de manière significative, et les bénéfices de la commercialisation de ces éléments ne reviennent pas aux communautés d'origine. Les coûts élevés de l'événement me scandalisent aussi, dans un contexte de crises économiques et de réductions budgétaires, et cela reflète bien une déconnexion des réalités sociales et économiques. De plus, malgré les initiatives écologiques mises en avant, l'impact environnemental des JO soulève des accusations légitimes de « greenwashing ». Les transformations urbaines nécessaires ont exacerbé les tensions sociales, et entraîné des hausses de loyers et une gentrification, au détriment des résidents les plus vulnérables. Enfin, la participation de certaines célébrités et la politisation implicite de leurs performances relancent le débat sur l'indépendance artistique et la manipulation politique. La diversité mise en scène ressemble plus à un costume de carnaval qu'à une véritable inclusion. Ces éléments rappellent les tensions inhérentes à l'organisation de tels événements de masse, où les enjeux de représentation, de financement et d'impact social et environnemental sont inévitablement mis en lumière.

Atlantico : Qu’est-ce que cette cérémonie nous dit de la France ? Cette cérémonie peut-elle réconcilier les Français avec les Jeux olympiques et mettre fin au JO bashing ?

Vincent Cespedes :
La France se montre ici comme un pays cherchant désespérément à réaffirmer sa place sur la scène mondiale, tout en luttant contre les critiques internes liées aux dépenses publiques exorbitantes et aux impacts sociaux et environnementaux des Jeux. Si cette cérémonie a pu impressionner par son innovation et son spectacle, elle n'adresse pas les préoccupations profondes des citoyens concernant l'usage des ressources publiques et les répercussions à long terme sur les communautés locales. En définitive, cette cérémonie, loin de réconcilier, risque de renforcer la perception d'un décalage entre les élites dirigeantes et le public. L'orchestration grandiose ne suffit pas à colmater les brèches sociales.

Bertrand Vergely : Cette cérémonie a montré que la France est capable de bien faire les choses en réussissant un pari qui semblait impossible parce que risqué. La France a vu grand. Elle a vu large. Elle a été la plus habile, la plus forte, la plus grande pour reprendre les mots de Coubertin. En exécutant un coup de maître, elle a hissé l’excellence française ainsi que son professionnalisme sur les sommets de l’Olympe. De ce point de vue, elle a réussi à balayer le scepticisme des inquiets qui prévoyaient le pire à savoir un attentat. Cette prouesse toutefois n’a pas convaincu tout le monde puisque seuls trois français sur quatre ont aimé la cérémonie d’ouverture. Celle-ci n’y est pour rien. On ne pourra jamais empêcher le rejet des cérémonies et des grands événements collectifs. Il suffit qu’il y en ait pour que tout de suite des esprits s’élèvent contre. Trop de monde. Trop de lumière. Trop de bruit. Trop grand. Trop fort. Trop. Hier soir, tout était trop. C’est ce qui était génial. Il fallait oser. La cérémonie d’hier soir a osé. Tout le monde n’aimant pas le trop, prendre ce risque, c’était forcément prendre celui de déplaire,

Atlantico : Cette cérémonie peut-elle générer de l’engouement autour du sentiment national, de la fierté de la France, d’être Français et de son rayonnement ?

