J'ai lu et aimé : "Le changement climatique n'est plus ce qu'il était: vrais risques et attitudes rationnelles" de Judith Curry
Judith Curry est une climatologue américaine de premier plan, spécialiste des ouragans et des interactions entre l’atmosphère et les océans. Présente dans les groupes de travail du GIEC dès sa création, elle prend ses distances en 2009 à la suite du Climategate [1]et crée son blog Climate Etc pour accueillir un débat ouvert. En 2017 elle quitte l’université pour le secteur privé où elle prend la présidence du Climate Forecast Applications Network. Son ouvrage "Climate uncertainties and risk : rethinking our response" vient d'être traduit en français aux éditions l'Artilleur.
LIRE :Incertitudes et risques climatiques - Par Christian De Lavernee
L’une des plus grandes climatologues nord-américaines s’exprime sans détours.
Les dirigeants mondiaux affirment avec constance que le changement climatique est le plus grand défi auquel l'humanité est confrontée au 21e siècle.
Cependant, peu de progrès ont été réalisés dans la mise en œuvre de politiques visant à lutter contre ce changement climatique.
Judith Curry observe que le réchauffement causé par l’Homme est moindre que prévu, de sorte que l’objectif de rester en deçà d’une hausse de 2°c est atteignable.
La notion d’ « urgence climatique » s’est ainsi déplacée dans le discours médiatique : il s’agit moins de lutter contre le réchauffement (moindre que prévu) que contre les événements climatiques extrêmes censés en être la conséquence (pires que prévu). Or, les politiques de réduction des émissions sont inopérantes pour combattre la variabilité naturelle du climat et le risque d’événements extrêmes (dont la fréquence et l’intensité n’apparaissent en réalité pas du tout en augmentation).
Selon elle, comprendre l'incertitude profonde qui entoure le problème du changement climatique est une étape indispensable pour mieux évaluer les vrais risques.
Pour Judith Curry, il est urgent de choisir le réalisme et les solutions pragmatiques.
Judith Curry est une climatologue américaine, ancienne directrice de l’Ecole des Sciences de la Terre te de l’Atmosphère au GIT (Georgia Institute of Technology). Elle a dirigé plusieurs groupes de recherche pour le compte de l’Organisation Météorologique Mondiale) et publié de très nombreux ouvrages spécialisés.
Le changement climatique n'est plus ce qu'il était - Le site des éditions de l'Artilleur
Judith Curry : « Le changement climatique n’est plus ce qu’il était »
Par Benoît Rittaud
Nouvelle frappe des éditions de l’Artilleur, qui publient cette fois une traduction française du livre de la grande climatologue américaine Judith Curry. Cette célèbre repentie de l’alarmisme climatique, engagée médiatiquement en faveur du GIEC jusqu’à la fameuse affaire du Climategate de 2009 qui lui ouvrit les yeux sur les pratiques de son milieu scientifique, nous livre un irremplaçable témoignage de ce qui se joue dans les sciences du climat.
Modèle d’argumentation posée, l’ouvrage de Judith Curry commence par nous raconter comment l’idéologisation de la science a conduit des scientifiques à revêtir les habits de militants de causes sans rapport avec l’étude rationnelle du climat. L’analyse presque clinique de l’évolution du phénomène se conjugue au recours à des images frappantes et efficaces, comme le concept de « blanchiment de données » (comment « nettoyer » un ensemble de résultats pour que, de l’article scientifique au résumé puis au communiqué de presse, ne subsistent que les conclusions qui vont dans le sens voulu) à celui du « moment feu de camp » que nous vivons, où le but du jeu consiste à trouver l’histoire qui fera le plus peur.
Parfaitement informé et structuré, l’ouvrage donne à voir une lionne qui dévore tranquilllement son déjeuner, quartier de bœuf après quartier de bœuf. Quand elle pose sa patte sur la notion de consensus scientifique, quelques pages plus loin à peine il ne reste pas la moindre miette de cette chimère qui ne favorise que les biais de sélection et d’excès de confiance. Lorsqu’elle serre délicatement dans sa mâchoire la question de la décarbonation, le lecteur a vite fait de comprendre que les sommes astronomiques qui y sont consacrées n’ont rien d’une politique raisonnable. Jette-t-elle son dévolu sur les modèles climatiques, ou sur les scénarios de température pour 2050 ? Un conseil : ôtez vos doigts.
