Inaction climatique française : et si l’heure de la contre-attaque face aux militants écologistes anti-capitalistes était venue ? - Par Philippe Charlez et Samuel Furfari

Quatorze personnes et associations viennent d’attaquer l’État en justice pour inaction climatique. Pourtant, personne ne pense aux victimes des blocages liés à la mobilisation de militants environnementaux et écologistes, ni aux victimes des réglementations abusives. Ne serait-il pas temps de porter le combat contre ces dérives également ? Par Philippe Charlez et Samuel Furfari.

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Atlantico : Quatorze personnes et associations ont attaqué cette semaine l’État pour inaction climatique. Ils se disent touchés par l’évolution du climat et réclament une meilleure adaptation. Combien coûte aujourd’hui la mise en œuvre des politiques climatiques françaises, en grande partie adoptées par suite des revendications des écologistes ou de militants anticapitalistes ?

Philippe Charlez : Déposer plainte pour inaction climatique contre des Etats ou des grandes entreprises est devenu pour certaines association un sport lucratif. Ainsi rappelons que la France avait été condamnée par l’Affaire du Siècle et que la Suisse avait perdu un procès intenté par un groupe de Mamies Helvètes. Dans les deux cas l’action avait été instrumentalisée et financée par des ONG comme Oxfam, Les Amis de la terre ou encore Greenpeace. Comme par hasard dans ce groupe des quatorze figure Cécile Duflot figure de proue d’Oxfam France. Cherchez l’erreur ! Le concept d’inaction climatique repose sur l'inversion de la charge de la preuve : le fait, l’évènement en référence (par exemple l’inondation d’une commune) n’est pas lié à ce que vous avez fait mais à ce que vous n’avez pas fait. Mais pire, dans certains cas l’inversion de la charge de la preuve ne repose même plus sur un fait mais sur l’extrapolation d’un avenir invérifiable : ce que vous n’avez pas fait (i.e. décarboner suffisamment vite l’économie) entraînera dans l’avenir des inondations et des vagues de chaleur responsables de milliers de victimes potentielles et c’est à ce titre que vous devez être condamné.

Cette mécanique bien huilée utilisée avec délectation par des ONGs militantes semble séduire certains tribunaux dont l’orientation idéologique et l’intégrité est très questionnable. Elle pousse également certains Etats à mettre en œuvre des politiques climatiques aberrantes reposant dans bien des cas sur des agendas totalement irréalistes. Ainsi, le Green Deal européen qui impose à la France de réduire ses émissions de 55% à l’horizon 2030 a été imposé par l’entremise d’ONG qui auraient fait pression sur (voire soudoyé) des parlementaires européens. Selon le dernier rapport SPAFTE, ce Green Deal pourrait coûter aux Français la bagatelle de 200 milliards par an soit plus de 6% du PIB. Un investissement démesuré sans aucun impact sur la réduction mondiale des GES et donc sur le réchauffement climatique.

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Il y a en France une montée des accusations d’inaction climatique contre l’État par certaines figures de la mouvance écologiste. Quatorze personnes et associations viennent d’attaquer l’État en justice pour inaction climatique, comme l’expliquait Le Parisien. N’est-il pas temps de « faire changer la peur de camp » ? Personne ne pense aux victimes des blocages anticapitalistes, ni aux victimes des réglementations abusives, fondées sur un principe de précaution dont les bénéfices environnementaux ou climatiques sont finalement très limités. Ne serait-il pas temps de porter le combat contre ces dérives également ?

Samuel Furfari : Vous avez tout à fait raison. Un exemple illustre parfaitement cela. Donald Trump a voulu supprimer la limitation du débit des pommeaux de douche. Il se plaignait de ne pas pouvoir prendre une douche correctement, notamment à cause de ses « beaux cheveux ». Narcissique comme il est, le président américain en fait toute une histoire. Je ne doute pas qu’il dispose de toute l’eau qu’il souhaite, mais c’est un exemple typique de l’intromission de l’écologie dans la vie quotidienne. La réglementation et les injonctions des écologistes conduisent à interdire des choses aussi banales que le réglage du débit de sa douche. Il y a des cas parfois bien pires en France et en Europe, à travers des réglementations abusives. Toutes ces intrusions dans la vie quotidienne deviennent des contraintes qui n’apportent rien à la lutte contre le changement climatique. En plus, cela génère une bureaucratie épouvantable. Des restrictions de liberté sont imposées pour des raisons inutiles, sans efficacité réelle et elles génèrent des structures administratives lourdes et oppressantes.

