Immigration : l’Europe prise à son propre piège ? - Par Patrick Stefanini

Ursula von der Leyen a annoncé vouloir une nouvelle législation sur les questions migratoires tout en suggérant même de réfléchir à des dispositifs inspirés de l’accord entre Italie et Albanie. Mais le droit européen le permettrait-il ?


Atlantico : Face à la pression migratoire, l’UE cherche à passer la vitesse supérieure. Dans une lettre envoyée lundi 14 octobre au soir aux 27 chefs d'État et de gouvernement, Ursula von der Leyen propose d'accélérer la mise en œuvre du pacte asile et migration, adopté en mai dernier. « Nous avons besoin d’un nouveau cadre législatif pour renforcer notre capacité d’agir », a-t-elle expliqué. Quelles sont les principales pistes évoquées par Ursula von der Leyen ?

Patrick Stefanini :
L’axe principal évoqué par Ursula von der Leyen est le fait d’anticiper la mise en œuvre des mesures du pacte européen pour l’asile et la migration, initialement prévues pour juin 2026. Le pacte, adopté par les États membres en décembre 2023, suit actuellement les procédures parlementaires, mais plusieurs pays, dont l’Allemagne, souhaitent accélérer son application.

Ce qui frappe particulièrement, c’est que plusieurs États, notamment l’Allemagne, demandent une mise en place rapide de certaines mesures du pacte, sur lesquelles ils comptent beaucoup. Berlin mise sur la possibilité de renvoyer les demandeurs d'asile vers des pays tiers sûrs, une demande réitérée à plusieurs reprises. C’est un mécanisme déjà en place, comme celui entre la Grèce et la Turquie depuis la crise migratoire de 2015. Toutefois, le projet de directive a depuis été perfectionné. Pour appliquer cette politique, un accord doit être passé avec les pays tiers concernés, qui s’engagent à ne pas refouler les demandeurs d’asile vers des pays où ils risquent la persécution. Bien sûr, ce processus est complexe, mais pour l'Allemagne, c'est une priorité qu'elle souhaite mettre en œuvre rapidement.

Ce qui est intéressant ici, c’est que cette demande reflète une volonté européenne croissante de placer les questions migratoires au sommet des priorités. Cela n'a pas toujours été le cas. Historiquement, l’Union Européenne s’est d'abord construite autour du marché intérieur, en se concentrant sur les questions économiques, le commerce, et la régulation des concentrations. Les sujets régaliens, comme l'immigration, étaient secondaires. Je rappelle d’ailleurs que les politiques migratoires relèvent principalement des États membres eux-mêmes. Ce sont eux qui définissent les conditions d’accueil des ressortissants de pays tiers. L’Union Européenne intervient essentiellement au niveau des visas et du contrôle des frontières extérieures, notamment avec l’aide de Frontex.

L’autre axe majeur de l’initiative de la présidente de la Commission est l’accélération de la révision de la directive retour. Bruno Retailleau a dit à juste titre que cette directive était aujourd’hui le principal obstacle à l’éloignement des clandestins. Sa révision était amorcée, mais engluée faute d’une volonté politique claire. Il faut que les chefs d’Etat et de gouvernement en fassent désormais une priorité.

Atlantico ; L'Italie a commencé à transférer lundi un premier groupe de migrants vers les centres qu'elle gère en Albanie, suite à un accord controversé passé entre Giorgia Meloni et son homologue albanais Edi Rama à l’automne dernier. Des mesures dont von der Leyen voudrait s’inspirer. Le droit européen pourrait-il permettre la mise en place d’une telle mesure ?

L'initiative italienne concerne exclusivement des demandeurs d'asile masculins adultes. Il s'agit de migrants repêchés en Méditerranée ou récupérés à bord de bateaux en détresse. Ces hommes sont transférés en Albanie, mais leur demande d'asile est examinée par les autorités italiennes. En d'autres termes, bien qu'ils soient physiquement en Albanie, c'est l'Italie qui traite leur dossier. C’est une approche très originale.

Cela diffère du mécanisme de pays tiers sûr, où un demandeur d'asile voit sa demande regardée comme irrecevable dans le pays européen auquel il s’est adressé, puis est renvoyé vers un pays tiers où sa demande sera traitée par les autorités locales. Dans le cas de l’Italie et de l’Albanie, les migrants restent sous la juridiction des autorités italiennes pendant que leur demande est étudiée, même s'ils sont en Albanie.

Je ne vois pas d'obstacle juridique majeur en droit européen à cette formule. Cependant, je doute qu’elle soit facilement reproductible. En effet, l'Albanie est candidate à l'adhésion à l'Union Européenne, elle est géographiquement proche de l'Italie, de l'autre côté de la mer Adriatique, et les deux pays ont des liens historiques forts. Les autorités albanaises ont accepté de collaborer avec l’Italie, mais elles ont exclu l’idée de faire de même avec d’autres pays, comme l’Allemagne.

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