J'ai lu et aimé : "Le Parlement, temple de la République: De 1789 à nos jours" - De Benjamin Morel

 

L’essayiste Benjamin Morel, maître de conférences en droit public, publie « Le Parlement, temple de la République » (éditions Passés Composés). L'universitaire retrace l'histoire du Parlement français depuis 1789, entre crises de régimes et révolutions. Un livre éclairant !


Institution marginalisée, parfois méprisée de la Ve République, le Parlement montre pourtant que rien ne peut se faire sans lui. La chose est d'autant plus vraie depuis sa récente dissolution décidée par Emmanuel Macron. Son histoire se confond avec celle de la République. Toutefois, son rôle et la manière dont on conçoit sa fonction ont évolué. Représentation imparfaite d'un peuple qui devait le contrôler, il est devenu un rouage administratif sous l'Empire. Chambre d'aristocrates puis de notables, c'est par la délibération qu'il acquiert, au XIXe siècle, un rôle central. Chargés de définir l'intérêt général, députés et sénateurs développent les techniques de débat et d'éloquence, participant à créer une culture parlementaire. Derrière cette histoire chaotique réside celle de la République et de la démocratie. Même quand, comme sous la Restauration, les chambres se voulurent parangon de la réaction, leurs actions poussèrent à une libéralisation du régime. Même quand le Second Empire voulut les réduire, il comprit qu'il ne pourrait survivre qu'en s'appuyant sur les assemblées. Le fait parlementaire est têtu. Attaquées ou données pour mortes, les chambres ont survécu aux rois et aux empereurs, aux guerres et aux crises. Fil rouge et force dynamique de l'histoire de France depuis deux siècles, le Parlement est au centre de notre modernité politique. En voici son histoire, publique, secrète, intime, vivante, totale.

Benjamin Morel est maître de conférences en droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas, docteur en sciences politiques de l'École normale supérieure Paris-Saclay et président de la Fondation Res Publica. Il a notamment publié La France en miettes, régionalismes l'autre séparatisme (2023). Il est également un collaborateur régulier du Figaro.

Éditeur ‏ : ‎ PASSES COMPOSES (1 juillet 2024)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 382 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2379339821
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2379339820
Poids de l'article ‏ : ‎ 510 g
Dimensions ‏ : ‎ 14.6 x 2.9 x 22 cm

ENTRETIEN POUR LE REVENU
Par Jannick Alimi

Le Revenu : Dans votre dernier ouvrage, vous montrez que le Parlement est intrinsèquement lié à la vie économique. Expliquez-nous…

Benjamin Morel :
Le Parlement est le cœur financier de tous les régimes. Son rôle originel est de voter le budget. C’est une vieille tradition parlementaire. En Grande-Bretagne, la Magna Carta signée en 1215 consacre la mission du Parlement, celle de consentir, de voter l’impôt. En France, c’est le rôle des états généraux, dont la première réunion s’est tenue sous Philippe Le Bel, au début du XIVe siècle. Entre Louis XIV et Louis XVI, les états généraux ne se sont pas réunis, ce qui est symptomatique des monarchies absolues.

Les états généraux qui eurent lieu en 1789 avaient pour but de régler les problèmes financiers de la monarchie. Ce qui provoqua la Révolution, c’était la tentative du roi de rendre l’impôt universel. Sous la Révolution, le pouvoir budgétaire et financier a été concentré dans les mains du Parlement et grâce aux «comités» – de contrôle des finances, comité des monnaies… – on assiste à une véritable captation du pouvoir au nez et à la barbe du roi.

Le Revenu : Le vote du budget est, selon vous, l’acte fondateur d’une démocratie ?

Benjamin Morel :
Le vote d’un budget est souvent l’acte de naissance des régimes parlementaires modernes, car il met en place la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Si le Parlement refuse de voter le budget – et on pourrait voir cela bientôt en France –, le gouvernement est alors obligé de démissionner. Ou il ne le fait pas et c’est le chaos.

Désordre parlementaire

Le Revenu : Est-ce l’économie qui influe sur le Parlement ou le Parlement qui oriente l’économie ?

Benjamin Morel :
Si l’on est de tendance républicaine, c’est la délibération politique qui met en place les régulations économiques. Si on est marxiste, on considère que les institutions ne sont que le produit d’un rapport de force et que le Parlement n’est qu’une des scènes où se construit la domination d’une classe sur l’autre.

