J'ai lu et aimé : "Le nœud démocratique" - De Marcel Gauchet
Marcel Gauchet, philosophe et historien, publie Le Nœud démocratique (Gallimard), ouvrage dans lequel il ausculte la crise politique profonde que traversent nos sociétés libérales et analyse l’impasse à laquelle a conduit la sacralisation de l’État de droit et des droits individuels au détriment de la souveraineté populaire. Il dresse le constat que "nous vivons dans des démocraties sans démocrates". Poursuivant un travail entamé depuis maintenant plusieurs décennies, l'historien des idées met en lumière les conditions d'apparition de la démocratie libérale et les causes de son agonie actuelle. Une lecture essentielle.
Le désenchantement du monde n’avait pas livré tous ses secrets. Il comportait une suite que l’on n’attendait pas.
Cette « crise de la réussite », comme il y eut un « vertige du succès » stalinien, est liée, montre Marcel Gauchet, à une lecture trompeuse de la nouvelle structuration collective née de l’effacement complet de l’empreinte sacrale. Elle induit une vision réductrice de la nature de la démocratie, aveugle au nœud qui tient ses éléments ensemble. Il faut la dire « néolibérale », dans un sens qui va bien au-delà de l’économie, même si elle consacre le règne de l’économie, puisqu’elle concerne tous les domaines de l’existence collective et en propose même un modèle global.
Mais à l’exemple de l’expérience totalitaire en son temps, cette expérience qui en prend le contrepied a la vertu de mettre en lumière des conditions jusqu’alors mal identifiables de la bonne marche de nos régimes. C’est en fonction de ses enseignements que devra se repenser la démocratie de l’avenir.
Genres Études et monographies
Catégories Connaissance > Philosophie Politique, économie
256 pages, 140 x 225 mm
Achevé d'imprimer : 01-10-2024
ISBN 9782073085313
Gencode 9782073085313
Code distributeur G09618
Le nœud démocratique de Marcel Gauchet | Gallimard
Par Alexandre Devecchio
LE FIGARO. - Votre dernier livre, Le Nœud démocratique , fait écho à la crise politique dans laquelle nous sommes englués depuis les dernières élections européennes et la dissolution ratée qui en a découlé. Si la crise démocratique que vous décrivez vient de beaucoup plus loin et traverse la plupart des démocraties occidentales, la séquence que nous sommes en train de vivre est-elle un tournant ? Sommes-nous entrés dans une phase paroxystique de la crise de la démocratie ?
Marcel GAUCHET. - Oui, en un sens, la séquence française marque un tournant. Il consiste dans l’impossibilité objective de continuer à faire comme si la protestation populiste n’existait pas, ne devrait pas exister, et n’avait pas de motifs dignes de considération. C’est loin d’être gagné, cela dit, puisque cela reste la position officielle des forces politiques classiques, de droite comme de gauche. Mais c’est au prix du blocage et de l’impuissance gouvernementale. Il n’y a plus de gouvernement disposant d’une majorité solide concevable, désormais, dans une assemblée éclatée entre trois blocs incompatibles et il y a de bonnes raisons de penser que c’est une situation appelée à durer, quels que soient les éventuels changements du mode de scrutin. Michel Barnier inaugure un métier de funambule politique à faible rendement qui peut devenir la nouvelle définition du rôle de premier ministre. Nous avons une crise institutionnelle, autrement dit, en échange du refus de reconnaître la crise structurelle qui travaille les démocraties. Ce devrait être le moment de la prise de conscience des motifs de cette crise déniée, maintenant, depuis des décennies. Impossible de dire si elle aura lieu. Il y a trois scénarios possibles, à l’échelle française. Le premier, qui me semble le plus probable, est l’enfoncement dans le marécage actuel, tant la peur du saut dans l’inconnu que représenterait l’accès au pouvoir du Rassemblement national est puissante. C’est le deuxième scénario, cependant, impossible à exclure tant la situation du pays se dégrade rapidement, sur tous les plans. Et puis il y a le scénario optimiste d’une petite révolution intellectuelle et morale au sein de nos élites qui permettrait à une force nouvelle de prendre à bras-le-corps les problèmes qui nourrissent la montée en puissance du rejet populiste. Plutôt que dans un paroxysme, nous sommes dans un moment de suspens.
