«Pour rétablir l'ordre et la sécurité, abandonnons les politiques qui depuis 30 ans nous mènent à un naufrage» - Par Frédéric Lauze
Frédéric Lauze, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), propose des solutions concrètes pour prendre à bras-le-corps la criminalité organisée et la délinquance. Selon lui, cela passe notamment par responsabiliser financièrement les parents des mineurs délinquants.
En matière de sécurité, le nouveau gouvernement doit se donner pour objectif de mettre fin à la montée régulière et inexorable de l'insécurité. L'organisation des Jeux olympiques a montré que quand il y a une volonté politique, il y a un chemin et que l'insécurité n'est pas une fatalité. La sécurité n'est ni de droite ni de gauche, et ce sont les plus défavorisés qui souffrent de la montée de la délinquance. Rétablir l'ordre et la sécurité signifie de mettre fin au fatalisme, de changer de méthode, de stratégie et d'abandonner les politiques qui depuis 30 ans nous mènent à un naufrage sécuritaire.
Il est totalement inefficace de mettre en place des politiques de sécurité portées par le ministère de l'Intérieur divergentes ou même en opposition avec la politique pénale du garde des Sceaux. Alors que la délinquance augmentait, François Hollande a ainsi supprimé dogmatiquement les peines planchers nécessaires mises en place par Nicolas Sarkozy, lequel avait supprimé d'un trait de plume en 2002 la police de proximité mise en place par Lionel Jospin en 1997, alors qu'il aurait fallu la maintenir mais la réformer et la doter d'un volet répressif.
L'objectif du nouveau gouvernement dans sa réflexion sur la sécurité doit être de réduire les opportunités de passage à l'acte des délinquants et de réduire la rentabilité de l'acte criminel. Rétablir la sécurité ne peut se faire sans rétablir la dissuasion judiciaire. Changer de méthode, c'est aussi établir une totale transparence sur le coût annuel de la délinquance et sur la courbe et les statistiques de la délinquance. Les budgets de la police et de la justice doivent être sanctuarisés mais il faut que l'opinion publique et nos élus prennent conscience que la dilution de l'autorité et de la dissuasion judiciaire aura un coût en termes budgétaires et en effectifs de plus en plus lourd.
Il faudra s'attaquer à bras-le-corps à la fois au haut du spectre, la criminalité organisée et mettre en place des politiques publiques de sécurité contre la petite et la moyenne délinquance. Pour cela, il faut construire un continuum de sécurité déconcentré au niveau local : collectivités locales, police, gendarmerie, et justice doivent travailler de façon coordonnée sur des objectifs concrets et déconcentrés de lutte contre la délinquance. La police nationale, quant à elle, doit être plus visible, plus présente sur la voie publique, plus accessible, plus piétonne. À côté de la nécessaire police d'intervention (type BAC) et police secours, il faut des policiers généralistes pour aller au contact de la population, pour rassurer, dissuader et sécuriser. Le premier allié et atout de la police nationale : c'est la population.
Il est nécessaire de rétablir des courtes peines de prison et de créer enfin les 30.000 places de prison nécessaires. Les jugements rendus par l'autorité judiciaire ne peuvent pas être conditionnés par la taille du parc carcéral notoirement insuffisant au regard des standards européens.
Il est nécessaire que la politique pénale et l'application des peines soient lisibles et dissuasives. Pour cela, pas besoin d'augmenter le quantum des peines ! Pour établir la dissuasion, ce qui compte, c'est la rapidité et la certitude de la sanction. Une peine avec sursis… c'est du sursis. Par contre, une peine de prison ferme doit signifier «incarcération immédiate du condamné à l'issue de l'audience». Pas d'aménagement de peine ferme. On doit s'attaquer avec un traitement spécial rapide et dissuasif aux mineurs ou majeurs multiréitérants qui bien que minoritaires (moins de 10% des mis en cause) représentent plus de 50% de la commission des actes de délinquance contre les personnes et les biens.
Il faut aussi responsabiliser financièrement les auteurs d'actes délictueux, y compris les parents des mineurs délinquants d'habitude. Lorsqu'un conducteur commet une infraction, pas de sursis, pas de rappel à la loi… Outre les retraits de points, il y a des amendes sonnantes et trébuchantes. Il doit en être de même au niveau délictuel. Il faut aussi se concentrer sur l'échec scolaire et les exclusions d'élèves dès le collège, avec un accompagnement parental ciblé et responsabilisant. Les politiques de prévention de la délinquance doivent être évaluées comme les sorties de la délinquance, riches d'enseignements.
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Le partenariat opérationnel entre la justice, la police et les autorités municipales doit systématiquement s'étendre aux offices d'HLM et les opérateurs comme les transporteurs. Les règlements intérieurs des HLM doivent être appliqués, leurs manquements sanctionnés dès les premières incivilités. Il faut développer la vidéo protection, encourager la présence humaine et le retour des gardiens d'immeuble dans le parc HLM qu'il faudra défendre en cas de menaces et d'agression. Il est impensable qu'en 2024, dans des grandes villes, il n'y ait pas un système de vidéo protection dense et une police municipale armée.
Enfin, en matière de criminalité organisée, la feuille de route est toute tracée, avec les préconisations pertinentes de la commission sénatoriale sur le narcotrafic. La lutte contre le narcotrafic n'est pas qu'une question de sécurité, c'est un enjeu de souveraineté ! Rétablir la sécurité n'est pas qu'une affaire de création de lois, le plus important est leur effectivité mais également associer l'opinion publique aux débats sur la sécurité, qui est une question de morale et de civisme. Tacite disait : «Quand un peuple n'a plus de mœurs, il crée des lois». Nous avons besoin d'une prise de conscience politique, du centre, de la droite et de la gauche. Puis policiers et gendarmes seront là pour relever le défi, ils feront baisser la délinquance.