Déficit commercial par rapport à la Chine : la France paye les pots cassés de la désindustrialisation - Par Romain Delisle
Depuis le début des années 1990, la Chine s’est affirmée comme une puissance commerciale, fondant sa croissance sur l’industrie et l’exportation de biens produits par une main-d’œuvre peu coûteuse et efficace.
Au début du mois d’avril, Donald Trump a annoncé la mise en œuvre de tarifs protectionnistes augurant d’un retournement de plusieurs décennies de libre-échange (ou presque). Peu compétitives, les économies du Vieux Continent, et notamment celle de la France, ont également accumulé un déficit commercial par rapport à une Chine qui produit nombre des biens de consommation à bas coûts que nous importons.
L’immense déficit commercial américain (1212 Mds$ l’année dernière) se nourrit fortement de sa dépendance à l’empire du Milieu (avec un solde négatif de 295,2 Mds$ en ce qui concerne les échanges de biens) posant de nombreuses difficultés sur un plan économique et politique. La France, qui, de son coté, doit également importer ses hydrocarbures, se retrouve dans une situation identique, celle d’un pays qui ne produit plus assez de biens exportés pour financer ses importations.
Un déséquilibre aggravé par la désindustrialisation
En 2023, selon la Direction générale du Trésor, le déficit bilatéral du commerce extérieur franco-chinois s’élevait à 46 Mds€ en défaveur de l’économie tricolore et constituait 46 % de l’important déficit de sa balance commerciale cette année-là (99,6 Mds€). Le chiffre du déficit commercial bilatéral est d’ailleurs en constante augmentation depuis 2014, date à laquelle il n’était que de 27 Mds€.
Sans surprise, l’excédent commercial chinois est porté par ses exportations de matériel informatique et électronique (19,9 Mds€), d’électroménager (10,1 Mds€) et de textile (9,7 Mds€). La France, pour sa part,ne parvient pas à écouler de manière suffisamment forte les produits de ses secteurs d’excellence comme l’aéronautique (5,1 Mds€), le luxe (5,1 Mds€), l’agroalimentaire (3,8 Mds€) et les produits pharmaceutiques (2 Mds€).
« L’atelier du monde » s’est, en fait, spécialisé dans l’accumulation d’importants excédents commerciaux auprès de l’ensemble du monde développé. Comme le montrait en 2022 le Conseil d’analyse économique, aucun pays européen, si ce n’est l’Irlande, n’arrive à équilibrer sa balance commerciale bilatérale et à importer plus qu’il n’exporte :
Concurrence inégale et percée de l’automobile chinoise
Plus grave encore : à cause notamment des pressions exercées sur les entreprises automobile pour passer au tout électrique, les exportations de véhicules français vers la Chine n’atteignent plus que 38 millions d’euros, alors que les voitures électriques chinoises sont en plein essor (+151 % en 2023) et représentent 3 milliards d’euros d’exportations. Il y a seulement dix ans, en 2015, c’était l’Hexagone qui était encore excédentaire sur cette catégorie de biens.
La stratégie chinoise, baptisée Made in China 2025, visait naturellement à remonter les chaînes de valeur, à produire des biens à plus forte valeur ajoutée que ceux, comme le textile ou l’industrie légère, qui avaient permis le décollage de son économie dans les années 1980, ainsi qu’à localiser les activités de R&D sur son sol.
Dans ce cadre, de nombreux cas d’atteintes à la concurrence sont à signaler, qu’il s’agisse de subventions massives à des pans entiers de l’industrie, du manque de transparence d’un régime autocratique où règne le capitalisme d’État, ou encore des pressions exercées sur les entreprises étrangères pour qu’elles transfèrent leurs technologies. En février 2022, par exemple, une plainte avait été adressée à l’OMC par des entreprises européennes s’étant vu interdire de recourir à un tribunal étranger pour protéger leurs brevets.
Toujours selon le Conseil d’analyse économique, la part des importations chinoises soumises à des « mesures anti-dumping » de Bruxelles – c’est-à-dire entrant dans le champ des instruments de défense commerciale destinés à lutter contre les pratiques de concurrence déloyale – atteignait 12 % en 2021, un chiffre qui a quasiment doublé en 20 ans.
S’il est illusoire de croire que la réindustrialisation de notre pays passera par le retour des filières d’industrie lourde délocalisées dans les années 1980 et 1990, il faut espérer que le développement des technologies nouvelles entraînera l’essor d’industries innovantes en France et améliorera la compétitivité de celles qui existent déjà. Deux leviers sont à la disposition des décideurs publics pour emprunter cette voie : la simplification normative et une fiscalité plus accommodante, cette dernière supposant une baisse massive de la dépense publique…
Déficit commercial par rapport à la Chine : la France paye les pots cassés de la désindustrialisation