Marcel Gauchet: «Après avoir lutté contre les abus de pouvoir, nous voilà aux prises avec des abus de droit» (lefigaro.fr)
Marcel Gauchet : "La vie politique démocratique a perdu tout sens"
Propos recueillis par Anne Rosencher
Que nous arrive-t-il ? Question simple, réponse compliquée. "Tenons le constat pour acquis : il y a bien quelque chose comme "une crise de la démocratie", annonce le philosophe Marcel Gauchet en première phrase de son nouveau livre. Mais quelle crise ?" S’ensuivent 256 pages qui prennent la hauteur nécessaire pour trier ce qui relève du trompe-l’œil de ce qui travaille vraiment nos sociétés libérales. Le Nœud démocratique paraît ces jours-ci chez Gallimard. C’est un ouvrage qui assume d'"aller aux concepts", mais on est frappés, plusieurs jours ou semaines après l’avoir lu, de constater à quel point l'actualité nous y renvoie sans cesse.
Pour L'Express, Marcel Gauchet revient sur quelques unes des clefs de lecture essentielles qu'il développe dans son livre, et les applique aux soubresauts récents de l'actualité. La popularité du scrutin proportionnel ? "Le moyen de faire passer l’expression des minorités avant le dégagement de majorités capables de mener une politique cohérente à grande échelle". Autrement dit, "le renoncement à la politique avec un grand P". La polémique sur "l'Etat de droit" ? Si l'on parle de "la protection des citoyens contre les abus de pouvoir, cette fonction-là est "intangible et sacrée". Mais dans son acception plus récente de "primauté des droits individuels sur l’autorité collective", alors là, il devient "litigieux". "Et la discussion, promet-il, ne fait que commencer."
L'Express - Votre livre fouille la dislocation de deux éléments, dont l’harmonie est pourtant essentielle au bon fonctionnement de la démocratie : les droits individuels, d’une part, et la souveraineté populaire, de l’autre. Qu’est-ce qui s’est grippé, et à quel moment ?
Marcel Gauchet - Cette dissociation s’est faite dans une décennie dont on mesure rétrospectivement à quel point elle fut charnière : 1975-1985. La crise provoquée par le choc pétrolier de 1974 et ses conséquences en chaîne ont bouleversé le cours de la politique. Nous sommes sortis pour de bon des Trente Glorieuses pour entrer dans l’ère de ce que l’on nomme "mondialisation". Un nouvel espace économique et politique global s’est créé, caractérisé par une concurrence intense, et par la montée en puissance d’instances et de règles supranationales. Parallèlement, nos sociétés ont connu un autre bouleversement : l’avènement d’un individualisme radical. La synergie de ces deux phénomènes – l’un externe : la mondialisation ; l’autre interne : l’individualisation – a totalement changé les repères de la vie collective. Et ces transformations ont induit une profonde dépolitisation.
LE FIGARO. - Votre dernier livre, Le Nœud démocratique , fait écho à la crise politique dans laquelle nous sommes englués depuis les dernières élections européennes et la dissolution ratée qui en a découlé. Si la crise démocratique que vous décrivez vient de beaucoup plus loin et traverse la plupart des démocraties occidentales, la séquence que nous sommes en train de vivre est-elle un tournant ? Sommes-nous entrés dans une phase paroxystique de la crise de la démocratie ?
