25 décembre entre 496 et 508 (?) : Baptême de Clovis

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Le 25 décembre 496, Clovis (v. 466-511), roi de France, est baptisé à Reims par saint Remi (v. 433-533), faisant de la France la fille aînée de l'Église : voilà ce que nous ont appris les manuels scolaires, qui s'inspirent du récit de Grégoire de Tours (v. 539-594). La réalité est moins simple. Si Clovis a bien été baptisé une nuit de Noël, probablement entre 496 et 508, il ne pouvait être roi de France, puisque celle-ci n'existait pas en tant que telle…

Le baptême de Clovis, fondement lointain de notre roman national

En liant, a posteriori, le baptême du roi franc à un sacre, l’Église a posé les fondements de la royauté française : le roi tient son pouvoir de Dieu.

Par Francis Simonis
Le baptême de Clovis, fondement lointain de notre roman national

« Courbe-toi, fier Sicambre »

« Il arriva que, les deux armées se battant avec un grand acharnement, celle de Clovis commençait à être taillée en pièces ; ce que voyant, Clovis éleva les mains vers le ciel, et le cœur touché et fondant en larmes, il dit : “Jésus-Christ, que Clotilde affirme être Fils du Dieu vivant qui, dit-on, donne du secours à ceux qui sont en danger, et accorde la victoire à ceux qui espèrent en toi, j'invoque avec dévotion la gloire de ton secours : si tu m'accordes la victoire sur mes ennemis, et que je fasse l'épreuve de cette puissance dont le peuple, consacré à ton nom, dit avoir relu tant de preuves, je croirai en toi, et me ferai baptiser en ton nom ; car j'ai invoqué mes dieux et, comme je l'éprouve, ils se sont éloignés de mon secours ; ce qui me fait croire qu'ils ne possèdent aucun pouvoir, puisqu'ils ne secourent pas ceux qui les servent. Je t'invoque donc, je désire croire en toi ; seulement que j'échappe à mes ennemis.” Comme il disait ces paroles, les Alamans, tournant le dos, commencèrent à se mettre en déroute ; et voyant que leur roi était mort, ils se rendirent à Clovis, en lui disant : “Nous te supplions de ne pas faire périr notre peuple, car nous sommes à toi.” Clovis, ayant arrêté le carnage et soumis le peuple rentra en paix dans son royaume, et raconta à la reine comment il avait obtenu la victoire en invoquant le nom du Christ.

Alors la reine manda en secret saint Remi, évêque de Reims, le priant de faire pénétrer dans le cœur du roi la parole du salut. Le pontife, ayant fait venir Clovis, commença à l'engager secrètement à croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et à abandonner ses idoles qui n'étaient d'aucun secours, ni pour elles-mêmes ni pour les autres. Clovis lui dit : “Très saint Père, je t'écouterai volontiers ; mais il reste une chose, c'est que le peuple qui m'obéit ne veut pas abandonner ses dieux ; j'irai à eux et je leur parlerai d'après tes paroles.” Lorsqu'il eut assemblé ses sujets, avant qu'il eût parlé, et par l'intervention de la puissance de Dieu, tout le peuple s'écria unanimement : “Pieux roi, nous rejetons les dieux mortels, et nous sommes prêts à obéir au Dieu immortel que prêche saint Remi.” On apporta cette nouvelle à l'évêque qui, transporté d'une grande joie, ordonna de préparer les fonts sacrés. On couvre de tapisseries peintes les portiques intérieurs de l'église, on les orne de voiles blancs ; on dispose les fonts baptismaux ; on répand des parfums, les cierges brillent de clarté, tout le temple est embaumé d'une odeur divine, et Dieu fit descendre sur les assistants une si grande grâce qu'ils se croyaient transportés au milieu des parfums du Paradis. Le roi pria le pontife de le baptiser le premier. Le nouveau Constantin s'avance vers le baptistère, pour s'y faire guérir de la vieille lèpre qui le souillait, et laver dans une eau nouvelle les taches hideuses de sa vie passée. Comme il s'avançait vers le baptême, le saint de Dieu lui dit de sa bouche éloquente : “Courbe-toi, fier Sicambre : adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré.” Saint Remi était un évêque d'une grande science, et livré surtout à l'étude de la rhétorique ; il était si célèbre par sa sainteté qu'on égalait ses vertus à celles de saint Silvestre. […]

Le roi, ayant donc reconnu la toute-puissance de Dieu dans la Trinité, fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et oint du saint chrême[mélange d'huile d'olive et de baume]avec le signe de la croix ; plus de trois mille hommes de son armée figent baptisés. On baptisa aussi sa sœur Alboflède, qui, quelque temps après, alla joindre le Seigneur. Comme le roi était affligé de cette perte, saint Remi lui envoya, pour le consoler, une lettre qui commençait ainsi : “Je suis affligé autant qu'il faut de la cause de votre tristesse, la mort de votre sœur Alboflède, d'heureuse mémoire ; mais nous pouvons nous consoler, car elle est sortie de ce monde plus digne d'envie que de pleurs.” »

Grégoire de Tours, Histoire des Francs, 591, in Mémoires relatifs à l'histoire de France, François Guizot (1824).

Pourquoi Clovis a-t-il été baptisé ?

Clovis a été baptisé pour un ensemble de raisons, tant personnelles que politiques. Ce qui est sûr, c’est que cet événement est l’un des faits marquants de l’histoire de la future nation française.

En annexant la Gaule romaine, les Francs doivent composer avec les croyances religieuses de la population. À la fin du Ve siècle, les Gallo-romains sont majoritairement catholiques, tandis que les Francs sont païens. Clovis, qui succède à son père Childéric à 15 ans, décide de faire un premier pas en direction de l'Église en épousant la princesse catholique Clotilde, fille du roi des Burgondes. De plus, en remportant plusieurs batailles qui semblaient mal engagées, Clovis y voit une intervention divine et décide de se convertir au christianisme.

Le baptême de Clovis par l'évêque Remi a lieu avec faste dans la Cathédrale de Reims. Le roi des Francs est baptisé en même temps que 3.000 de ses guerriers. On raconte qu'au cours de la cérémonie, Clovis a interrompu l'évêque lorsque ce dernier a évoqué la passion du Christ. Il se serait ainsi écrié : « Si j'avais été là avec mes Francs, j'aurais vengé le Christ ».

Baptême de Clovis : le choix symbolique du 25 décembre

En choisissant le jour de Noël de l'an 496 (ou 498 selon certains historiens), Clovis joue volontairement avec le symbole de la célébration de la naissance du Christ pour insister sur sa renaissance spirituelle. Au moins trois personnes ont joué un grand rôle dans sa conversion : son épouse Clotilde, mais aussi les évêques de Reims et d'Arras.

La relation qui lie l'Église au souverain des Francs est utile pour chacune des deux parties, car si les prélats catholiques ont besoin d'un protecteur face aux rois ariens, Clovis, lui, doit changer son image de chef barbare sanguinaire.

Pourquoi Clovis a-t-il été baptisé ?