Ne pas considérer autrui comme « respectable » est le prélude de la guerre civile - Par Frédéric Rouvillois

Lors de l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale, ce 18 juillet, plusieurs députés de gauche ont refusé de serrer la main du benjamin, le député RN Flavien Termet. Pour Frédéric Rouvillois, professeur de droit public et écrivain, ce comportement s'inscrit dans une longue histoire allant de 1793 à la révolution bolchevique. Briser les convenances est le prélude de la guerre civile. Auteur de "Politesse et politique" (Cerf, 2024), il décrypte cette séquence pour Figarovox et Atlantico.

«La gauche française et la tradition de l’anti politesse»

«Que rien ne change pour que tout change !» C'est au renversement de la célèbre formule du prince de Salinas que fait songer la petite comédie qui s'est déroulée le 18 juillet après-midi au Palais Bourbon, pendant le premier tour de l'élection à la présidence de l'Assemblée nationale - avec la farandole des avanies, outrages, vexations et incivilités infligés publiquement au benjamin de l'assemblée, le député Rassemblement national Flavien Termet, 22 ans, par les dizaines de députés de gauche qui, allant voter et sûrs de la victoire, refusèrent ostensiblement de lui serrer la main - accompagnant parfois leur geste d'un sourire mauvais, d'une remarque sarcastique, d'un regard méprisant ou d'une grimace de dégoût, voire d'un simulacre de menace physique, à l'instar du député marseillais la France insoumise Sébastien Delogu, l'agitateur de drapeau palestinien, très à l'aise dans ce qui n'était pas pour lui un rôle de composition.

«Que rien ne change pour que tout change ?» Ce à quoi l'on vient d'assister, en effet, ne relevait pas de la banale impolitesse - qui manifeste simplement l'ignorance des codes du savoir-vivre, la négligence égoïste ou l'indifférence à autrui -, mais de quelque chose de beaucoup plus significatif : l'anti politesse, qui, motivée par des raisons politiques, constitue une transgression massive et délibérée de ces codes.

Or, en France, cette anti politesse est née sous la Révolution, et plus précisément, avec la radicalisation de celle-ci, dans les années 1792-1794, en lien avec le projet de supprimer, y compris par la terreur, tout ce qui rattachait les personnes à la civilisation d'Ancien régime. Le symbole le plus terrible de cette entreprise fanatique d'abolition du passé est bien sûr la guillotine, promise à tous ceux qui restaient fidèles à leurs racines ; mais l'une de ses manifestations les plus inquiétantes est probablement la tentative totalitaire de changer l'homme en abolissant les usages, les coutumes, les bienséances, les mille et une petites règles de courtoisie qui éclairaient jusqu'alors la vie quotidienne, du haut en bas de l'échelle sociale.

C'est ainsi que les Sans-culottes exigèrent qu'une loi interdise le vouvoiement ou encore les mots «Monsieur», «Madame» ou «Mademoiselle», jugés attentatoires aux grands principes, et que soient poursuivis comme suspects, devant les tribunaux révolutionnaires, les criminels impardonnables qui continueraient de les employer. À leurs yeux, la politesse, se rattachant au passé et impliquant la reconnaissance de hiérarchies légitimes, était aristocratique par nature, et devait donc être éradiquée : sur ce point, Hébert, l'homme du Père Duchesne, et Marat, qui voulait faire égorger tous les ennemis de la Révolution, étaient d'accord avec Robespierre, qui déclarait en février 1794 vouloir substituer «les devoirs aux bienséances», et les bons républicains aux «gens comme il faut».

Frédéric Rouvillois : «La gauche française et la tradition de l’anti politesse» (lefigaro.fr)

Derrière le refus par la gauche radicale de serrer des mains, une stratégie de violence révolutionnaire

Atlantico : Lors de l'élection du président de l'Assemblée nationale, le jeudi 18 juillet, de nombreux députés LFI et écologistes ont refusé de serrer la main de Flavien Termet (RN), le plus jeune député qui avait été missionné pour veiller au bon déroulé du scrutin. Le député insoumis Sébastien Delogu a même intimidé Flavien Termet en le défiant du regard. En quoi cette symbolique du refus du serrage de la main du député RN est très inquiétante sur la politesse et sur notre système démocratique ?

Frédéric Rouvillois :
Cette séquence est très inquiétante pour l'idée que nous faisons nation ou que nous souhaitions une société cohérente. Cela suppose que chacune des composantes de la société soit digne de respect. La politesse repose sur le respect. Lorsque les députés LFI ont manifesté ou déclaré expressément que les représentants du RN ne sont pas respectables et n'ont pas droit à être considérés véritablement comme des êtres appartenant à la même société. Cette séquence est très inquiétante car cela renvoie dans le passé et cela laisse présager de l'avenir.

Cela renvoie à ce que j’ai appelé l’anti politesse révolutionnaire dans mes ouvrages. Il s’agit du refus du principe même de la politesse qui est justement de respecter tout le monde.

Cette pratique est née véritablement avec le durcissement de la Révolution française vers 1792 et 1793. Les grands ténors de la Révolution, Robespierre, Marat, Hébert, Danton, vont détruire les principes même de la politesse d'Ancien Régime et vont affecter un refus de cette politesse vis-à-vis de ceux qui ne sont pas de leur côté.

La séquence à l’Assemblée nationale et le choix de ne pas serrer la main au député RN est un refus de cette politesse. Une telle action s'enracine dans la longue histoire de la gauche radicale qui a toujours considéré la politesse comme quelque chose d’aristocrate, de bourgeois, d’inégalitaire et de réactionnaire. Telles sont les raisons pour lesquelles les députés LFI ont refusé le principe même de cette politesse et ont fait le choix de la refuser à leurs ennemis.

En regardant vers l'avenir, la situation est encore plus inquiétante. Au fond, à quoi sert la politesse ? Elle sert à maintenir un minimum d'harmonie au sein de la cité et à éviter que les conflits ne deviennent trop violents et ne conduisent à la guerre civile ou à l'explosion.

Quand on regarde ce qu’il s’est passé à l’Assemblée, cela donne l'impression que La France insoumise et tous ceux qui se contentent de refuser de serrer la main ou de ceux qui lancent un sourire narquois ont une stratégie en tête. Le député LFI marseillais Sébastien Delogu s'est approché du député RN avec un air menaçant comme s'il allait s’en prendre à lui ou le traîner par terre. Tout cela montre bien que les Insoumis acceptent par avance une hypothèse révolutionnaire et digne de la guerre civile.

Avec ce nouveau mandat politique qui va s'ouvrir et avec la nouvelle présidence de l'Assemblée après la réélection de Yaël Braun-Pivet, y a-t-il un espoir de retrouver une forme de politesse et de civilité politique permettant de revaloriser les travaux menés à l'Assemblée ? Cet espoir est-il vain avec le Nouveau Front Populaire ?

Il n'y a aucun espoir. Yaël Braun-Pivet, à la tête de l'Assemblée nationale, ne changera absolument rien à cette situation. La difficulté est l’enkystage de cette incivilité, de cette anti-politesse qui est liée à la radicalité croissante des Insoumis et à l'importance du groupe du Nouveau Front Populaire. Un sentiment domine aussi à gauche. Ils ont le sentiment que l’élection aurait été volée. Ils oublient de rappeler qu'ils ne sont pas les premiers en termes de voix à l'Assemblée.

Ce sentiment va souffler sur les braises. Il n'y a rien à espérer en termes d'apaisement et de retour à la courtoisie et à la civilité tant que la situation ne sera pas débloquée.

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