Marcel GAUCHET. - Oui, en un sens, la séquence française marque un tournant. Il consiste dans l’impossibilité objective de continuer à faire comme si la protestation populiste n’existait pas, ne devrait pas exister, et n’avait pas de motifs dignes de considération. C’est loin d’être gagné, cela dit, puisque cela reste la position officielle des forces politiques classiques, de droite comme de gauche. Mais c’est au prix du blocage et de l’impuissance gouvernementale. Il n’y a plus de gouvernement disposant d’une majorité solide concevable, désormais, dans une assemblée éclatée entre trois blocs incompatibles et il y a de bonnes raisons de penser que c’est une situation appelée à durer, quels que soient les éventuels changements du mode de scrutin. Michel Barnier inaugure un métier de funambule politique à faible rendement qui peut devenir la nouvelle définition du rôle de premier ministre. Nous avons une crise institutionnelle, autrement dit, en échange du refus de reconnaître la crise structurelle qui travaille les démocraties. Ce devrait être le moment de la prise de conscience des motifs de cette crise déniée, maintenant, depuis des décennies. Impossible de dire si elle aura lieu. Il y a trois scénarios possibles, à l’échelle française. Le premier, qui me semble le plus probable, est l’enfoncement dans le marécage actuel, tant la peur du saut dans l’inconnu que représenterait l’accès au pouvoir du Rassemblement national est puissante. C’est le deuxième scénario, cependant, impossible à exclure tant la situation du pays se dégrade rapidement, sur tous les plans. Et puis il y a le scénario optimiste d’une petite révolution intellectuelle et morale au sein de nos élites qui permettrait à une force nouvelle de prendre à bras-le-corps les problèmes qui nourrissent la montée en puissance du rejet populiste. Plutôt que dans un paroxysme, nous sommes dans un moment de suspens.
Marcel Gauchet: «Après avoir lutté contre les abus de pouvoir, nous voilà aux prises avec des abus de droit» (lefigaro.fr)
Marcel Gauchet : "La vie politique démocratique a perdu tout sens"
Propos recueillis par Anne Rosencher
Que nous arrive-t-il ? Question simple, réponse compliquée. "Tenons le constat pour acquis : il y a bien quelque chose comme "une crise de la démocratie", annonce le philosophe Marcel Gauchet en première phrase de son nouveau livre. Mais quelle crise ?" S’ensuivent 256 pages qui prennent la hauteur nécessaire pour trier ce qui relève du trompe-l’œil de ce qui travaille vraiment nos sociétés libérales. Le Nœud démocratique paraît ces jours-ci chez Gallimard. C’est un ouvrage qui assume d'"aller aux concepts", mais on est frappés, plusieurs jours ou semaines après l’avoir lu, de constater à quel point l'actualité nous y renvoie sans cesse.
Pour L'Express, Marcel Gauchet revient sur quelques unes des clefs de lecture essentielles qu'il développe dans son livre, et les applique aux soubresauts récents de l'actualité. La popularité du scrutin proportionnel ? "Le moyen de faire passer l’expression des minorités avant le dégagement de majorités capables de mener une politique cohérente à grande échelle". Autrement dit, "le renoncement à la politique avec un grand P". La polémique sur "l'Etat de droit" ? Si l'on parle de "la protection des citoyens contre les abus de pouvoir, cette fonction-là est "intangible et sacrée". Mais dans son acception plus récente de "primauté des droits individuels sur l’autorité collective", alors là, il devient "litigieux". "Et la discussion, promet-il, ne fait que commencer."
L'Express - Votre livre fouille la dislocation de deux éléments, dont l’harmonie est pourtant essentielle au bon fonctionnement de la démocratie : les droits individuels, d’une part, et la souveraineté populaire, de l’autre. Qu’est-ce qui s’est grippé, et à quel moment ?
Marcel Gauchet - Cette dissociation s’est faite dans une décennie dont on mesure rétrospectivement à quel point elle fut charnière : 1975-1985. La crise provoquée par le choc pétrolier de 1974 et ses conséquences en chaîne ont bouleversé le cours de la politique. Nous sommes sortis pour de bon des Trente Glorieuses pour entrer dans l’ère de ce que l’on nomme "mondialisation". Un nouvel espace économique et politique global s’est créé, caractérisé par une concurrence intense, et par la montée en puissance d’instances et de règles supranationales. Parallèlement, nos sociétés ont connu un autre bouleversement : l’avènement d’un individualisme radical. La synergie de ces deux phénomènes – l’un externe : la mondialisation ; l’autre interne : l’individualisation – a totalement changé les repères de la vie collective. Et ces transformations ont induit une profonde dépolitisation.
Marcel Gauchet : "La plupart de ceux qui dénoncent le néolibéralisme ne s'aperçoivent pas qu'ils sont en plein dedans"
Propos recueillis par Kévin Boucaud-Victoire
Les démocraties sont toutes en crise, ou presque. C'est devenu un lieu commun de le dire. Les deux signes les plus visibles sont la montée de l'abstention, qui touche à certaines élections plus d'un électeur sur deux, et la montée de partis dits « populistes ». Peu sont néanmoins capables d'en identifier les causes profondes.
