Jean-Eric Schoettl : « Que s’est-il passé pour nous faire sonner le tocsin, alors qu’apparaît un espoir de paix ? »

L’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, Jean-Eric Schoettl, répond aux questions d’Epoch Times sur la manière dont l’administration Trump entend mettre fin à la guerre en Ukraine, les intentions de Vladimir Poutine et le partage de la dissuasion nucléaire française. Il revient également sur le réarmement de l’Europe.


Epoch Times : Jean-Eric Schoettl, comment analysez-vous la politique ukrainienne de Donald Trump ? La semaine dernière, il estimait qu’il était « plus facile » de traiter avec la Russie qu’avec l’Ukraine.

Jean-Eric Schoettl :
Les intentions de Trump me paraissent assez claires : arrêter la guerre sans lésiner sur le prix, surtout si la facture est payée par d’autres ; fonder la paix sur le business.

Le plan de paix mis en avant par Washington, si dérangeant que soit le contraste qu’il offre avec l’héroïsme ukrainien, vise à arrêter le massacre. Pourquoi Trump a-t-il tempêté contre Zelensky le 28 février ? Pourquoi lui a-t-il tordu le bras – en suspendant les livraisons d’armes – jusqu’à lui arracher un consentement public trois jours plus tard ? Est-ce parce que la situation de l’Ukraine lui est indifférente ? Non. C’est au contraire parce que l’obtention de la paix en Ukraine est, pour lui, un enjeu crucial.

Un enjeu sur lequel il s’est engagé au cours de sa campagne électorale et sur lequel il joue son prestige, à l’intérieur comme à l’extérieur des États-Unis. C’est en raison de cet état d’esprit que la posture churchillienne dans laquelle s’est drapé leur interlocuteur ukrainien le 28 février – attitude à laquelle ni Trump, ni Vance ne s’attendaient – a provoqué chez eux frustration et irritation. Ils ont donné libre cours à celle-ci dans leur style brutal, qui n’a évidemment rien à voir avec les convenances diplomatiques de la vieille Europe.

Trump et Vance sont sincèrement persuadés que leur plan peut apporter la paix, et même une paix durable. Ne comporte-t-il pas, pour chacun des belligérants, des garanties dont le président et le vice-président des États-Unis pensent qu’elles lui sont essentielles ? Quelles garanties ?

À la Russie, que l’Ukraine n’entrera pas dans l’OTAN (la menace de cette adhésion a en effet pesé lourdement dans la décision d’envahir l’Ukraine) et que les provinces prorusses (Donbass et Crimée) lui resteront acquises ; à l’Ukraine, que l’exploitation de ses terres rares par des entreprises américaines, conçue comme un « business gagnant gagnant », lui procurera les ressources nécessaires à sa reconstruction et fera résider sur son sol un nombreux personnel américain dont la présence devrait dissuader la Russie d’une nouvelle offensive.

Garanties illusoires ? L’imprévisibilité poutinienne les rend bien sûr aléatoires. Mais elles comportent des chances de succès supérieures à celles d’une fuite en avant conduisant à la victoire finale de la Russie.