Vincent Cespedes : La France sur scène, mais les acteurs sociaux en coulisses... Pour répondre plus sérieusement à cette question, il est essentiel d'examiner les fondements philosophiques et sociopolitiques de tels événements. D'une part, cette cérémonie a certainement le potentiel d'engendrer un engouement momentané autour du sentiment national grâce à l'exposition mondiale de la culture française. L'histoire regorge d'exemples où des événements spectaculaires ont renforcé le sentiment national : le couronnement de Napoléon en 1804, la construction de la Tour Eiffel pour l'Exposition universelle de 1889, ou encore la victoire de la Coupe du Monde de football en 1998. Ces moments de fierté collective ont souvent servi à unifier la nation et à projeter une image de grandeur sur la scène internationale. Cependant, la critique philosophique du spectacle sportif, notamment celle de Guy Debord dans « La Société du Spectacle », et de moins connus comme le philosophe hongrois György Lukács, nous pousse à nuancer cette vision. Debord soutient que le spectacle n'est pas seulement une collection d'images, mais une relation sociale entre des personnes, médiatisée par des images. Ainsi, la cérémonie des JO pourrait être vue comme une fabrication d'une réalité consensuelle, détournant l'attention des vrais problèmes socio-économiques. Jules Boykoff, ancien athlète de haut niveau, et professeur de sciences politiques à Pacific University, Oregon, critique frontalement le spectacle sportif et les JO. Dans ses travaux, il avance que les Jeux Olympiques exacerbent les inégalités sociales et économiques en déplaçant les communautés vulnérables et en détournant les fonds publics des besoins essentiels vers des projets de prestige. Les exemples des JO de Rio 2016 et de Tokyo 2020 illustrent bien ces dynamiques, où les promesses de revitalisation urbaine et d'inclusion sociale ont souvent été suivies par des rapports de corruption, des expulsions forcées et des coûts faramineux pour les contribuables. Paris 2024 ? La grandeur de la France illuminée pour un soir, mais qu'en est-il des lendemains ? Une soirée de gloire nationale ne résout pas les problèmes du quotidien. Le monde regarde, mais qu'y voit-il vraiment ?

Bertrand Vergely : La fierté d’être français a commencé avant la cérémonie. La télévision a montré la foule qui, partout en France, se préparait à la fête. Le fait de pouvoir préparer cette fête était déjà une fête. En regardant cette foule en liesse, on avait le sentiment que, pour un temps, les divisions de la société française n’existaient plus et que, sans honte, sans gêne, sans culpabilité, les français étaient fiers d’être ce qu’ils sont à savoir français. Les français aiment la France, beaucoup plus qu’on ne le pense. Seulement, ils n’ont pas le droit de le dire. Une intimidation politique interdit de le dire en se servant de cette interdiction comme levier de pouvoir afin de cliver. Il existe bien évidemment une fierté imbécile et on a raison de la rejeter. Mais toute fierté n’est pas bête. Au contraire. Il est beau de dire à quelqu’un que l’on est fier de lui. C’est une façon de lui dire qu’on l’admire en le remerciant pour ce qu’il fait. Hier soir, des hommes et des femmes se sont dépensés sans compter pour que la cérémonie soit une réussite. Plus de 45000 bénévoles venant de partout en France, se sont engagés pour apporter leur aide au bon déroulement des Jeux. Ils méritent que l’on soit fier d’eux. La France mérite que l’on soit fière d’elle et de ce qu’elle est capable de donner. Être ainsi fier d’elle, est la plus belle manière d’avoir de la gratitude et de lui dire merci en reconnaissant l’effort, la peine, l’engagement de tous ceux et de toutes celles pour que cette soirée reste dans les mémoires.

Atlantico : Quel bilan tirer des prestations artistiques des chanteurs du monde entier avec Céline Dion, Lady Gaga, Aya Nakamura (avec la garde républicaine), Gojira (et le tableau sur la Révolution) et des images fortes de la cérémonie comme les jeux de lumières sur la Tour Eiffel, la vasque finale qui s’est élevée dans le ciel de Paris sur le plan symbolique, pour la francophonie, les arts et la culture ?

