«Il faut un gouvernement politique qui réponde aux dégâts de la mondialisation» - Par Julien Aubert
Ce qui manque à la France, c’est un rassemblement autour d’un projet national, qui ne soit pas au service du marché ou d’idéologies universitaires, estime l’ancien député LR Julien Aubert au lendemain de la démission de Michel Barnier.
Julien Aubert est un ancien député LR du Vaucluse et le président du collectif Oser la France.
Qu’on se félicite qu’il y ait une majorité pour détruire, sans se préoccuper de ce qu’il sera possible de rebâtir après, est irresponsable. En étant incapable de laisser vivre l’imparfait mais utile gouvernement Barnier, le système politique a démontré sa faiblesse, et nos parlementaires un court-termisme inquiétant. Établir des lignes rouges, des fronts et des barrages n’est pas très compliqué. Bien malin qui peut affirmer en revanche qu’il a la solution pour dégrouper la machine, gouverner le pays et sortir de ce guêpier. Il me semble qu’au vu des tempêtes que nous allons traverser, l’intérêt du pays nécessiterait qu’on assume quelques décisions que la lucidité commande, mais qui déplairont forcément aux Robespierre en herbe.
La première concerne la revanche que certains entendent prendre sur Emmanuel Macron en le poussant à la démission. C’est une erreur. Au-delà des défauts et des errements du président de la République, la charge qu’il occupe est la clé de voûte des institutions. Choisir la politique du pire pourrait le conduire à utiliser les outils qu’il a à sa disposition - l’article 16 - pour pallier l’instabilité gouvernementale, ce qui aggraverait les tensions démocratiques. Sur le plan théorique, tenter de le rendre responsable devant le Parlement en organisant une instabilité gouvernementale détruirait ce qui reste de la Ve République. Personne - à part Jean-Luc Mélenchon - n’est prêt aujourd’hui à se présenter à une élection présidentielle. On doit donc faire jouer la logique parlementaire du régime jusqu’en 2027. Au besoin, une nouvelle dissolution pourrait clarifier le rapport de forces.
La seconde concerne la menace d’inéligibilité pesant sur Marine Le Pen. Quoiqu’on puisse penser de sa culpabilité ou de sa responsabilité, cette perspective d’empêchement judiciaire a un effet gravement déstabilisant sur la démocratie, en privant le RN de son candidat naturel et en donnant l’impression aux Français qui ont voté pour elle qu’on veut les museler. L’instrumentalisation de l’affaire Fillon avait écœuré en son temps une partie des citoyens.
Il faut arrêter cette machine qui détruit de l’intérieur la démocratie : assumons le combat dans les urnes. L’ensemble des forces politiques s’honorerait à mettre au programme législatif du prochain gouvernement une modification de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique). Le Parlement en modifiant l’article 432-17 du Code pénal, pour rendre facultative la peine d’inéligibilité liée à un détournement de fonds, apaiserait le climat politique.
Une fois ces deux stabilisateurs politiques acquis, le bon sens commanderait ensuite de déterminer ce qu’on cherche et ce qu’on peut construire, au lieu de choisir un premier ministre et de voir ce que cela donne. Trois options sont sur la table : un gouvernement technique «faisant office» d’exécutif (option 1) ; un gouvernement d’union nationale (option 2) alliant l’ensemble des forces politiques (du RN à LFI) ; un gouvernement ayant une ligne politique identifiée (option 3). Dans les faits, le gouvernement Barnier, après avoir tenté de suivre l’option 2, était une option 1 prétendant être une option 3. Le problème était que le socle commun n’avait aucune envie de bâtir un programme commun.
La chute du gouvernement Barnier offre la possibilité de préciser ce que l’on souhaite obtenir demain. Je ne crois pas beaucoup à la possibilité d’unir des contraires et la perspective d’un (réel) gouvernement d’union nationale, au-delà des incantations, est chimérique. Reste donc à trancher entre un gouvernement technique et un gouvernement politique.
Un gouvernement technique s’attèlerait à payer les fonctionnaires, lever l’impôt et s’assurer que les fonctions vitales du pays restent opérationnelles. Ce serait déjà bien. Il ne pourrait cependant pas proposer des grandes réformes structurelles pour rendre au pays sa souveraineté financière. Immanquablement, il rendrait donc une nouvelle dissolution indispensable avant 2027. Un gouvernement «politique» serait un choix plus ambitieux mais surtout plus ardu. Il suppose de cesser de raisonner avec les schémas mentaux habituels puisque l’Assemblée nationale actuelle est divisée en trois blocs a priori non fongibles.
Dans les faits, il y a deux axes majoritaires qui ne se recoupent pas entièrement. En effet, le RN et le NFP se rejoignent sur un programme économique, largement teinté du souci de protéger les classes populaires et la qualité de vie des Français. La volonté commune d’abroger la réforme des retraites en est le symbole le plus éclatant. De leur côté, le RN, LR et une partie de la Macronie se rejoignent sur la politique sécuritaire et régalienne.
On comprend donc l’ironie du sort. Alors que le RN est à la fois dans deux coalitions d’idées, son isolement l’empêche d’être le pivot d’un gouvernement. Il faut donc cesser de penser l’alternative politique entre droite forte libérale ou gauche immigrationiste étatiste, et respecter le choix des Français qui sont à la recherche d’un nouveau paradigme, à la fois libéral (trop de charges), protectionniste (contre le Mercosur), social (au sens de la défense des services publics) et capable de remettre en place l’ordre républicain. Au croisement de ces aspirations, un Philippe Séguin aurait été le candidat idéal.
Ce qui manque à la France, c’est un rassemblement autour d’un projet national, qui ne soit pas au service du marché ou d’idéologies universitaires, et qui soit une réponse politique aux dégâts de la mondialisation. Un programme de redressement économique et de justice sociale, qui ne s’appuiera pas sur les mêmes partis en fonction des sujets. Actons ce programme puis cherchons ensuite le premier ministre. Enfin, au lieu de penser à 2027, pensons à la France !