« No cuenten con nosotros ». La vision du monde de Javier Milei - Par Nicolas Lecaussin et Jean-Philippe Feldman
Au sommet du G20, Javer Milei a prononcé un discours de rénovation de la gouvernance mondiale qui exprime une vision opposée aux directions actuellement prise. Analyse par l'IREF.
LIRE PREALABLEMENT - « No cuenten con nosotros ». La vision du monde de Javier Milei (DOCUMENT)« La coopération internationale doit respecter la souveraineté des nations et les droits des individus » - Par Nicolas Lecaussin
Au sommet du G20 qui se tient en ce moment à Rio de Janeiro, le président argentin Javier Milei a prononcé un discours consacré aux libertés. Il a rejeté, en partie du moins , la déclaration finale du sommet en condamnant l’évolution de la coopération internationale vers toujours plus de contraintes, d’impositions, d’interventionnisme… Voici plusieurs extraits de son discours :
« Chers membres de cette assemblée,
Les organismes et forums internationaux qui forment aujourd’hui la communauté internationale ont été créés avec l’esprit que toutes les nations impliquées pourraient se réunir pour coopérer de manière volontaire, en tant qu’égales et autonomes, pour, entre autres, protéger les droits fondamentaux des individus. Cela est gravé dans le marbre à l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui stipule que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Cependant, aujourd’hui, près de 70 ans après l’inauguration de ce système de coopération internationale auquel nous, les présents, ainsi que le reste des nations du monde participent, il est temps de reconnaître que ce modèle est en crise, car depuis longtemps, il a manqué à son objectif initial.
Premièrement, parce que nous avons échoué à remplir le mandat de coopération internationale volontaire. Aujourd’hui, ce qui régit la communauté internationale est un système d’imposition, et non de coopération symétrique et autonome.
Deuxièmement, et plus important encore, parce que bon nombre des politiques promues avec insistance par la communauté internationale violent les droits les plus fondamentaux des citoyens du monde, à savoir le droit à la vie, à la liberté et à la propriété privée. Car aujourd’hui, bien que certains n’osent pas le dire à voix haute, nous sommes nombreux au sein de la communauté internationale à considérer que « gouvernance mondiale » est synonyme d’impositions de toutes sortes à nos nations et à nos citoyens. Cela va des barrières à la production et au commerce, aux mandats de censure de la libre expression, en passant par des normes culturelles et des conditionnements à l’accès au marché du crédit.
Le problème, c’est que ces décisions ne sont pas des accords entre parties, mais des exigences, car ceux qui osent avoir un point de vue différent sont réprimandés. Cela signifie que les mécanismes de gouvernance mondiale n’offrent pas un canal de dialogue entre semblables. Ils offrent seulement deux choix : soumission ou rébellion.
Eh bien, plutôt que d’être esclaves, nous préférons la rébellion. C’est pourquoi je vais profiter de cette occasion pour clarifier la position de notre administration sur certaines revendications de la soi-disant « gouvernance mondiale ». S’il s’agit de restreindre la liberté d’opinion, ne comptez pas sur nous. S’il s’agit de transgresser le droit de propriété des individus par des impôts et des réglementations, ne comptez pas sur nous. S’il s’agit de limiter le droit des pays à exploiter librement leurs ressources naturelles, ne comptez pas sur nous. S’il s’agit d’inventer des privilèges de sexe, de race, de classe ou de toute minorité et de nier le principe d’égalité devant la loi, ne comptez pas sur nous.
S’il s’agit d’imposer une intervention étatique accrue dans l’économie, ne comptez pas sur nous.
Nous croyons que la coopération internationale peut être bénéfique pour tous, oui, mais pour cela, il est indispensable de respecter la souveraineté des nations et les droits des individus. »
Javier Milei au G20 : « La coopération internationale doit respecter la souveraineté des nations et les droits des individus » - IREF Europe FR
Le Président argentin Javier Milei et les droits de l’homme - Par Jean-Philippe Feldman
Nous souhaiterions ici, non pas nous focaliser sur les relations internationales, mais scruter la philosophie des droits de l’homme de Javier Milei telle qu’elle exsude du texte. Précisons en liminaire que la déclaration est inévitablement brève et qu’elle ne pouvait prendre la forme d’une leçon de philosophie ou d’économie (encore que beaucoup de participants en eussent eu bien besoin…). Cela signifie qu’elle doit être comprise parfois de manière explicite, parfois de manière implicite.
Le président argentin part de la première phrase de l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), qui énonce que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », pour des motifs tactiques évidents. En effet, il s’agit d’une rencontre internationale et le texte, adopté à l’assemblée générale des Nations Unies en 1948, est l’un des plus célèbres qui soient. Mais Javier Milei se contente d’une phrase, certes essentielle et conforme à la pensée libérale, sans se référer au reste du texte qui n’est autre qu’un compromis entre des conceptions divergentes sur les droits de l’homme, conception marxiste incluse (contrairement à une confusion souvent commise, la DUDH ne se confond pas avec notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et ce n’est pas parce qu’elle se proclame « universelle » qu’elle est pour autant impeccable, loin de là).
Immédiatement après, le président argentin oublie implicitement la Déclaration pour donner un concentré de la conception libérale des droits de l’homme. Le point essentiel est qu’il entérine entre les lignes la pensée du philosophe anglais de la fin du XVIIe siècle John Locke, selon lequel tout homme est détenteur d’une propriety, mot qu’il comprend dans une triple dimension, reprise par Javier Milei : « vie, liberté et propriété (au sens de l’appropriation, par définition privée) ».
Le président argentin déclare ensuite que lorsque cette conception n’est pas respectée, il n’existe qu’une alternative : la soumission, autrement dit l’esclavage, ou la rébellion, là encore dans une conception congruente à celle de Locke.
Si l’on relie les différentes parties de son discours, on peut séparer, d’une part, la conjugaison des droits de l’homme cités sur la base du triptyque « vie, liberté, propriété » et, d’autre part et par contrecoup, les termes ou les idéologies qui s’y opposent :
- Javier Milei défend la liberté d’opinion ou d’expression et il lui oppose la censure.
- Il défend la propriété privée et il lui oppose les impôts et la réglementation qui la minent.
- Il défend l’égalité devant la loi et il lui oppose tout à la fois les « privilèges de sexe, de race, de classe ou de toute minorité », autrement dit le féminisme, le socialisme et le communisme, comme toutes les formes de wokisme.
Enfin, il rejette les « barrières à la production et au commerce » (Emmanuel Macron a dû apprécier en pleine crise de l’accord du Mercosur…), donc le protectionnisme, et « une plus grande intervention de l’État dans l’économie » et ce, sous couvert de « gouvernance mondiale », objet de l’allocution.
Par ce discours, Javier Milei confirme qu’il est l’un des très rares dirigeants dans le monde à défendre les principes du libéralisme. Il le fait par surcroît avec talent et conséquence.
Le Président argentin Javier Milei et les droits de l’homme - IREF Europe FR