Vincent Cespedes : Les prestations artistiques ont été à la hauteur des attentes, et ont offert une fusion spectaculaire de la culture française et de la diversité mondiale. Aya Nakamura, accompagnée de la Garde Républicaine, a livré une performance enthousiasmante recyclant la « vibe » urbaine et l'héritage musical français. Malgré les controverses et les attaques racistes, sa présence a été un symbole puissant de liberté et de diversité, qui rappelle que la France moderne est un carrefour de cultures et d'identités. Légende de la chanson francophone, Céline Dion a également marqué la cérémonie avec une performance poignante. Son retour sur scène a été salué comme un moment fort, qui renforce les liens culturels entre la France et le Québec. Lady Gaga, avec son style unique et provocateur, a ajouté une dimension internationale et inclusive à l'événement, tandis que Gojira, avec leur tableau sur la Révolution française, a apporté une touche de puissance et d'authenticité à la soirée. Les jeux de lumières sur la Tour Eiffel et la vasque finale s'élevant dans le ciel de Paris ont offert des images inoubliables, symboles à la fois la grandeur historique de la France et son avenir prometteur. Mais ces éléments visuels, bien que spectaculaires, doivent être analysés à la lumière des critiques philosophiques. Marcello Veneziani, philosophe italien, critique ces événements comme des « spectacles d'illusion » qui masquent les vrais enjeux et transforment la culture en produit de consommation. Si la cérémonie a réussi à projeter une image forte et diversifiée de la France, elle n'en reste pas moins un miroir des tensions et des contradictions du pays. Les performances artistiques ont démontré la richesse culturelle et l'ouverture de la France, mais elles soulèvent également des questions sur l'instrumentalisation des arts à des fins de propagande. Le véritable impact de ces prestations résidera dans la capacité de la France à engager un dialogue loyal et transparent sur les enjeux sociaux et culturels au-delà du spectacle.

Bertrand Vergely : La cérémonie a réussi à être un show et pas simplement une cérémonie en donnant au public les artistes qu’il aime : Lady Gaga, Céline Dion, Aya Nakamura, mais aussi le style qu’il aime, essentiellement un style dit de la rue, un street style, à travers les danses et les tenues. On voulait célébrer l’époque, la jeunesse, le sociétal comme au-delà du sport lui donnant du sens ? Le moins que l’on puisse dire est que l’objectif est atteint. Il est même réussi au-delà des espérances. Tellement réussi d’ailleurs que l’on peut s’interroger. Que devient le sport ? Existe-t-il encore ? Hier soir, derrière le grandiose et le show ébouriffant, n’a-t-on pas assisté à son éclipse, à son retrait, à son effacement, à sa fin du fait de Paris tout puissant, du sociétal mondialisé et du politique omniprésent ? La gloire qui signe le triomphe signe aussi le début du déclin. Quand on a été plus loin, plus grand et plus fort où peut-on aller ? Il est beau de gravir l’Olympe. Et après ? Il y a le 26 Juillet à Paris 2024. Après cette réussite hors norme, qu’est-ce que Los Angeles va pouvoir faire ?

Atlantico : Quel peut être l’impact de la cérémonie à l’international sur l’image de la France ?

Bertrand Vergely : Hier soir Paris a bluffé le monde. En le bluffant, la France ayant fantastiquement bien vendu la France à travers une opération de communication spectaculaire, son image va exploser positivement. Le monde, qui a rêvé grâce à la France, va avoir envie de France. Aussi va-t-il falloir assurer comme on dit, en démontrant que l’on est capable d’être, dans tous les domaines à la hauteur ce qui a été montré. Il va d’abord falloir le montrer en gagnant non seulement des médailles, mais beaucoup de médailles. Il va par ailleurs falloir le montrer en réussissant à accueillir tous les visiteurs qui vont venir en leur laissant le meilleur souvenir possible. Il va falloir enfin montrer que le savoir-faire français réside non seulement dans l’organisation d’une fête, mais aussi dans tous les domaines de la vie économique, technique, scientifique, culturelle et morale. Cela n’étant pas gagné, le plus dur reste à venir. Restant à venir, il va y avoir du sport.

Vincent Cespedes : L'impact de la cérémonie sur l'image internationale de la France est double : elle projette une image de diversité, d'innovation et de modernité, mais soulève également des critiques sur l'instrumentalisation du spectacle. D'un côté, la décision audacieuse de tenir la cérémonie le long de la Seine, de faire ainsi de Paris un théâtre en plein air, a été saluée comme une innovation majeure. Cette mise en scène a permis de montrer les monuments emblématiques de Paris sous un nouveau jour, ce qui renforce l'attrait touristique et culturel de la ville. La performance de Céline Dion, chantant « L'Hymne à l'amour » d'Édith Piaf au pied de la Tour Eiffel a été particulièrement appréciée et a rappelé les liens culturels profonds entre la France et le Québec. Cependant, la grandeur de ce spectacle ne doit pas faire oublier les critiques fondamentales, et l'importance de rester vigilant face à l'instrumentalisation des arts et du sport à des fins politiques. Quand la Seine devient une scène, Paris oublie ses quartiers. Quand la Tour Eiffel scintille, les loyers grimpent. Quand la culture devient une marchandise, la fierté nationale devient une transaction commerciale.