Il faut souhaiter à cette excellente synthèse le même succès que la traduction de celle de Steven Koonin (Climat, la part d’incertitude, L’Artilleur, 2022), qui a fait grand bruit il y a deux ans notamment grâce à la venue de l’auteur à Paris à l’invitation de l’Association des Climato-Réalistes. (Oui, oui, on essaiera de voir s’il nous est possible de faire venir aussi Judith Curry, mais n’anticipons pas…) Les deux livres ont pour points communs leur remarquable pondération, le caractère irréprochable de leurs sources, l’appel sincère à un travail qui réunirait toutes les bonnes volontés plutôt que les tenants d’un seul camp, et leur contenu remarquablement informatif qui donne beaucoup à réfléchir sur bien des questions comme celle du lien entre science et politique. En guise de conclusion, parmi la masse d’excellents conseils donnés par l’auteur, mentionnons par exemple celui-ci en forme d’avertissement adressé à nos démocraties .
L’expression « suivez la science » sonne bien. Mais la science ne conduit nulle part. Elle peut éclairer diverses lignes de conduite, quantifier les risques et les arbitrages. Mais pas faire des choix à notre place. En suivant la science, les décideurs évitent d’assumer la responsabilité des choix qu’ils font. Quand la science est invoquée pour légitimer le transfert de responsabilités d’un corps démocratique à un corps technocratique, le sort les décisions de l’arène du débat politique.
Le livre de la climatologue Judith Curry en version française
L’obsession climatique
Par Thomas Lepeltier
La question climatique a envahi tous les débats de société. Dans son livre Le Changement climatique n’est plus ce qu’il était (2024), la climatologue Judith Curry soutient que cette obsession n’est pas raisonnable et qu’elle est même nuisible.
Samedi 14 décembre, le cyclone Chido s’abat sur Mayotte, ravage l’île et cause de très nombreuses victimes humaines. Aussitôt, les experts et militants en tout genre se disputent pour savoir si le réchauffement climatique a une part de responsabilité dans cet événement tragique. La question n’a pourtant pas vraiment de sens, car il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de rattacher un unique événement à un phénomène global. Même si on arrivait à montrer que, en moyenne, la force des cyclones augmente avec le réchauffement climatique, il ne serait en effet pas évident de savoir si la force de celui-ci y trouverait son explication.
En revanche, une question fondamentale est de se demander comment les populations humaines auraient pu être mieux protégées. À cette question, la climatologue Judith Curry apporte, dans son livre Le Changement climatique n’est plus ce qu’il était (L’Artilleur, 2024) une réponse claire et à contre-courant des discours dominants. En substance, elle dit qu’il faudrait moins chercher à diminuer le taux de CO2 dans l’atmosphère que la pauvreté dans le monde, qui est la cause principale de la vulnérabilité face aux aléas climatiques.
Les biais du Giec
En tant que climatologue, ayant suivi de près les travaux du Giec, Curry ne remet pas en cause les études scientifiques sur l’évolution du climat. Mais, dans son livre, elle montre tout à la fois que la focalisation sur le taux de CO2 relève d’un biais méthodologique lié au fonctionnement même du Giec, que ces études comportent encore une grande part d’incertitude et que ce n’est pas en faisant de la diminution des émissions de CO2 une priorité que l’on protège au mieux les populations humaines.
Il faut bien comprendre que les recherches actuelles sur le climat se font dans un cadre schéma de pensée prédéfini. En 1992, la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique identifiait en effet ce dernier à la part de la variabilité du climat due aux activités humaines. Implicitement, la part due à la variabilité naturelle eut donc tendance à sortir des discussions. En outre, cette même convention partait du principe que le réchauffement était dangereux, sans considérer ses éventuels aspects bénéfiques, et visait à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Tacitement, il en découlait que l’élimination des énergies fossiles était le chemin à suivre en priorité. Or, fait remarquer Curry, il n’est pas du tout évident que la situation climatique nous est moins favorable de nos jours qu’elle ne l’était avant l’ère industrielle. Elle suggère même que rares seraient les gens « qui choisiraient [le climat], préindustriel, du 18e siècle » (p. 37).
