Éric Delbecque : «Dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, une partie de l’État continue d’être irresponsable»
Une décennie après l’attentat qui a provoqué la mort de douze personnes, de nombreux responsables politiques ne semblent pas avoir pris au sérieux l’ampleur et la nature de la menace islamiste, s’inquiète l’ancien directeur sûreté de Charlie Hebdo, Eric Delbecque, qui publie Les Irresponsables aux éditions Plon.
Éric Delbecque est l’ancien directeur sûreté de « Charlie Hebdo » après l’attentat de 2015 et spécialiste de la sécurité intérieure.
LE FIGARO. - Vous avez été directeur de la sûreté de Charlie Hebdo et à ce titre vous avez partagé le quotidien des membres de la rédaction. Quel est-il ? Dix ans après, la menace est-elle toujours aussi intense et les mesures de sécurité aussi draconiennes ?
Éric DELBECQUE. - Bien sûr, elle demeure importante. Elle n’a jamais vraiment baissé en dix ans. Elle connaît des pics, mais son niveau moyen reste fort. Il faut donc conserver des mesures exigeantes. Hier comme aujourd’hui, concrètement, le quotidien de la rédaction est construit sur la vigilance. Elle est d’abord exercée par les policiers du SDLP qui protègent les personnalités les plus menacées, comme Riss. De façon plus générale encore, la sûreté de Charlie, ce sont des agents de sécurité privée en éveil permanent, rompus à des procédures très strictes – notamment de contrôle et de conditions d’accès dans un site tenu secret –, qui doivent inspecter précautionneusement le moindre courrier, scruter obsessionnellement des écrans de surveillance, surveiller des points névralgiques, lors des entrées et des sorties du personnel, porter des armes et des gilets pare-balles, et s’assurer du maintien en condition opérationnelle de l’ensemble des technologies de sûreté qui protègent le site.
À lire aussi Dix ans après l’attentat de Charlie Hebdo, la Maison du dessin de presse verra le jour à Paris
Il leur incombe de détecter tout comportement suspect et toute anomalie éventuelle, au sein du site ou en proximité. Jamais leur vigilance ne doit être prise en défaut, pas davantage que leur condition physique, leur sens de la discipline et leur maîtrise d’eux-mêmes. Chacun de ces hommes et femmes connaît par cœur ses fiches réflexes et ses consignes (strictes), car la moindre hésitation serait susceptible de produire des conséquences fâcheuses, voire funestes, en cas d’incident grave, de malveillance ou d’attaque. Le cas de Salman Rushdie nous prouva que nous devons toujours rester en veille face au djihadisme, même une ou deux décennies après un drame ou des menaces de mort…