JO Paris 2024 : une si belle cérémonie d’ouverture… malgré quelques fausses notes politiques | Atlantico.fr

Ces images que la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024 aurait pu nous épargner - Par Paul Sugy FigaroVox

Promis, Martin Fourcade, on a essayé. Mercredi, le biathlète français et quintuple champion olympique rappelait à l’ordre tous les grincheux de France et de Navarre : «Hello, ça vous dit on fait aussi une trêve olympique et on essaye de s'aimer et de se respecter pour les 15 prochains jours ?». Au village d’Astérix, les bagarres sont une tradition bien gauloise, alors après tout, ces JO de Paris 2024 auraient bien mérité qu’on laisse un peu de côté les polémiques, n’est-ce pas ?

C’était sans compter le parti-pris subversif assumé d’une cérémonie d’ouverture dont le spectacle grandiose fera difficilement oublier les nombreuses incartades idéologiques. Comme si, au moment de célébrer sa fierté et son histoire, la France ne pouvait s’empêcher de puiser dans ses entrailles révolutionnaires l’esprit de provocation et de discorde qui alimente depuis la nuit des temps ses propres paradoxes - et ses divisions.

Alors voici, pêle-mêle, le flop de ces images que les organisateurs des jeux olympiques auraient pu nous épargner - du moins s’ils avaient tenu à maintenir intact l’esprit de concorde propre aux valeurs olympiques.
  • Un plan à trois en mondovision.
La France, «pays de l’amour», a proclamé fièrement Tony Estanguet dans son discours à l’issue de la cérémonie d’ouverture. Comme si le commentaire aux accents résolument queer de France Télévisions n’avait pas suffisamment insisté sur la pluralité des formes amoureuses, les images de trois danseurs entamant une parade nuptiale dans des marches d’escalier sont soudain apparues sur les écrans des téléspectateurs : l’amour à deux, c’est ringard. Et Paris est une fête, n’est-ce pas ?
  • Une Marie-Antoinette décapitée portant sa propre tête dans ses mains
Nourrie par les conseils avisés de l’historien Patrick Boucheron, ennemi déclaré du «roman national» français et de toute forme de célébration de l’héroïsme français, la cérémonie a toutefois fait une exception dans son souci de ne pas célébrer les grandes heures de l’Histoire. Certes, Jeanne d’Arc, les Poilus de la Grande Guerre ou Napoléon sont restés au placard, mais il y a tout de même une héroïne de l’Histoire qu’on ne pouvait pas passer à la trappe : la guillotine, bien sûr. 3

Alors soudain, aux fenêtres rouge sang d'une Conciergerie aux couleurs révolutionnaire, là même où la reine Marie-Antoinette fut emprisonnée pendant la Révolution française alors que le célèbre monument de l'Île de la Cité était encore une prison, a résonné le chant des sans-culottes. Un «ça ira» entonné par une diva... déguisée en Marie-Antoinette, portant dans ses mains sa propre tête décapitée. Une évocation sans fausse pudeur de la violence révolutionnaire, dont le double régicide en 1793 fut l'apothéose. Un surprenant hommage rendu à la fièvre révolutionnaire en cette année 2024 où la France pleurait, en février, la mort de Robert Badinter, instigateur de l’abolition de la peine de mort...
  • Une parodie de la Cène avec des drag queen en lieu et place des apôtres
Comme l’ont rappelé les caricatures de personnages célèbres disséminées sur les bords de Seine, la France est aussi le pays de la satire et de la moquerie. À condition, bien sûr, de ne pas trop sortir des clous : seule l’iconographie chrétienne aura eu droit aux faveurs d’une parodie burlesque, avec la reconstitution d’une Cène pour le moins baroque, impliquant des drag queen en lieu et place des apôtres et du Christ immortalisés notamment par Léonard de Vinci.

