Budget 2025 : et si on supprimait… le Cese - Par François Miguet
Budget 2025 : et si on supprimait… le Cese - Par François Miguet. En 2023, les 175 membres de ce cénacle ont produit 17 avis à peine remarqués. Sa suppression permettrait d’économiser près de 50 millions d’euros par an.
Reconnaissons-le. Quand, début septembre, le nom de Thierry Beaudet est apparu sur les radars pour le poste de Premier ministre, nous avons écarquillé les yeux. Quoi ? ! Allait-on vraiment proposer au président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) le job le plus dur de la République ? C'eût été une sacrée promotion !
En théorie, le Cese est la troisième chambre de la nation, après l'Assemblée nationale et le Sénat. Logé dans le très chic palais d'Iéna, en plein 16e arrondissement de Paris, il est officiellement censé « éclairer de ses recommandations le débat et la décision publics ». Hélas, en pratique, cette instance n'a jamais brillé par son utilité depuis sa création, en 1925, par le président du Conseil, Édouard Herriot. Si ce n'est à entretenir des liens entre diverses personnalités de la sphère sociale et, parfois, ce qui est moins avouable, à recaser des copains.
Et pourtant, avant de jeter son dévolu sur l'expérimenté Michel Barnier, le chef de l'État a bien testé l'hypothèse Thierry Beaudet ; il a bien demandé à l'ancien président de la Fédération nationale de la Mutualité française de « se préparer », selon la formule consacrée. Alors, nous nous sommes, à nouveau, posé la question : et si l'utilité du Cese nous avait échappé ?
Pour tirer les choses au clair, commençons par… une visite sur le site de cette institution. Voici comment Thierry Baudet y présente sa raison d'être : « Penser et faire vivre une démocratie mixte et continue qui équilibre les formes représentatives et participatives, être l'expression de la société agissante que nos organisations incarnent partout sur le terrain et dans tout le pays, c'est de cette façon que nous voulons éclairer au mieux la décision publique. » Cette longue phrase, avouons-le, ne nous a pas bien convaincu.
Le Cese : 175 membres, 17 avis
Syndicalistes, militants écologistes, représentants patronaux, personnalités du monde associatif, agriculteurs, pêcheurs, artisans, consultants, étudiants, cheminots, spécialistes des ressources humaines, experts-comptables…, le Cese compte 175 membres. Il y a là-dedans de petits patrons, mais surtout beaucoup de représentants syndicaux, dont l'ultrabloquant Erik Meyer de SUD-Rail.
Qu'ont donc produit cette année ces éminences ? Dix-sept avis, souvent vagues, très largement passés inaperçus. À titre d'exemples, on peut citer « Éduquer à la vie affective, relationnelle et sexuelle » (306 pages), « Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique » (194 pages, coordonnées par… des militants associatifs) ou encore « Entendre la voix de la société civile pour une République des solutions » (seulement 14 pages).
À cette production textuelle, il convient d'ajouter deux autres missions. D'abord, la mise en place des fameuses « conventions citoyennes » voulues par le président Emmanuel Macron. La dernière, « relative à la fin de vie », a été lancée fin 2022 et s'est poursuivie jusqu'en avril 2023. Elle a réuni 184 Français tirés au sort sur 9 sessions de travail de 3 jours chacune. A-t-elle réellement fait avancer le débat ? Rien n'est moins sûr.
Comme la Convention pour le climat, qui l'a précédée d'un an, il est fort probable qu'elle ne débouche en définitive sur pas grand-chose de concret. Même si, notons-le, Michel Barnier s'est récemment exprimé en faveur du projet de loi ouvrant l'accès à une aide à mourir porté par le précédent gouvernement.
Ensuite, le Cese a lancé une plateforme pour recueillir des pétitions numériques, comme il en existe déjà de nombreuses sur le Net, par exemple Change.org. Là encore, rien qui soit de nature à réellement faire bouger les lignes.
De généreuses indemnités pour ses 175 membres
Bien sûr, quand on le compare au gouffre de la dépense publique, le budget du Cese, qui s'élève, tout compris, à 46,6 millions d'euros, peut sembler dérisoire. Mais tout de même… Année après année, cela finit par faire de grosses sommes.
Dans le détail, ce budget sert surtout à régler les frais de personnel de cette institution qui compte pas moins de 153 agents. Et à s'acquitter des émoluments de ses 175 heureux membres. À leur traitement mensuel de base de 1 998,21 euros brut s'ajoute une « indemnité de fonction » de 1 455,01 euros pour le président, les membres du bureau et les présidents des « formations de travail » ou de 1 058,19 euros pour les simples membres. Ultimes zakouski, une « indemnité représentative de frais » de 592 euros pour les résidents d'Île-de-France et de 970,01 euros pour ceux qui logent en province ou en outre-mer a été prévue. Pour Erik Meyer, c'est tout bénéfice, puisque ce cheminot, expert des grèves en tous genres, ne paie pas le train.
« Et si l'on supprimait… ? » En matière de dépenses publiques, il est plus facile de donner la vie à un haut conseil, une commission extraordinaire, une taxe, une politique d'aides, un régime spécial de retraite, un fonds dédié que de procéder, au bout de quelques années, à leur mise à mort. Évidemment, il y a plein de bonnes raisons pour cela, tant il est difficile de tourner la page, de revenir sur des avantages accordés, ou tout simplement, d'avouer que l'on s'est trompé… Mais, vu l'inquiétante dérive de nos finances publiques, il va bien falloir se résoudre à agir et à trancher dans le vif. C'est pourquoi « Le Point » a décidé de donner, gracieusement, quelques idées au gouvernement et se livre ici à un petit exercice un peu urticant, qui revient à poser la question qui fâche : « Et si l'on supprimait… ? »
Budget 2025 : et si on supprimait… le Cese (lepoint.fr)