JO 2024 : un fiasco en matière de libertés publiques ? - Par Thibault Mercier

A quoi bon imposer des QR codes qui collectent les données privées si la police n’est même pas équipée de lecteurs ?


Atlantico : A quelques jours du début des Jeux olympiques, les QR codes sont obligatoires pour se déplacer pendant la compétition. L’Etat contraint les Parisiens et leurs visiteurs à lui livrer leurs données tout en étant dans l’incapacité d’en tirer une efficacité en matière de sécurité, certains policiers n’étant pas équipés de lecteurs de QR codes. Comment cela pourrait-il être justifiable en termes de libertés publiques ?

Thibault Mercier :
La sécurité prime sur la liberté désormais car le Gouvernement a donné carte blanche à la préfecture de police et au ministère de l'intérieur, des fonctionnaires peu enclins aux idées de liberté, pour éviter tout heurt, attentat, attaques, etc. pendant toute la durée des Jeux olympiques. Face à des menaces qui semblent bien concrètes, le préfet de police a fait tout ce qu'il peut pour assurer une mission quasi impossible alors que la mairie de Paris et l'Etat ont souhaité une cérémonie d'ouverture assez démesurée. Il est difficile de reprocher au préfet d’avoir mis en place des structures de contrôle et des méthodes très fortes. Il est en revanche possible d’être un peu plus critique sur la manière dont ces restrictions ont été imaginées sans se soucier des impacts concrets sur la vie des habitants de Paris et sur leurs droits : la mise en place du QR Code est un processus administratif qui prend énormément de temps à imaginer, mettre en place, exécuter en pratique et qui consomme des moyens colossaux et au final, qui fatigue tout le monde, policiers comme citoyens. Dans les faits, les contrôles posent d'énormes problèmes. Les policiers n'ont pas forcément les moyens de scanner ces QR codes. Les Parisiens ne savent pas comment se connecter à la plateforme pour demander leur pass tant cette dernière est complexe à appréhender. Il y a beaucoup de documents à transmettre en ligne, notamment sa photo d'identité. Sachant que ces documents vont être stockés pendant une période de trois mois après les JO, il est important de se demander d'ailleurs s'il n'y a pas des failles ou des risques de sécurité de ce côté-là. Il y a aussi eu des refus de QR codes à la justification douteuse.

Les Parisiens sont donc pris à la gorge dans cette période des Jeux olympiques. Les autorités leur ont confisqué leur ville, sous couvert de sécurité. Dans les faits, cette sécurité ne semble même pas assurée ou garantie puisque des failles grotesques sont constatées dans l'application concrète de ces contrôles qui ne peuvent pas être effectués faute du matériel adéquat.

Les atteintes aux libertés publiques sont-elles proportionnelles à l’efficacité qui est attendue en matière de sécurité ? Sommes-nous dans cet équilibre-là ? Peut-on espérer une avancée et des progrès en termes de sécurité et concernant la sauvegarde des libertés publiques ou le gouvernement, la préfecture de police ou la mairie de Paris risquent-ils d’être débordés lors des JO de Paris 2024 ?

La préfecture va redoubler d'efforts pour garantir la sécurité durant la compétition. En revanche, en termes de libertés publiques, il n’est absolument pas possible d’espérer une quelconque amélioration. Cela va même au-delà du droit ou du cadre légal. Bien avant la mise en place du QR Code, la ville commençait déjà à se barricader totalement dans le cadre des préparatifs de la compétition. Les grilles se sont généralisées devant les commerces et les habitations. Un grand nombre de voies sont devenues inaccessibles en voiture ou même en vélo ou à pied alors même que les épreuves n'ont pas encore. commencé et sans que l'on sache vraiment pourquoi. Alors oui, le Gouvernement nous dit qu'il existe des possibilités de recours individuels notamment en cas de refus d’un QR code. Mais en pratique, qui ira voir un avocat et payer des frais d’honoraires pour attaquer l'Etat pour le refus de ce QR code ? Pourtant le juge administratif semble être plus sensible à la liberté des Parisiens que le préfet : en tant qu’avocat, j'ai eu l'occasion de contester un refus de QR code, le juge a été sensible à nos arguments et à même condamné la préfecture de police à payer ses frais de défense.

Quant à savoir si après les JO la situation s'améliorera, j'ai peu d'espoir. Ces restrictions drastiques de liberté ont été mises en place facilement, presque avec la passivité aussi bien des pouvoirs publics que des avocats et que des Parisiens eux-mêmes. Je ne doute pas que les autorités redéploieront et réutiliserons de telles mesures sécuritaires et le QR code pour d'autres événements futurs.