Les fonctionnaires doivent alors, dans les administrations, gérer une masse croissante de législations devenues ingérables. Et au niveau européen, c’est encore pire. Une directive européenne, une fois adoptée, doit être transposée dans le droit des États membres, dans leur langue. Cela est transmis à la Commission européenne, qui doit le traduire dans une langue véhiculaire afin que les fonctionnaires puissent comprendre la nouvelle législation. Il s’agit essentiellement de l’anglais. Il y a donc une armée de traducteurs chargés de traduire ces textes, qui sont éminemment techniques. La directive est généraliste, mais la transposition par les États est extrêmement tatillonne, complexe, technique. Il faut des spécialistes pour traduire tout cela.

Ce contexte a contribué à créer un monstre. Un monstre qui n’apporte rien, si ce n’est des contraintes et des coûts supplémentaires. Cela représente un poids financier, non seulement pour l’administration, mais aussi un coût macroéconomique généralisé.

Peut-on dire que certaines lois ou réglementations environnementales ont été adoptées pour des raisons politiques et idéologiques sans évaluation sérieuse de leur efficacité réelle ? Le principe de précaution est-il, selon vous, mal utilisé dans certaines décisions politiques françaises ? A-t-il été instrumentalisé ?

Philippe Charlez : Avant d’être écologistes, ces ONG sont d’abord et avant tout anticapitalistes. Elles instrumentalisent le climato catastrophisme pour essayer de mettre en péril la société de croissance et son « démon » capitaliste qu’elles abhorrent : sans changement radical de société (à savoir évoluer vers une société marxiste a-productiviste et décroisssantiste) l’espèce humaine courrait à sa perte. Face à ce catastrophisme d’ambiance les Gouvernements à s’abritent derrière le principe de précaution en imposant aux populations des politiques climatiques irréfléchies sans en évaluer les impacts économiques et sociétaux. Si certains objectifs sont souhaitables, leur application à travers des agendas inversés (on se donne un objectif regarder ni les moyens ni les conséquences) totalement irréalistes peut s’avérer catastrophique. Ainsi, la pollution atmosphérique des grandes villes est une source de mortalité majeure et de ce fait un incontestable problème de santé publique. Mais, compte tenu de l’aménagement de nos grandes villes qui date de plusieurs siècles, il est illusoire de vouloir résoudre ce problème en un coup de cuillère à pot. Telles qu’imaginées, les ZFE qui interdisent dorénavant les voitures Crit’Air 3 & 4 dans les grandes villes est une mesure profondément injuste qui pénalise de façon honteuse les classes moyennes et populaires. De même si l’interdiction à la location des passoires énergétiques EFG est à priori une bonne chose, cette mesure va assécher un marché locatif déjà exsangue et faire exploser le prix des loyers. Ne pouvant bénéficier de logements sociaux, les classes moyennes inférieures en seront à nouveau les inexorables victimes.

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Le Green Deal européen et le poids des normes freinent-ils la compétitivité des entreprises françaises ?

Philippe Charlez : Le Green Deal s’il est appliqué dans sa mouture actuelle sera un frein majeur à la réindustrialisation du pays ainsi qu’à son réarmement. Il pourrait même être le bourreau de ce qui nous reste d’industrie notamment la construction automobile. Depuis plus d’un siècle l’Europe possédait un avantage technologique sur les moteurs thermiques, avantage que la Chine n’a jamais été capable de contester. Anticipant que l’insouciant Vieux Continent allait promouvoir dans l’avenir le tout électrique, le visionnaire Empire du Milieu s’est spécialisé dans le VE à vitesse supersonique. Résultat la Chine possède aujourd’hui 15 ans d’avance sur l’Europe. Avance à la fois technologique (modèles très bien équipés et performants), économique (les VE chinois grâce au faible coût de la main d’œuvre sont 30% à 40% moins chers que ses équivalents européens) et géostratégique (les Chinois ont un quasi-monopole mondial sur les batteries et les métaux critiques). L’interdiction à la vente des voitures thermiques neuves en 2035 « offre donc sur un plateau » le marché automobile européen aux constructeurs chinois et suicide par construction les motoristes européens. Le vice est aujourd’hui poussé à son paroxysme en imposant aux constructeurs de voitures thermiques européennes des pénalités monstrueuses pour non-respect de nouvelles normes quasi inatteignables. L’UE et son Green Deal seront à terme responsables de la destruction de 15 millions d’emplois sur le Vieux Continent.

Peut-on imaginer que des citoyens ou des entreprises intentent des actions en justice contre des mesures “écologiques” ayant nui à leurs conditions de vie ou leur réussite économique sans réel bénéfice environnemental ?