Le cens, c’est-à-dire le montant de l’impôt qu’il fallait payer pour pouvoir être électeur et éligible, a rempli différents rôles idéologiques. Sous la Restauration, c’était un instrument de contrôle du Parlement par la monarchie. Il fallait un Parlement d’opérette et le cens était alors très élevé, ce qui a permis d’évincer les républicains et les libéraux du Parlement. Mais la noblesse s’affaiblit pendant la Révolution industrielle et les monarchistes conservateurs perdent par le cens le pouvoir qu’ils pensaient y trouver.

Pendant la monarchie de Juillet, on est dans une autre perspective. Quand Guizot dit «enrichissez-vous par le travail et par l’épargne», il se réfère en réalité à une certaine vision de l’intérêt général. Il estime que le Parlement doit être constitué de gens intelligents, construits intellectuellement, afin de pouvoir délibérer sur ce qu’est l’intérêt général.

Si quelqu’un est capable de réussir économiquement, c’est qu’il est capable de participer à la délibération politique. Cela peut paraître choquant car, dans ces conditions, un professeur d’université n’aurait pas été un citoyen capable de délibérer, contrairement à un «trader» de l’époque… Mais c’est alors la révolution industrielle triomphante.

Le Revenu : Comment a évolué le rôle économique du Parlement depuis la Ve République ?

Benjamin Morel :
Très clairement, le Parlement a perdu de ses pouvoirs. La Ve République s’est construite en partie contre le Parlement, car elle s’est nourrie de la crainte que le désordre parlementaire crée du désordre politique et donc économique. Cette situation ne tend pas tant à renforcer les pouvoirs du président de la République, mais du gouvernement, qui dispose depuis 1958 d’instruments législatifs qui lui permettent de «mater» le Parlement. Je pense notamment au pouvoir réglementaire, qui est très étendu.

Un autre exemple : la multiplication des autorités administratives, à l’image de l’AMF, l’autorité des marchés financiers, qui sont une émanation de l’exécutif et qui marquent une dépossession du Parlement. Toutes les autorités de régulation économique sont des autorités étatiques. Enfin, le budget, à l’origine pourtant des prérogatives parlementaires, est beaucoup moins contrôlé par le Parlement.

On voit presque chaque année comment le gouvernement utilise le 49.3 pour passer outre au refus du Parlement de voter la loi de finances. L’article 47 permet aussi d’appliquer un budget sans vote et de le mettre en œuvre grâce à des ordonnances...

Je ne vois pas comment le budget pourrait être voté - Le Revenu

Le portrait par Virginie Bloch-Lainé
Benjamin Morel, de bonne constitution

Le maître de conférences en droit, spécialiste des institutions et pédago, court les plateaux télé depuis la dissolution.

Tu n'as pas compris ? Tant pis, ne t’en fais pas et viens écouter Benjamin Morel expliquer ce qui est possible ou pas d’un point de vue institutionnel. Depuis le soir de la dissolution, ce maître de conférences en droit public à l’université Paris-II est invité partout. A la télévision, à la radio, dans les journaux, il tient des propos limpides : «Parfois j’ai l’impression d’être prof de maths : non, 280 n’est pas égal à 190 ni à 210.» Le timbre de sa voix, le rythme de son débit incitent à tendre l’oreille. Il dissèque des sujets qui n’intéressaient personne avant le 9 juin : «C’est amusant, les journalistes m’ont demandé des trucs qui font bâiller mes étudiants. Par exemple : “Comment nomme-t-on les membres du bureau de l’Assemblée nationale ?”» On lui demande aussi : «Faut-il changer la Constitution ? Combien de temps un gouvernement démissionnaire a-t-il le droit de rester en place ?» Benjamin Morel n’a pas toujours la réponse : «La situation est angoissante, je ne m’en réjouis pas, mais constitutionnellement c’est passionnant car certains points sont inédits.» La parution de son livre, le Parlement, temple de la République, de 1789 à nos jours, prévue initialement pour début septembre, a été avancée à l’entre-deux tours des législatives.
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#JeSoutiensNosForcesDeLOrdre par le Collectif Les Citoyens Avec La Police