Alexandre del Valle : « Ceux qui ont réellement pris Damas étaient pour la plupart des rebelles ‘classiques’ et non des djihadistes »
La Syrie a basculé, dimanche 8 décembre, dans une réalité inimaginable il y a seulement deux semaines : la dynastie Assad, qui a régné d’une main de fer sur le pays durant cinquante-quatre ans, s’est effondrée. Alexandre del Valle, géopolitologue, analyse ce bouleversement géopolitique majeur, et d’autres faits qui ont marqué l’actualité internationale.
Epoch Times : Le groupe islamiste HTS, dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, est dépeint comme le grand vainqueur de la chute du régime de Damas, avec désormais la possibilité qu’il prenne le contrôle total de la Syrie. Selon vos informations, le tableau de la situation syrienne est plus complexe qu’il n’y parait à première vue. Qu’en est-il ?
La presse affirme que le leader du HTS, Abou Mohamad Joulani, est le principal artisan de la chute de Bachar al-Assad. Pourtant, la réalité est bien différente : il ne dispose que de 60.000 hommes au maximum. Ceux qui ont réellement pris Damas étaient des rebelles « classiques » venus du sud de la Syrie, notamment de Derra, qui se sont ensuite dirigés vers la capitale. Dans le nord, les islamistes ont avancé par Alep et à l’est, les Kurdes ont étendu leur territoire.
Il est important de souligner qu’un grand nombre de rebelles ne sont ni djihadistes ni liés au HTS. Dans le sud, par exemple, les rebelles sont principalement composés d’anciens partisans du régime, qui avaient pris part à la révolution de 2011. Ces derniers, loin d’être des islamistes, étaient bien armés et ont négocié un retrait volontaire des militaires épuisés et sous-payés de Damas. Il ne s’agissait donc pas tant d’une conquête, que d’un auto-effondrement interne du régime, exacerbé par la pauvreté et les sanctions économiques.
Ainsi, Abou Mohamad Joulani, s’il a remporté une bataille médiatique dans une rébellion qui n’est en réalité pas menée uniquement par lui, n’est pas certain de pouvoir imposer son pouvoir sur l’ensemble de la Syrie depuis Damas.