Nicolas Baverez : «Grandeur et fragilité de l’État de droit»
Le déclin et l’éclatement de l’Occident sont indissociables de la crise de l’État de droit. Et la résolution de cette crise est, au même titre que le réarmement de l’Europe, une des conditions nécessaires pour la survie de la liberté politique au XXIe siècle.
L’État de droit est l’enfant des Lumières, au croisement des trois révolutions, anglaise - avec l’habeas corpus -, américaine - avec la Constitution et la séparation des pouvoirs - et française - avec la souveraineté nationale et l’universalité des droits de l’homme. Il a créé les conditions de la paix civile au sein des nations, permettant l’émergence de la société démocratique, de l’économie de marché puis des États-providence. Au plan international, les guerres mondiales du XXe siècle, marquées par l’immensité des pertes humaines et matérielles, ponctuées par la faillite morale inouïe de la Shoah, débouchèrent en 1945 sur la construction d’un ordre international visant à fonder la paix et la prospérité sur le droit.
Ces illusions furent balayées par les attentats du 11 septembre 2001, le krach de 2008, la pandémie de Covid, l’invasion de l’Ukraine par la Russie puis la guerre de Gaza. Une grande confrontation a été engagée par les empires autoritaires contre les démocraties et l’État de droit est mis en accusation comme s’opposant à la volonté et aux besoins des peuples. Sa suspension se trouve ainsi au cœur du modèle de démocratie illibérale inventé par Viktor Orban, puis exporté en Slovaquie, en Pologne avec le PiS et désormais aux États-Unis.