Le principal objectif de cette provocation, dont le mauvais goût contrastait avec le grandiose du reste de la cérémonie, fut bien sûr atteint sans peine : ça fait râler les fachos... C’est bien à ça que ça sert, n’est-ce pas ? Ainsi la députée européenne Marion Maréchal s’est-elle fendue d’un tweet désolé : «À tous les chrétiens du monde qui regardent la cérémonie d’ouverture et se sont sentis insultés par cette parodie drag queen de la Cène, sachez que ce n'est pas la France qui parle mais une minorité de gauche prête à toutes les provocations».
  • Le geste provocateur des athlètes algériens
Soucieux sans doute de ne pas laisser aux organisateurs de la cérémonie le monopole du scandale, les athlètes de la délégation algérienne s’en sont mêlés aussi, en jetant des fleurs dans la Seine lors de leur passage en bateau sur le fleuve parisien, à l’endroit où la répression policière s’était abattue sur les manifestants du FLN bravant le couvre-feu, le 17 octobre 1961, pour manifester contre l’Algérie française. Était-ce le lieu et le moment de rappeler l’histoire conflictuelle qui oppose les deux pays ?
  • La récupération politique d’Aya Nakamura
C’est peu dire que la participation d’Aya Nakamura déchaînait depuis longtemps déjà les passions. Afin d’être bien sûr de les attiser une dernière fois, les organisateurs ont eu l’idée de faire sortir la chanteuse de... l’Académie française, dans une mise en scène qu’il est difficile de ne pas interpréter comme une réponse aux polémistes qui critiquaient le faible rapport qui existe entre la langue française et les paroles de l’interprète de «Djadja» et de «Pookie» (ne cherchez pas dans le dictionnaire...). Mais bon, «y’a du rythme, y’a d’la vitalité», après tout.

Alors pour enfoncer le clou, Aya Nakamura a été priée de se mêler à l’orchestre de la garde républicaine. Histoire de les décoincer un coup, peut-être ? Ca a en tout cas beaucoup plu à Emmanuel Macron, qui s’est fendu d’un message laconique reprenant l’image contrastée : «en même temps». Pensée complexe... ou kamoulox ?
  • Philippe Katerine, le schtroumpf en slip
S’il fallait finir sur un choix iconographique qui enterre définitivement l’unité esthétique de la cérémonie, la médaille d’or du mauvais goût revient sans doute au chanteur Philippe Katerine, en tenue d’Adam et la peau bleue, campé en bouffon décadent avachi sur un pont dans une atmosphère bacchanale à laquelle, à vrai dire, personne n’aurait pu s’attendre.

Ces images que la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024 aurait pu nous épargner (lefigaro.fr)


Commentaires décalé – Par Maxime Tandonnet pour Mon Blog Personnel

Pour être franc, je n’y étais pas et je n’étais même pas devant la télévision. Depuis mon rocher sur l’océan, je commente ce matin à partir des reportages et multiples vidéos…Impossible de passer à côté d’un phénomène de société… Les avis se répartissent sur un mode assez classique! Les médias et la plupart des éditoriaux (sauf exceptions), sont presque unanimes pour crier au génie, au sublime et au merveilleux. Les commentaires de particuliers sont plus partagés, oscillant entre l’euphorie et la condamnation d’un spectacle ressenti comme décadent. Personnellement (pardon, il faut bien parler sentiment personnel dans ce genre de circonstances), je me situerais sur le plan du goût, et non de l’idéologie. Ce genre de spectacle médiatique, grandiloquant, monumental, colossal m’indiffère toujours au plus haut point. Je préfère l’intimité d’une salle de concert ou de cinéma ou de théâtre, encore mieux la solitude d’un bon livre, au style du show grandiose et titanesque. C’est ainsi, je n’y peux rien, c’est dans mon caractère et aucune insulte ni mépris ne me fera changer. Et puis, je déplore l’hypocrisie du message: la cérémonie est censée être un moment d’unité nationale. Alors pourquoi cracher sur les chrétiens (encore 20% des Français) en caricaturant la Cène? Eh oh, les courageux provocateurs, vous feriez la même chose avec une autre religion? Et sublimer la décapitation de Marie-Antoinette? Vous trouvez cela bien, une « étrangère », arrachée à ses enfants dans sa geôle, pour être martyrisée devant la foule? Et quel rapport avec le sport? Les JO servent toujours de prétexte à une forme d’exaltation idéologique, qu’ils se déroulent à Berlin 1936, à Moscou en 1980 ou à Pékin en 2008. Et toujours, le principe d’une mise en scène mirifique pour couvrir les ténèbres ou ou le malheur des temps. Ainsi, la cérémonie d’ouverture des JO 2024 célèbre la « déconstruction », comme valeur emblématique de la France macronienne.

