5 décembre 1360 : Création d’une nouvelle monnaie, le franc
«Nous avons ordonné et ordonnons que le denier d'or fin que nous faisons faire à présent et entendons à faire continuer sera appelé Franc d'Or.» Tel est l'acte de naissance du franc: une ordonnance promulguée le 5 décembre 1360 à Compiègne par le roi Jean le Bon.
EN BREF : En pleine guerre de Cent ans, lors de la bataille de Poitiers en 1356, le roi Jean II le Bon a été fait prisonnier par les Anglais. Le roi Édouard III exige pour sa libération, dans le cadre d’un traité, outre d’importantes concessions territoriales, le versement d’une rançon de trois millions d’écus d’or soit environ 12,5 tonnes d’or. C’est à cette occasion qu’est créé le premier franc de l’histoire monétaire, dit « franc à cheval ». Franc parce qu’il a été frappé pour l’affranchissement du souverain français - Franc signifie libre en ancien français- et « à cheval » parce qu’il représente le roi sur sa monture. Il sera ensuite remplacé par le « franc à pied » montrant le roi de France...à pied.
En 1795, la Convention révolutionnaire élit cette éphémère monnaie médiévale étalon monétaire de la République en lieu et place de la vieille livre royale héritée de l'Empire romain.
Le franc-or Loi du 18 germinal an III (7 avril 1795): c'est l'acte de naissance du franc comme unité monétaire officielle; il le restera jusqu'au passage officiel à l'euro, le 1er janvier 1999. Curieusement, le choix du franc s'est fait presque incidemment, sans grand débat, à l'occasion du vote de la loi qui fixe la nomenclature des nouvelles mesures républicaines: le mètre, l'are, le stère, le litre, le gramme et «enfin l'unité des monnaies qui prendra le nom de franc pour remplacer celui de livre, usité jusqu'à aujourd'hui». Mais un décret ne suffit pas à instituer une monnaie crédible. En 1795, la banqueroute des assignats n'est pas encore consommée, l'anarchie monétaire est totale. Il faut attendre le Consulat et Bonaparte pour que le franc devienne une monnaie forte grâce à la loi du 7 germinal an XI (23 mars 1803), qui définit sa valeur par un poids fixe de métal précieux, argent ou or. Une valeur que ce franc Germinal, bientôt rebaptisé franc-or, conserve jusqu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, malgré les guerres et les révolutions du XIXe siècle. Un moment même, Napoléon III rêve de faire du franc, qui est déjà la monnaie commune de l'Union latine, la base d'une monnaie universelle et réunit à Paris une conférence monétaire mondiale. La conférence échoue, mais sa tenue même illustre le prestige du franc-or.
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Les années de plomb Si le franc gagé par le stock d'or de la Banque de France a joué un grand rôle dans la victoire, il ne se remettra jamais de la Grande Guerre et arrivera affaibli, dévalué, à la seconde conflagration, qui faillit l'engloutir. 1940-1944, les années de plomb de la monnaie française. Dès juin 1940, l'Allemagne nazie impose ses règles du jeu: «Le rapport monétaire entre le Reichsmark et le franc français est fixé comme suit: 1 franc = 0,05 Reichsmark.» Un taux de change spoliateur qui sous-évalue le franc d'au moins 50% et le transforme en monnaie satellite du mark, avec le même taux de change que le dinar serbe, le mark finlandais ou le kuna croate! «Le franc n'a pas besoin d'avoir plus de valeur qu'un certain papier réservé à un certain usage!» vitupère Goering. D'ailleurs, que vaut la monnaie d'un pays où les prix officiels sont factices, où pour le moindre achat il faut ajouter aux francs un ticket de rationnement et où le marché noir est roi? Un épisode peu connu de la Libération illustre le discrédit qui frappe désormais la monnaie française: les GI débarquant en Normandie sont dotés de billets libellés en francs et imprimés à Philadelphie par la Trésorerie des Etats-Unis. Ces vignettes, format dollar, ne font référence à aucune autorité émettrice française: le recto indique la valeur sous le libellé «Emis en France»; le verso porte seulement la devise «Liberté, Egalité, Fraternité». De Gaulle s'insurge contre cette «fausse monnaie», mais les Alliés passent outre et impriment pour 82 milliards de francs de ces vignettes.
Le nouveau franc Les lendemains de la guerre sont pour le franc une longue glissade, une suite de dévaluations à peine interrompue par le sursaut Pinay, en 1952. Le franc est la monnaie malade de l'Europe, surtout comparé au jeune et vigoureux deutsche Mark. Tant et si bien que le gouverneur de la Banque de France, Emmanuel Mönick, va jusqu'à proposer dans un rapport secret sa disparition et son remplacement par une monnaie «dense»: «Les Français ne croient plus qu'ils possèdent encore une monnaie valable... La faillite du franc ne fait plus de doute pour personne... Le public dit: ?Il faut repartir de zéro; le franc, trop malade pour être sauvé, corrompt tout l'organisme économique. Il faut une monnaie nouvelle.?» Le rapport suggère même un nouveau nom: la livre! Mais les gouvernements de la IVe sont trop faibles et trop éphémères pour engager une telle réforme. Il faut le retour au pouvoir du général de Gaulle, en 1958, pour que la création d'un franc lourd (comme on dit désormais) revienne à l'ordre du jour. «Il sera créé une nouvelle unité monétaire dont la valeur sera égale à 100 francs», décrète l'ordonnance du 27 décembre 1958. Mais la création du «nouveau franc» ne serait qu'un tour de passe-passe arithmétique si elle ne s'accompagnait d'une vaste réforme économique visant à rétablir les comptes du pays, à ouvrir les frontières et à stabiliser les changes. Afin, déclare le Général sur les ondes, de rendre «au vieux franc français une substance conforme au respect qui lui est dû». Forcissement de la monnaie qui donne à de nombreux Français un douloureux sentiment d'appauvrissement. Au Conseil des ministres suivant, une Excellence rapporta les craintes de son chauffeur: «J'ai lu dans les journaux qu'on allait enlever deux zéros. Alors, nous ne serons plus millionnaires?» Et le Général de répondre: «Dites-lui qu'au lieu d'enlever deux zéros on pourrait en mettre deux. Comme ça, tout le monde serait milliardaire!»
«Contre-valeur de X nouveaux francs»: les Français vont durant quelques années s'habituer à cette surcharge rouge appliquée sur les anciennes coupures. Ce procédé économique qu'autorise la simple division par 100 donne plus de temps pour imprimer les nouveaux billets et frapper les nouvelles pièces, pour lesquelles de Gaulle fait ressortir la Marianne des pièces de son enfance. Et la Banque de France met en circulation le Molière, un billet de réserve préparé en 1957 «pour le cas où interviendrait une réforme monétaire créant un franc lourd». Sa valeur, considérable alors, de 500 NF, le fait aussitôt surnommer «l'Avare».
Histoire du Franc : 1360-2002
Éditeur : Flammarion (1 septembre 1998)
Langue : Français
Poche : 446 pages
ISBN-10 : 2080814141
ISBN-13 : 978-2080814142
Poids de l'article : 315 g
Dimensions : 10.8 x 2 x 17.8 cm