Il y a bien sûr la possibilité que le changement climatique augmente la fréquence et l’intensité des inondations, des sécheresses, des feux de forêt et des ouragans. Mais, selon Curry, « il n’y a guère de preuves que le réchauffement récent ait aggravé de tels événements ». Elle soutient même que la « première moitié du 20e siècle a connu davantage de phénomènes météorologiques extrêmes que la seconde, durant laquelle le réchauffement causé par les activités humaines est censé être le principal responsable du changement climatique observé » (p. 41). Il y a certes une perception que les événements météorologiques extrêmes sont plus fréquents et plus graves. Mais elle estime que c’est dû « à l’augmentation de la population et [à] la concentration de la richesse dans les régions côtières et d’autres régions susceptibles de désastres » (p. 41). De toute façon, quand bien même ces événements augmenteraient, elle fait remarquer que le nombre de leurs victimes a diminué au cours du siècle, notamment grâce au développement économique.
Développement ou baisse des émissions
Cela étant dit, elle reconnaît que le réchauffement climatique pourrait devenir dangereux. Elle rappelle toutefois que les scénarios extrêmes du Giec sont, selon ses propres dires, peu probables. Quant à ceux qui sont le sont davantage, ils ne conduisent pas à une fin du monde, comme certains militants le prétendent. Ils peuvent bien sûr entraîner des problèmes, plus ou moins graves. Mais Curry soutient que, face à ces problèmes, il est légitime de discuter des recommandations politiques du Giec selon lesquelles l’objectif prioritaire est de réduire les émissions de CO2.
Elle explique en effet qu’un organisme scientifique ayant pour objectif de trouver un consensus n’a pas vraiment de sens au regard de l’activité scientifique, dans la mesure où les thèses minoritaires ont souvent un rôle crucial à jouer pour faire progresser la science. Or, en étant construit sur la recherche du consensus, cet organisme en vient, immanquablement, à minimiser les études divergentes et les incertitudes. En outre, ayant été mis sur pied à partir de l’idée que les émissions de CO2 sont néfastes, il a nécessairement un biais en faveur de leur réduction. Enfin, Curry rappelle que, si notre objectif est l’amélioration de la condition de vie des humains, il ne faudrait pas promouvoir une réduction du CO2 avant d’avoir vérifié que les conséquences économiques et sociales de cette mesure ne sont pas pires que les conséquences du réchauffement climatique.
Sur ce point, elle montre que, à ce jour, les impacts les plus dramatiques du changement climatique sont surtout les symptômes d’un sous-développement. Or les mesures de réduction du CO2 ont tendance à nuire au développement des régions qui en auraient le plus besoin. Il vaudrait donc mieux aider les populations de ces régions à s’enrichir, à avoir accès à de l’énergie bon marché et donc à mieux résister aux aléas climatiques qu’à baisser les émissions de CO2. Surtout que, comme Curry le fait remarquer, la réduction des émissions « n’aidera personne au cours des prochaines décennies, alors que les [mesures d’adaptations] soulagent les gens à court terme » (p. 85).
Enfin, pour bien faire comprendre que cette obsession pour la réduction du CO2 n’est pas raisonnable, Curry imagine la situation suivante : « Si le climat mondial se réchauffait au rythme actuel uniquement en raison de causes naturelles, l’humanité se sentirait-elle obligée de ralentir le réchauffement futur (peut-être par la capture directe du CO2 atmosphérique ou l’ingénierie du rayonnement solaire) ? C’est peu probable ; un tel contrôle du climat serait, à juste titre, considéré comme futile et/ou dangereux. Les hommes s’adapteraient, comme ils l’ont toujours fait, au changement climatique » (p. 458).
L’ouvrage suggère que, dans les débats sur le climat, c’est surtout le fait que ce soient les humains qui le modifient qui est jugé problématique. Autrement dit, on peut se demander si ce n’est pas l’image désuète d’un paradis perdu, souillé par l’activité humaine, qui nourrit le militantisme climatique et, parfois aussi, le travail des climatologues.