Cérémonie ouverture JO, commentaire décalé | Maxime Tandonnet – Mon blog personnel (wordpress.com)


Sortir de l’Histoire en bateaux- mouche – Par Régis de Castelnau pour Vu Du Droit

Je n’ai pas regardé la « cérémonie » d’ouverture de la foire olympique. Faut quand même pas déconner.

Assister à un spectacle dispendieux scénarisé par Patrick Boucheron et Thomas Jolly, pour permettre au psychopathe de l’Élysée de se mettre en scène, désolé il y a des limites au masochisme. On savait parfaitement qu’on allait y retrouver cette culture extraordinairement « basse, vulgaire, clinquante comme des verroteries d’explorateurs » qu’un Occident globalisé ayant arraché ses racines, essaye d’imposer au monde.

Manifestement, ça n’a pas raté. Boucheron et Jolly nous ont offert de façon très prévisible ce qu’il fallait de modernité jobarde et conformiste assortie de quelques provocations woke en direction du public américain pour lui dire : « comme le dit JD Vance, nous sommes des « clients serviles », mais regardez, nous sommes capables d’être aussi cons que vous. » Jusqu’au passage de la péniche des États-Unis saluée d’incroyables spasmes d’adoration soumise, par les commentateurs télévisés.

Mais on a quand même eu une jolie bouffée de joie mauvaise. Avec le « blasphème » de la reproduction woke de la cène chrétienne. C’était passablement dégoûtant, mais c’est tellement bien fait pour les cathos. Qui opposent à toutes ces dérives un pieux silence complaisant et lâche. Et qui encore une fois vont ravaler leur humiliation sans rien dire.

Je ne vais pas non plus m’intéresser à la partie sportive et pourtant j’ai toujours adoré le sport en général et l’olympisme en particulier. Mais en paraphrasant Philippe Bordas je dirais que « l’olympisme n’a duré qu’un siècle. Ce qui s’appelle encore l’olympisme et se donne en spectacle n’est que farce, artefact à la mesure d’un monde faussé par l’argent, la génétique et le bio-pouvoir. »

La dernière fois que j’ai regardé une cérémonie d’ouverture c’était celle des jeux de Pékin en 2008. Le message envoyé au monde était limpide. C’était celui de Fernand Braudel dans son « Histoire des civilisations » :

« Imaginez une civilisation continue à l’autre bout du monde, inchangée depuis des millénaires, gouvernée par des dynasties impériales plus grandes que celles de Rome, ignorant la philosophie grecque, l’alphabet, la démocratie, le christianisme, l’individualisme, la féodalité, la Renaissance ou les Lumières, dont le peuple surpasse le nôtre en intelligence et dont les institutions surpassent les nôtres en efficacité. Imaginez-le prospérer aujourd’hui, nous dépassant dans tous les domaines d’activité ».

Et pendant ce temps, entre deux bredouillis de Biden, notre empereur à nous qu’on a, nous réélisons Macron et contemplons ravis le spectacle de notre sortie accélérée de l’Histoire.

Dans un défilé de bateaux-mouches, nous n’avons rien d’autre à raconter au Monde que notre soumission.

Sortir de l'Histoire en bateaux-mouches - Vu du Droit


« Dieu réunit ceux qui s’aiment » - Par Paul Sugy (Facebook)

Une fois retombées les dernières paillettes, dissipés les ultimes scintillements, on essaie confusément de rassembler ce que l’on a pu voir. La tâche est rude tant cette cérémonie d’ouverture a brillé dans ce qu’elle avait de flamboyant. Le spectacle a séduit la presse du monde entier et ses notes finales ont, je crois, suscité un enthousiasme unanime - et mérité.