Dans Le Nœud démocratique (Gallimard), Marcel Gauchet poursuit un travail entamé depuis maintenant plusieurs décennies et la parution du Désenchantement du monde (1985), jusqu'aux deux tomes de Comprendre le malheur français (2017 et 2021), en passant par les quatre tomes de L'Avènement de la démocratie. Au fil de son œuvre, l'historien des idées met en lumière les conditions d'apparition de la démocratie libérale et les causes de son agonie actuelle. Pour lui, le problème provient du fait que notre société a accouché d'un « mélange de social-individualisme libertaire et d’économicisme libéral » antagonique à toute idée de collectif, pourtant essentielle à la démocratie.
Dans Le Nœud démocratique (Gallimard), Marcel Gauchet poursuit un travail entamé depuis maintenant plusieurs décennies et la parution du Désenchantement du monde (1985), jusqu'aux deux tomes de Comprendre le malheur français (2017 et 2021), en passant par les quatre tomes de L'Avènement de la démocratie. Au fil de son œuvre, l'historien des idées met en lumière les conditions d'apparition de la démocratie libérale et les causes de son agonie actuelle. Pour lui, le problème provient du fait que notre société a accouché d'un « mélange de social-individualisme libertaire et d’économicisme libéral » antagonique à toute idée de collectif, pourtant essentielle à la démocratie.
Vive le populisme du quotidien!
Par Philippe Bilger
Les Français sont en train de prendre conscience qu’après avoir bataillé pour se prémunir contre les « abus de pouvoir » de toute sorte, leur société est aux prises avec des « abus de droit ».
Il y a des moments d’actualité où le concept rejoint le tragique, où la réflexion de haut niveau s’accorde avec le bon sens triste et résigné. Où une étincelante analyse de Marcel Gauchet dans Le Figaro est confirmée, à hauteur de douleur – « toute ma vie a volé en éclats » – par la mère de Lola, deux ans après le meurtre de celle-ci.
Mais avant, sur un mode réduit, l’affrontement de deux France : celle du Monde qui dénonce « l’idéologie de Bruno Retailleau » et celle ignominieuse qui fait vivre un calvaire au jeune Nathan âgé de 15 ans parce que sur son compte TikTok il a partagé une vidéo où il pose avec Marine Le Pen. La haine des réactions à son encontre dépasse l’entendement. Tous les boucliers naturels ont sauté : le respect du troisième âge, la protection de l’enfance.
Pour Le Monde, avoir des idées conservatrices, une pensée structurée, la mettre en application sur le plan régalien à partir de l’impact d’un réel qui chaque jour démontre sa dangerosité, c’est « l’idéologie de Bruno Retailleau ». La seule idéologie qui vaille est celle de gauche : brassant des naïvetés et des illusions contre la réalité.
Revenons à Marcel Gauchet qui dans son nouveau livre Le Noeud démocratique, définit le clivage politique de notre temps comme « l’opposition entre néolibéralisme et populisme ». Le premier a consisté longtemps à « mettre à l’abri les droits personnels de l’emprise abusive du politique » quand le second doit viser aujourd’hui à « réarmer les libertés du bras d’une autorité politique ».
Marcel Gauchet réhabilite le populisme qui « dans sa masse est pour l’efficacité de l’État dans le respect du droit. La sensibilité populiste ne comprend pas que les deux soient incompatibles. La non-exécution des OQTF, voilà un thème typique de l’exaspération populiste ». Il met en garde sur une dérive qui nous a conduits « après avoir lutté contre les abus de pouvoir, à nous mettre aux prises avec des abus de droit ».
Rien n’est pire, au quotidien, que de se priver de la parole douloureuse et dramatiquement irréfutable de citoyens qui ont vu leur vie sombrer parce que le crime a frappé, quand ils attendent le jugement et des réponses à leurs questions. Je crains que leur espérance judiciaire ne soit déçue.
