Liban: «Face au Hezbollah, Israël mène la même guerre existentielle que contre le Hamas» - Par Jean-Baptiste Noé

Pour le rédacteur en chef de la revue Conflits, Jean-Baptiste Noé, les frappes d’Israël au Liban peuvent se lire comme la deuxième phase de l'opération menée à la suite de l'attaque du 7 octobre. Avec, explique-t-il, un même objectif: éradiquer ceux qui veulent en finir avec Israël.


LE FIGARO. - Ce mardi [24 septembre 2024], un missile balistique tiré par le Hezbollah en réponse aux bombardements israéliens a atteint Tel-Aviv, une première d'après l'armée israélienne. Quelles leçons en tirer ?

Jean-Baptiste NOÉ. -
Cela démontre que le Hezbollah dispose de quelques missiles longue portée. Mais ce tir a surtout une valeur symbolique, qui ne change rien au conflit et à la maîtrise technique d'Israël. Le Hezbollah a les moyens de la guérilla, en harcelant les populations du nord d'Israël, mais sans plus. Une partie des missiles tirés tombent au Liban et n'atteignent pas leur cible. Le Hezbollah a un pouvoir de nuisance, mais il n'est pas en mesure de renverser la situation et de vaincre Israël.

Y a-t-il une continuité stratégique entre la lutte d'Israël contre le Hezbollah et celle contre le Hamas ?

Il s'agit de la deuxième phase de l'opération menée à la suite de l'attaque du 7 octobre. Pour Israël, cette guerre est une guerre existentielle. L'attaque du 7 octobre lui a montré qu'un mur anthropologique est dressé entre lui et ses adversaires. Donc, aucune conciliation, aucune entente n'est possible : l'éradication de l'ennemi est la seule voie possible.

Cela passait d'abord par l'élimination du Hamas. S'il n'est pas complètement éradiqué, il est solidement démembré. Israël a ainsi pu disposer des troupes le long de la frontière libanaise afin de lancer une autre opération, contre le Hezbollah cette fois. Cette deuxième phase est elle-même subdivisée en plusieurs périodes.

D'abord l'attaque, remarquable de maîtrise technique, des hautes sphères du Hezbollah via l'explosion des bipeurs et des talkies-walkies. Puis les frappes aériennes et, sûrement, une intervention au sol. Si la guerre s'est aujourd'hui déplacée au nord, nous sommes bien dans le même conflit et dans la même vision globale qui consiste à éradiquer ceux qui veulent en finir avec Israël.

Alors qu'au Liban, le bilan humain n'avait jamais été aussi lourd depuis la guerre civile (1975-1990), le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est adressé au «peuple libanais » : «Notre guerre n'est pas contre vous, mais contre le Hezbollah ». Qu'entend-il par-là ? Qu'est-ce que cela dit de la place des populations dans les nouveaux conflits armés?

C'est en effet le Hezbollah qui est visé, non le Liban, et les membres du Hezbollah, non la population libanaise. Cela dit, dans les bombardements, ce sont bien des civils libanais qui sont touchés et le Liban qui subit une nouvelle fois les confrontations de ses voisins.

Le problème est qu'il est aujourd'hui difficile de distinguer le Liban du Hezbollah. Le Liban existe en tant que zone géographique, en tant que lieu de peuplement, mais en tant qu'État il est au mieux faible, au pire inexistant. C'est un État failli, dont les structures sociales, administratives, financières, ne répondent plus aux critères d'un État. Avec le départ de nombreux chrétiens francophones, sa population a changé. Nous ne sommes plus dans le Liban des années 1980.

Le Hezbollah a ceci de paradoxal qu'il contribue à détruire le Liban, en dissolvant ses structures sociales, mais qu'il apporte aussi une structure qui permet à la société de se maintenir. Il fournit du travail, une aide sociale et éducative, il apporte des emplois, il fait gagner de l'argent à de nombreux Libanais qui survivent grâce au Hezbollah. Ce n'est plus un kyste, mais un élément social. Le détruire, c'est donc détruire une des rares choses qui fonctionnent au Liban et c'est mettre dans une situation sociale dramatique tous ceux qui en vivent. À cet égard, il fonctionne un peu comme les mafias italiennes, qui tout en détruisant les régions où elles sont implantées, sont des acteurs sociaux indiscutables, ce qui explique une partie de leur soutien.

Il en va de même au Liban. Ce qui signifie que la guerre et la lutte armée ne résoudront pas les problèmes de fond. Sans solution sociale alternative, le Hezbollah, ou un autre organisme de même acabit, continuera à prospérer.

Le chef de l'armée israélienne a évoqué une «possible » opération au sol au Liban. Pour l'Égypte, la Jordanie et l'Irak, «Israël pousse la région vers une guerre totale », tandis que Joe Biden a averti sur le risque de «guerre généralisée ». Quelles sont les issues possibles ?

Une attaque au sol est en effet probable afin de finaliser l'opération, comme cela fut le cas à Gaza. Mais le Moyen-Orient pâtit d'une image négative erronée. Sans cesse, les commentateurs parlent d'expansion de la guerre et des combats, d'embrasement, de guerre générale. Or, force est de constater que ce n'est pas le cas.

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Depuis les années 1980, il n'y a plus eu de guerre entre Israël et ses voisins. L'Égypte et la Jordanie sont désormais en paix et la Jordanie a même aidé Israël dans l'interception des missiles iraniens. Après le 7 octobre 2023, beaucoup craignaient un embrasement qui n'a pas eu lieu. La guerre est restée circonscrite à Gaza et si aujourd'hui elle s'étend au Liban, c'est dans une zone qui est habituée à ce type d'intervention. Mais ni la Syrie ni la Turquie n'interviennent et l'Arabie saoudite joue les médiateurs de paix.

Si 2024 fut une année de bras de fer entre Israël et l'Iran, là aussi cela n'a pas abouti à un embrasement. Il y a eu des échanges de tirs, des assassinats ciblés, mais surtout de la retenue et un refus de s'engager dans une guerre sans fin. La «guerre généralisée» est donc l'issue la moins probable. L'hypothèse la plus probable est qu'Israël parvienne à chasser le Hezbollah du sud du Liban et occupe le territoire afin de disposer d'un glacis protecteur. Cela a déjà été fait et cela ne résoudra pas le problème, mais au moins Israël gagnera quelques années de sécurité.

Un démantèlement du Liban n'est pas non plus à exclure. Privé du Hezbollah, qui joue le rôle du lierre qui tient le mur, le Liban se verra privé d'une ressource financière importante pour une partie de sa population. Avec le départ des chrétiens francophones, qui constituaient l'âme et l'originalité du Liban, un contrôle de Beyrouth par la Syrie, voire une occupation du nord par la Turquie sont des hypothèses à ne pas exclure. Une zone vide d'État ne dure jamais très longtemps coincée entre des États forts. Et c'est bien le problème qui se pose aujourd'hui au Proche-Orient : que faire de Gaza, que faire du Liban, zones abandonnées ou les milices prospèrent sur le vide étatique ? Si Israël refuse, pour l'instant, une occupation qui lui a laissé de mauvais souvenirs, d'autres pourraient occuper l'espace laissé vacant.

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