Pour les passoires thermiques, un début d’année flou - Par Erwan Seznec

Théoriquement interdits à la location depuis le 1er janvier, nombre de logements classés G vont rester sur le marché. Explications de Erwan Seznec pour Le Point.


Au nom de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la lutte contre le mal-logement, au premier janvier 2025, des logements classés G en termes de diagnostic de performance énergétique ont été interdits à la location, même saisonnière, comme prévu par la loi Climat et Résilience de 2021.


Seraient concernés au maximum 90 000 logements du parc public et 646 000 logements du parc privé, dont 270 000 en copropriété. Les estimations datent de janvier 2023. Entre-temps, des propriétaires ont peut-être vendu ou fait des travaux.

Les autres sont confrontés à de nombreuses questions, s'ils sont bailleurs. Peuvent-ils encore louer à des locataires en place ? Oui, a confirmé le ministère de l'Écologie l'an dernier, en réponse à une question parlementaire. L'interdiction de louer de début 2025 ne concerne pas les baux en cours, mais seulement les logements « nouvellement mis en location ou dont le bail de location fait l'objet d'une mesure de reconduction expresse ou tacite », expliquait le ministère en janvier 2024.

Reconduction de bail, prudence

Dans le cas d'une reconduction tacite, toutefois, des doutes subsistent. Ils auraient dû être levés par le Parlement, mais la dissolution a perturbé le calendrier parlementaire. Une proposition de loi devrait être à nouveau examinée rapidement. En attendant, difficile d'assurer que le bail d'un logement classé G peut être tacitement reconduit sans risque pour le bailleur.

Pour que la reconduction tacite du bail (ou la location saisonnière) soit valable, il faudrait que des travaux de rénovation soient engagés ou programmés, mais les délais de réalisation à respecter restent flous.

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Les copropriétés, sur ce point, constituent un problème dans le problème. Selon la proposition de loi qui devrait arriver bientôt devant les parlementaires, les copropriétaires bailleurs pourraient être dispensés de l'interdiction de location dans deux cas.

Premier cas, l'assemblée générale des copropriétaires a « fixé un délai raisonnable pour la réalisation » des travaux de rénovation énergétique. « Raisonnable » signifierait, en l'occurrence, quelques années. L'échéance du 1er janvier 2028, qui verra disparaître du marché locatif des centaines de milliers de logements classés F, arrive au galop…

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Deuxième cas, fréquent, le bailleur peut prouver que la copropriété refuse les dépenses d'isolation (les propriétaires occupants sont souvent réticents ), et qu'il a lui-même « réalisé tous les travaux de mise en conformité et d'amélioration énergétique possibles au regard de ces contraintes ». Pour veiller au respect d'une telle disposition, il faut supposer que des agents de l'administration seront chargés de lire des comptes rendus d'AG de syndic et des devis, le tout avec une marge d'interprétation inévitable.

Une source de contentieux potentielle

Énième question, que se passe-t-il si le locataire refuse de déménager pendant des travaux rendant le logement inoccupable ? Le bailleur, alors, ne pourra pas être tenu responsable de louer une passoire thermique, a répondu le ministère. Mais le locataire qui joue le jeu peut-il exiger un dédommagement ou une solution de relogement ? Pas de réponse à ce stade.

Les occupants d'un logement G +, interdits à la location depuis janvier 2023, peuvent déjà exiger de leur propriétaire une rénovation énergétique. Si ce dernier refuse, les locataires sont en droit de saisir la commission départementale de conciliation ou le tribunal judiciaire, qui peut prononcer une réduction ou une suspension des loyers jusqu'à l'achèvement des travaux.

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Encore un peu d'incertitude : que se passerait-il si des locataires acceptaient en connaissance de cause de louer une passoire thermique classée G, pour se retourner contre le propriétaire une fois dans les lieux ? Le bail étant illégal, l'action serait-elle recevable ? Difficile de le savoir.

À ce stade, le brouillard réglementaire a déjà fait des perdants. Il s'agit des propriétaires qui ont vendu leurs présumées passoires thermiques en se résignant à une décote, parce qu'ils pensaient ne plus pouvoir la louer et qu'ils n'avaient pas les moyens d'engager des travaux d'isolation. Selon les données des notaires, toute chose égale par ailleurs, une maison classée F ou G perd jusqu'à 21 % de sa valeur par rapport à une maison classée D (et 11 % dans le cas d'un appartement).

Souvent DPE varie…

Précision, les DPE qui ont été réalisés avant le 30 juin 2021 ne sont plus valables depuis le 1er janvier 2025… Les diagnostics plus vieux encore étaient déjà obsolètes, car le DPE a été durci en 2021. En juillet 2024, au contraire, il a été assoupli ! Les seuils maximums d'émission de CO2 correspondant aux catégories critiques (E, F et G) ont été rehaussés d'environ 25 %, pour les logements de moins de 40 mètres carrés, avec effet rétroactif. Ordre du ministre du Logement. Le but avoué était de maintenir quelque 140 000 petits appartements sur le marché de la location, dans un contexte de pénurie d'offre.

La crédibilité du DPE n'en est pas sortie renforcée, alors qu'elle était déjà érodée par la fraude. Dans une étude publiée fin novembre 2024, le cabinet KRNO a mis en évidence une anomalie flagrante, simplement en étudiant les données de l'Ademe (ce que l'agence elle-même ne semble pas avoir fait…). Le nombre de logements classés à l'extrême limite des catégories C, D, E, F et G est anormalement élevé. Effet de seuil classique, tellement massif qu'il est ici visible à l'œil nu.

La répartition des logements par consommation d'énergie exprimée en kw/m2/an présente un profil totalement irréaliste, marqué par des effets de seuil brutaux.© Cabinet KRNO

Seule explication possible, les diagnostiqueurs surclassent massivement des biens qui se trouvent à la limite, par amabilité ou moyennant pot-de-vin. KRNO estime ainsi qu'un logement sur cinq classé F (19 % exactement) remonte en catégorie E dans les statistiques. Dans un rapport récent (et confidentiel) révélé par notre journal, l'Inspection générale des finances s'alarmait d'un taux de fraudes ayant atteint des proportions quasi industrielles.

Un oubli, le facteur humain

Au regard de la finalité du dispositif, qui est de réduire les émissions de CO2 du bâtiment, la fraude est peut-être sans grande conséquence… L'erreur est humaine, mais un vrai désastre nécessite un ordinateur, disait Bill Gates. Le DPE, qui a vu le jour en 2006, évalue les consommations énergétiques annuelles au mètre carré sur une base modélisée, abstraite, technique, sans aucune considération ni pour la réalité (la consommation des logements électriques est arbitrairement multipliée par 2,3, sans aucune raison rationnelle), ni pour le facteur humain, alors que ce dernier joue un rôle considérable.

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Début 2024, le Conseil d'analyse économique (CAE) a analysé les dépenses de chauffage d'un vaste panel de clients du Crédit mutuel. Il est arrivé à la conclusion que les écarts de consommation entre un logement A ou B et un logement G sont six fois moins importants que prévu par l'Ademe (qui, là encore, a été singulièrement peu clairvoyante). L'explication est simple. Les occupants des passoires thermiques ne poussent pas les thermostats. Ils enfilent un pull. À l'inverse, ceux des logements très bien isolés se relâchent. Entre 2010 et 2018, l'Allemagne a dépensé 341 milliards d'euros pour isoler ses logements, sans voir la consommation d'énergie diminuer…

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