Il n’empêche que la mère de Lola touche nos esprits et nos cœurs quand elle énonce ce que la tragédie lui a enseigné : « Malheureusement on est impuissant. On ne peut rien faire contre tous ces drames. C’est la France… J’espère qu’un jour les choses bougeront et que tout sera fait pour lutter contre toute la violence et l’insécurité qu’il y a dans ce pays. Il faut reconnaître que c’est de pire en pire… On a l’impression qu’on enlève tout aux policiers qui sont là pour nous protéger, alors que les voyous sont récompensés. Ce n’est pas normal. Il faut aussi que les gens qui n’ont rien à faire chez nous restent chez eux ». C’est la traduction simple et émouvante du populisme que Marcel Gauchet a défendu. Un populisme du quotidien.
Et faut-il vraiment, pour que la gauche politique et médiatique se rengorge, après un tel témoignage, s’en prendre à Bruno Retailleau qui n’a que le tort de penser et d’agir comme une immense majorité le souhaite ?
Les Français sont en train de prendre conscience qu’après avoir bataillé pour se prémunir contre les « abus de pouvoir » de toute sorte, leur société est aux prises avec des « abus de droit ».
Il y a des moments d’actualité où le concept rejoint le tragique, où la réflexion de haut niveau s’accorde avec le bon sens triste et résigné. Où une étincelante analyse de Marcel Gauchet dans Le Figaro est confirmée, à hauteur de douleur – « toute ma vie a volé en éclats » – par la mère de Lola, deux ans après le meurtre de celle-ci.
Mais avant, sur un mode réduit, l’affrontement de deux France : celle du Monde qui dénonce « l’idéologie de Bruno Retailleau » et celle ignominieuse qui fait vivre un calvaire au jeune Nathan âgé de 15 ans parce que sur son compte TikTok il a partagé une vidéo où il pose avec Marine Le Pen. La haine des réactions à son encontre dépasse l’entendement. Tous les boucliers naturels ont sauté : le respect du troisième âge, la protection de l’enfance.
Pour Le Monde, avoir des idées conservatrices, une pensée structurée, la mettre en application sur le plan régalien à partir de l’impact d’un réel qui chaque jour démontre sa dangerosité, c’est « l’idéologie de Bruno Retailleau ». La seule idéologie qui vaille est celle de gauche : brassant des naïvetés et des illusions contre la réalité.
Revenons à Marcel Gauchet qui dans son nouveau livre Le Noeud démocratique, définit le clivage politique de notre temps comme « l’opposition entre néolibéralisme et populisme ». Le premier a consisté longtemps à « mettre à l’abri les droits personnels de l’emprise abusive du politique » quand le second doit viser aujourd’hui à « réarmer les libertés du bras d’une autorité politique ».
Marcel Gauchet réhabilite le populisme qui « dans sa masse est pour l’efficacité de l’État dans le respect du droit. La sensibilité populiste ne comprend pas que les deux soient incompatibles. La non-exécution des OQTF, voilà un thème typique de l’exaspération populiste ». Il met en garde sur une dérive qui nous a conduits « après avoir lutté contre les abus de pouvoir, à nous mettre aux prises avec des abus de droit ».
Rien n’est pire, au quotidien, que de se priver de la parole douloureuse et dramatiquement irréfutable de citoyens qui ont vu leur vie sombrer parce que le crime a frappé, quand ils attendent le jugement et des réponses à leurs questions. Je crains que leur espérance judiciaire ne soit déçue.
Il n’empêche que la mère de Lola touche nos esprits et nos cœurs quand elle énonce ce que la tragédie lui a enseigné : « Malheureusement on est impuissant. On ne peut rien faire contre tous ces drames. C’est la France… J’espère qu’un jour les choses bougeront et que tout sera fait pour lutter contre toute la violence et l’insécurité qu’il y a dans ce pays. Il faut reconnaître que c’est de pire en pire… On a l’impression qu’on enlève tout aux policiers qui sont là pour nous protéger, alors que les voyous sont récompensés. Ce n’est pas normal. Il faut aussi que les gens qui n’ont rien à faire chez nous restent chez eux ». C’est la traduction simple et émouvante du populisme que Marcel Gauchet a défendu. Un populisme du quotidien.
Et faut-il vraiment, pour que la gauche politique et médiatique se rengorge, après un tel témoignage, s’en prendre à Bruno Retailleau qui n’a que le tort de penser et d’agir comme une immense majorité le souhaite ?
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