La nouvelle guerre d’Algérie - Par Jean-Baptiste Noé
Avec l’Algérie, Emmanuel Macron aura tout tenté. Lui qui n’est pas descendant de pied noir, qui n’a aucune histoire familiale avec ce pays, qui n’est pas de la génération de la guerre d’Algérie, il a eu les yeux de Chimène pour Alger, ne cessant pas de faire la danse du ventre aux autorités du pays, flagellant l’histoire de France pour tenter de se faire bien voir. Pour quelles raisons ? Mystère. Voulait-il apparaître comme le président qui réconciliait les mémoires ? Alors même que la plupart des Français n’ont que faire de ce pays. Durant son premier mandat, il n’a cessé de tendre la main à Alger, une main que Tebboune et sa suite n’ont cessé de mordre.
Rupture avec Alger
Avant la volte-face soudaine et stupéfiante de juillet 2024, où la France reconnaissait la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Une réconciliation incroyable avec le Maroc, alors que les relations entre Paris et Rabat étaient exécrables, une rupture soudaine avec Alger, alors que le dossier du Sahara occidental est un cas de casus belli, l’Algérie soutenant les séparatistes du Polisario. Rabat souriait, Alger mordait la poussière.
Puis vint l’anniversaire de la prise d’otage du vol Air France de 1994, le rappel de l’action héroïque du GIGN à l’aéroport de Marignane, le retour dans les années sombres de l’Algérie, celle de la guerre civile des années 1990, le rappel, aussi, du mauvais rôle joué par Alger durant cette prise d’otage, qui débuta sur son sol, et dont le gouvernement ne voulait répondre que par la force, au risque de provoquer un bain de sang parmi les passagers.
Avant cela, il y eut l’arrestation de Boualem Sansal, toujours détenu dans des conditions qui fragilisent un état de santé précaire, la mobilisation de ses amis et l’engagement du gouvernement français pour sa libération. Une arrestation qui démontre un raidissement du régime qui ne tolère plus aucune voix dissidente.
Un problème intérieur
Le problème de l’Algérie n’est pas qu’un sujet de relations internationales. C’est aussi, compte tenu de la forte diaspora sur le sol français, un sujet de politique intérieure. Ces derniers jours l’ont encore montré avec l’arrestation de plusieurs « influenceurs » qui utilisent surtout leur influence pour déstabiliser la France. La plateforme Pharos, rattachée à l’Ofac (Office français de lutte contre la cybercriminalité), veille pour repérer les messages haineux, remonter les filières, déterminer qui se cache derrière les comptes en ligne. Sur internet, les trolls algériens pullulent, associant un nationalisme exacerbé et une maîtrise aiguë des réseaux. Le régime Tebboune est encensé, les ennemis insultés et attaqués. Cela témoigne d’une nouvelle forme de menace et d’un nouveau type d’attaque, qui vise à l’agrégation de personnes autour d’un thème et à la mobilisation d’une communauté pour déstabiliser un opposant. La haine en ligne peut être particulièrement violente, surtout quand elle est conduite en meute. Nous sommes ici au cœur de cette nouvelle forme de la guerre qu’est la guerre hybride, dont la désinformation est l’une des formes. Il faudra un peu plus que l’expulsion de quelques excités des réseaux pour résoudre le danger.
La position de la mosquée de Paris interroge également les autorités. Elle ne représente nullement les musulmans de France, mais uniquement les musulmans algériens présents en France. Son recteur est algérien et elle reçoit des financements de l’Algérie. La Grande mosquée se défend d’être derrière les influenceurs algériens des réseaux et dit ne pas participer à cette guerre de déstabilisation. Toutefois, elle n’a pas réagi à l’arrestation de Boualem Sansal, mais a célébré, juste après son arrestation, le 70e anniversaire de la Toussaint rouge (1er novembre 1954). Qu’un tel anniversaire soit commémoré en France est chose bien curieuse.
En Algérie, la presse se déchaîne contre la France. Toujours présentée comme une puissance colonisatrice (savent-ils que l’Algérie est indépendante depuis 1962 ?), la France est accusée de tous les maux et porte toutes les responsabilités des malheurs du pays. Ce qui n’est pas très cohérent avec les trolls algériens qui expliquent que l’Algérie n’a aucun problème et se développe très bien.
La guerre froide qui touche les deux pays ne serait pas chose importante si cela ne posait Òun problème de sécurité intérieure. Les échanges économiques avec l’Algérie sont faibles, contrairement avec le Maroc où ils sont plus importants. Le gaz algérien n’a qu’un faible intérêt, la France ayant diversifié ses approvisionnements. Mais la diaspora algérienne est là, dont une partie peut être utilisée par le régime d’Alger pour nous déstabiliser. La menace de la violence est réelle aussi, la France gardant en mémoire, outre la prise d’otage de 1994, les attentats qui ont suivi sur le sol de France. C’était certes il y a trente ans, mais la montée des tensions pourrait les faire revenir. Loin d’être un dossier périphérique, la question algérienne est donc cruciale pour la sécurité intérieure du pays.
La nouvelle guerre d’Algérie | Institut Des Libertés