À tel point qu’on a des remords à l’idée de briser cette ferveur générale. On aurait tort pourtant d’euphémiser l’importance de ce qui s’est joué sous nos yeux hier soir : jamais sans doute depuis un siècle la France n’avait-elle eu l’opportunité d’offrir à l’humanité pareille démonstration de ce qu’elle pense être, et de ce qu’elle veut lui offrir.

Aussi les obscénités répétées, l’une d’elles confinant même au blasphème aux yeux de nombreux chrétiens, sont-elles sans doute à prendre au sérieux. Il ne s’agit pas tant ici de déplorer l’offense : le Jésus de la Cène est celui qui, l’instant d’après, ordonne à l’apôtre de remettre l’épée au fourreau. Et l’iconographie chrétienne par excellence, dans le symbole de la croix, célèbre un Dieu outragé. Il n’y a que certains mahométans de nos jours pour croire encore que les dieux ont soif d’être vengés… et on n’aura pas attendu les vedettes drag de l’audiovisuel public pour cracher sur le Christ.

Il s’agit surtout d’un geste d’insolence et de désacralisation adressé par l’élite culturelle d’une nation à sa propre plèbe : nous brûlons ce que vous adoriez, nous piétinons ce que vous aviez élevé. L’intention tacite, qu’avec leurs gros sabots les thuriféraires de la déconstruction woke auront tôt fait d’éventer, est évidemment de faire hurler en chœur les réacs, comme on agace le taureau en agitant la muleta. De ce point de vue, c’est réussi.

Mais c’est là justement qu’est le paradoxe. Voici une cérémonie qui se veut inclusive et entend rendre fier tout un pays en célébrant sa diversité, et où pourtant beaucoup ne se sont pas reconnus - même quand ils en ont fait sincèrement l’effort.

Je vois au moins deux raisons à cela, et la première est historique. Elle vient de ce que la nation que l’on fêtait hier a été amputée de quinze siècles d’histoire pour naître fictivement dans le régicide sanglant de 1793, qu’une cantatrice écarlate rappelait en singeant Marie-Antoinette portant sa tête décapitée et chantant « Ça ira ». Obnubilés par l’inspiration qu’ils puisaient dans la commémoration du bicentenaire de la Révolution, les scénaristes ont de nouveau confondu le peuple avec la fiction politique par laquelle l’imaginaire révolutionnaire, sanctuarisé depuis par la gauche marxiste, l’a remplacé. Mais pas plus que les chouans de Philippe de Villiers, les sans-culottes de Patrick Boucheron ne peuvent prétendre à eux seuls incarner le peuple, fût-ce même par métonymie.

L’erreur vient aussi que l’historiographie de gauche a trop souvent confondu le peuple et Paris, et de ce point de vue la cérémonie d’hier en fut de nouveau un vibrant exemple. Reste que pour éviter l’écueil, il n’aurait pas été inutile d’élargir le champ à ce que les scénaristes tiennent sans doute pour de la Préhistoire : les sacres de Reims ou la chevauchée de la Pucelle, par exemple ? Autant de récits dans lesquels les puissants et les humbles avaient conscience d’écrire ensemble les pages d’une même histoire.

Mais Patrick Boucheron l’a dit : il ne voulait pas refaire le Puy du Fou. Soit, ce n’était du reste pas le lieu. Je l’entends en revanche se vanter ce matin sur France Inter d’avoir « restauré une fierté pour ce pays, pas pour son identité, mais pour son projet politique ». C’est là qu’est la seconde erreur, car nous avons assisté hier à l’inverse exact de cette ambition.

La cérémonie d’ouverture des JO était profondément identitaire ; elle n’était même presque que ça, et cette horizontalité obsédante, ce souci maladif de célébrer à tout prix la diversité des identités, l’a justement empêchée d’exalter quelque projet politique que ce soit - sinon que justement de célébrer, en les juxtaposant, les identités.

