Philippe Val: «Dix ans après Charlie, passer son temps à pleurnicher reviendrait à trahir ceux qui sont morts»

Dix ans après l’attentat de Charlie Hebdo, Philippe Val, son ancien directeur* jette un œil rétrospectif sur ce drame, cette rédaction, et dénonce la démission morale d’une certaine intelligentsia française face à l’islamisme.


*Journaliste, ancien directeur de Charlie Hebdo de 2004 à 2009, puis de France Inter, Philippe Val a récemment publié Rires (Observatoire, 2024).

LE FIGARO. - Vous, l’ancien directeur de Charlie Hebdo, quel souvenir gardez-vous du 7 janvier 2015 ?

Philippe VAL. -
Le choc dissipe toute réflexion ; dans ces moments, on n’est pas là à tirer des grands principes. On tâche de se tenir debout, on se demande pourquoi on est encore en vie, soi. On pressent que ça demeurera irréparable et que l’on portera l’indicible toute sa vie, que l’on devra vivre avec tant bien que mal. Cabu, Wolinski et les autres, ces hommes avec qui j’ai longtemps travaillé, j’ai refait le monde avec eux des centaines de fois. La joie de vivre était leur ligne de conduite morale. Cela ne veut pas dire qu’ils ne traversaient pas l’angoisse ni la tristesse, mais il faut bien comprendre que la joie de vivre est nécessaire pour produire un hebdomadaire satirique. Maintenant qu’ils sont morts, on n’a pas le droit de passer son temps à pleurnicher, ce serait les trahir.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette rédaction, sur la façon dont elle a traversé les dix ans qui se sont écoulés depuis l’horreur, notamment le procès en 2020 ?

Je n’y connais plus tout le monde, mais je trouve cette rédaction très courageuse. C’est ô combien difficile de faire vivre un journal devenu un symbole, dans une forme de quasi-clandestinité. Du temps où je dirigeais Charlie, beaucoup de monde y passait, collègues, écrivains, artistes en tous genres. Un journal se nourrit aussi de cette convivialité, des gens qui lui sont proches et en font une famille ouverte. Ce n’est plus possible aujourd’hui pour des raisons de sécurité, mais ils persévèrent et pour cela ont toute mon estime.

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Au moment du procès en 2020, Riss (son actuel directeur de la publication, NDLR) a eu raison de republier les caricatures pour mettre en évidence leur caractère anodin. Mais aussi pour montrer à quel point cette affaire qui fit tant de morts part d’une fake news, puisque les caricatures qui ont mis le feu au Moyen-Orient ne sont pas celles qu’on a publiées en 2006, initialement parues dans le quotidien danois Jyllands-Posten. Autre leçon, si tous les journaux qui s’y étaient engagés avaient publié comme nous les caricatures, jamais il n’y aurait eu d’attentat, et peut-être l’islamisme n’aurait-il pas prospéré avec la même facilité chez nous.
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