Selon des informations du Parisien, les forces de l’ordre multiplient les opérations discrètes d’antiterrorisme et de contre-espionnage et sont déjà déployées en nombre sur le terrain. D'un point de vue sécuritaire, ne risque-t-il pas d'y avoir des dérives sur les libertés publiques avec des contrôles abusifs ou des erreurs qui pourraient être commises ? Faut-il s'inquiéter, là encore, pour les libertés publiques ?

Il me semble préférable d’avoir ces filatures “à l'ancienne” avec des contrôles effectués en fonction des individus qui sont dangereux ou qui représentent potentiellement une menace (avec la possibilité qu'il y ait des erreurs à la marge bien sûr) plutôt que de forcer plusieurs centaines de milliers de Parisiens et de touristes, français comme étrangers, à subir un contrôle de masse avec un fichage de leurs données personnelles et un criblage de leurs données à travers plusieurs fichiers pour vérifier s’ils ont le droit d'accéder ou non à l'espace public. Dans ces filatures, il y a des possibilités d'erreurs de la part de l'officier de police mais en termes de proportion et de conséquences pratiques, cela n'a rien à voir avec le système mis en place actuellement.

Comment allier l'enjeu sécuritaire à la garantie des libertés publiques ? Y aurait-il des mesures plus vertueuses à prendre pour ces JO ?

La principale difficulté et l’obstacle majeur sont liés au fait que le Gouvernement a complètement délégué les questions politiques majeures. La sécurité a été déléguée intégralement à la préfecture de police et au ministère de l'interieur. Si vous demandez à un policier quelles doivent être les mesures et les décisions à prendre pour lutter contre la délinquance ou le risque terroriste, les réponses et les mesures qui seront déployées vont être les plus drastiques. Ce fut la même chose lors de la pandémie de Covid-19, les médecins ont appliqué les mesures les plus drastiques pour lutter contre la pandémie. Il est difficile de leur reprocher. En revanche, il est possible de reprocher au Gouvernement de ne pas imposer un peu de mesure dans l'application de ces restrictions. Il y a une forme d’abandon du politique qui ne voit plus qu'un seul objectif : les JO et la sécurité. La sécurité doit passer avant tout, quitte à ce que l’Etat rogne complètement sur les libertés publiques et que Paris soit confisquée aux Parisiens. Ces derniers ont même été sommés de la quitter…

Par rapport aux mécanismes qui sont déployés, quelle est l'efficacité réelle qui peut-être attendue des mesures restrictives qui sont déployées ? Y a-t-il des failles pour les libertés publiques ou dans leur application ?

Pendant le Covid, il y avait énormément de faux pass, de faux QR code qui circulaient. Je ne vois pas pourquoi cela serait différent pendant la période des JO.

En l’état, les autorités et les organisateurs des JO semblent avoir mis en place une usine à gaz administrative et pratique pour des résultats concrets plus que difficiles à évaluer.

Les leçons du Covid ont-elles été tirées en matière de libertés publiques, notamment tout ce qui concernait le pass sanitaire et les QR codes. Le bilan a-t-il été tiré pour les JO ?

Le bilan n'a absolument pas été tiré en termes de libertés publiques. Au contraire, le Gouvernement a considéré que tout ce qui a été mis en place pendant la période Covid (fichage, contrôle de masse, surveillance par la technologie, etc.) a plus ou moins bien fonctionné pendant la crise sanitaire. Comme cela a “fonctionné” avec la santé, les autorités ont décidé de déployer la même stratégie pour la sécurité.

Comme évoqué plus haut, le Gouvernement considère que les libertés publiques sont contingentes et qu'elles peuvent être mises de côté à chaque fois qu'un objectif politique est décrété supérieur.

Ne risque-t-il pas d’y avoir une forme d'exaspération avec les JO liées aux restrictions sur les libertés publiques ?

Les injonctions à quitter la ville ou à recourir au télétravail qui ont été envoyées depuis des mois ont relativement bien porté leurs fruits. Paris est vide depuis près d’une semaine. Les travailleurs qui n'ont pas la possibilité d’être en télétravail ou qui n'ont pas la chance de pouvoir prendre des vacances vont être pris en étau et vont devoir faire tant bien que mal avec ces mesures restrictives. Mais ils ne sont pas très nombreux et ils n’ont d'ailleurs assez peu voix au chapitre. Toutes les personnes qui pourraient peser dans le débat public pour lutter contre ces restrictions iniques n'ont plus intérêt à le faire puisqu'elles ne les subiront pas du fait de leur départ de la capitale.

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