Une à une, toutes les affirmations identitaires nous ont donc été servies : évidemment celles de la culture queer et des minorités sexuelles, qui ont donné plus souvent qu’à leur tour une allure de gay pride au défilé, des saltimbanques du Pont Neuf aux mannequins travestis de la passerelle Debilly en passant par le plan à trois dans les escaliers de la BnF. Aux identités queer se sont mêlées les revendications féministes, pour une « sororité » censée déjouer l’invisibilisation des femmes en dévoilant des statues en hommage à plusieurs d’entre elles (dont nécessairement la plupart furent surtout de grandes figures de la gauche). Les métissages enfin, et la célébration de l’immigration avec la vedette franco-malienne Aya Nakamura que l’on fait surgir de l’Académie française pour mieux souligner combien ses borborygmes n’ont rien à envier au reste de notre littérature.

Chacun de ces tableaux était foncièrement identitaire ; mais comme le parti-pris subversif était ici de célébrer les identités marginales en reléguant la culture dominante aux oubliettes, les chefs d’orchestre de ce spectacle aux allures de revendication politique passent pour progressistes.

Et sans doute avaient-ils le souci sincère de mettre en scène le peuple, voire de lui rendre hommage. Peut-être en définitive que cette recherche ne saurait être qu’une éternelle impasse. Qu’est-ce au fond que le peuple, et qui saura suffisamment le saisir pour prétendre le représenter ?

À deux reprises l’horizontalité du spectacle fut suspendue, le temps d’un moment de grâce. D’abord sur l’Île de la Cité, lorsqu’au son des outils les artisans de Notre-Dame ont dansé leur chorégraphie depuis les échafaudages de la cathédrale. Comme le symbole qu’un véritable projet commun porté d’un seul élan par tout un peuple sait, bien mieux que toutes les tentatives de représentation, exalter ce à quoi sans doute aspire l’âme populaire : s’exprimer à travers une quête qui la transcende.

Enfin bien sûr, et c’est le bouquet final en vertu duquel tout le reste est pardonné, quand Céline Dion entonne Piaf du haut de la Tour Eiffel, majestueuse et verticale. Il y avait quelque chose d’aristocratique dans ce dernier tableau, dans cette diva en majesté élevée loin de la foule, en surplomb de ses sujets, mais les réconciliant tous sans chercher à ressembler à un seul d’entre eux : « Dieu réunit ceux qui s’aiment ».

Et si ce n’est Dieu, ce sera la grandeur et le sacré, à défaut de mieux, mais certainement pas ce souci contemporain de vouloir tout montrer, au risque de tout exclure.


Conclusion : Le reste est affaire de goût – Par Céline Pina (Facebook)

Il y a eu de beaux moments lors de cette cérémonie d’ouverture des #JO dont j’ai regardée nombre d’extraits très loin de la France.

J’ai trouvé le pont d’Austerlitz enflammé, magnifique ; le cheval sur l’eau extraordinaire ; la flamme dans la montgolfière , superbe et impressionnant ; Celine Dion et la jeune soprano qui chantait la Marseillaise toutes deux très émouvantes ; le passage de relais de Charles Coste à Teddy Riner, touchant.

Mais j’ai aussi trouvé la parodie de la Cène inutile et vulgaire. Cependant, même si les catholiques sont agacés, personne ne tuera pour cela et c’est ce qui compte. La décapitation était de fort mauvais goût mais très bien réalisée techniquement et fort spectaculaire. Ce rouge qui débordait des fenêtres de la conciergerie et ce groupe à l’énergie communicative a quand même bien capté mon attention. Quant au show Aya Nakamura/ Garde républicaine, il était un peu « malaisant », mais pas de quoi grimper au cocotier pour crier d’indignation.

Dans l’ensemble cette cérémonie avait vraiment de l’allure et les concepteurs ont montré créativité, talent et savoir-faire.

Je suis surtout heureuse que tout cela se soit déroulé sans incident ni drame. Là était l’essentiel. Le reste est affaire de goût.
https://pourunenouvellerepubliquefrancaise.blogspot.com/https://grandeschroniquesdefrance.blogspot.com/https://parolesdevangiles.blogspot.com/https://raymondaronaujourdhui.blogspot.com/

#JeSoutiensNosForcesDeLOrdre par le Collectif Les Citoyens Avec La Police