Philippe Charlez : Action en justice pour le citoyen signifie frais d’avocat. Aussi, les actions citoyennes individuelles resteront marginales. Les entreprises restent quant à elles très timides craignant pour leur image d’être traitées sur la place publique et les réseaux sociaux de climato-sceptiques ou même de négationnistes. Les grands énergéticiens en font tous les jours les frais. En revanche des mouvements sociaux type Gilets jaunes ou manifestations d’agriculteurs restent possibles. Le problème est que ces mouvements seront rapidement phagocytés par ceux qui en sont responsables notamment la Gauche, les ONG et les mouvements syndicaux qui essayeront de ramener le droit de leur côté. Il ne faut pas oublier que plus on se déplace vers la gauche de l’échiquier politique plus on rencontre de catastrophistes décroissantistes et plus on se déplace vers la droite des climatosceptiques. Aussi je pense que c’est par le vote voire par le référendum que les Français trancheront de façon démocratique. La bonne nouvelle est qu’au cours des dernières élections les écologistes se sont effondrés un peu partout en Europe. Bien que n’étant plus qu’un nain politique leur force de frappe idéologique reste forte. Je pense que les sujet climat et leur rapport étroit avec pouvoir d’achat, industrialisation et souveraineté sera majeur lors des prochaines présidentielles dans un monde ou la nouvelle logique de blocs s’est définitivement imposée face au multilatéralisme.

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Est-il possible de chiffrer le gain écologique apporté par certaines mesures comme le Green Deal et d’autres initiatives industrielles ? Quel est également leur coût concret ? Est-ce que le rapport coût/bénéfice est satisfaisant ?

Samuel Furfari : Lorsque l’on compte, on compte mal, parce qu’on ne compte pas tout. Parfois, ce qui compte le plus n’est pas pris en compte. La plupart des études servent désormais à démontrer ce que le commanditaire souhaite prouver. L’objectivité tend à disparaître. Le monde est tellement complexe qu’il suffit d’ajouter ou d’omettre un paramètre pour transformer les résultats d’une étude.

Il est assez difficile de quantifier le bénéfice du Green Deal car trop de paramètres viennent tout perturber. Lorsque le Green Deal a été lancé, la guerre en Ukraine n’avait pas encore commencé. Il est évident en revanche que cet accord a engendré une bureaucratie insupportable et des contraintes financières qui pressurisent la population. Richard Lindzen, l’un des grands climatologues, ancien membre du GIEC, a démissionné après avoir observé de l’intérieur son fonctionnement. Il a écrit un jour : « Quand on contrôle le carbone, c’est-à-dire les émissions de CO₂, on contrôle la vie des gens. » Et c’est ce qui se passe actuellement.

À force de nous dire qu’il faut réduire notre consommation d’énergie pour limiter les émissions de CO₂, on en arrive à contrôler nos modes de vie. En France, la réglementation sur la performance énergétique des bâtiments est au coeur de l’actualité et fait l’objet de nombreux débats. Cela conduit à s’interroger sur la transposition tatillonne d’une directive européenne. Il s’agit, au fond, d’une imposition. Cela oblige les gens à isoler leur maison. Cela correspond à une forme de privation de liberté.

Pour cela, il faut investir dans l’isolation, c’est-à-dire faire intervenir des corps de métiers pour isoler votre maison avec des matériaux adéquats : de la laine de roche ou des matières plastiques isolantes. Mais toutes ces matières plastiques ont un coût, et la rentabilité de l’isolation d’une maison n’est quasiment jamais atteinte. Parfois, il faut compter vingt à trente ans pour un retour sur investissement.

En revanche, lorsqu’on construit une maison neuve, il est évident qu’il faut respecter les normes actuelles. Cela va de soi. Mais contraindre les anciennes maisons à devenir énergétiquement étanches, voire à atteindre une émission nulle, c’est une folie. Cela ne permettra pas de réduire les émissions, car cela coûtera trop cher. Le plastique utilisé et la main-d’œuvre nécessaire pour ces travaux ne sont pas sans émission.

Cela fait longtemps que je dénonce cette situation. Aujourd’hui, on commence enfin à en parler plus ouvertement, et je m’en réjouis. Mais depuis longtemps, je dénonce cette emprise sur la liberté des individus pour des raisons futiles.

Finalement, ce qui importe, si l’on considère que la décarbonation est censée résoudre le problème climatique mondial, c’est bien que ce problème est mondial. Dans des pays comme l’Azerbaïdjan, on y développe massivement le pétrole et le gaz, et c’est même l’Europe qui demande à ce pays de produire davantage de gaz. L’UE demande à l’Azerbaïdjan d’augmenter sa production de gaz, alors qu’ici, on nous explique qu’il ne faut plus en utiliser. Le vrai problème est là.

Concernant les coûts, j’ai moi-même réalisé des études, je sais comment cela fonctionne. Il suffit de modifier un paramètre, parfois à la marge, avec une seule décimale que personne ne remarque, pour obtenir un résultat différent. Toutes les études produites aujourd’hui sont commanditées par des acteurs qui ont un intérêt à obtenir un résultat précis.

En examinant le ratio coût-bénéfice, il semble devenir évident que nous étions perdants dans le cadre des efforts liés à la transition énergétique et aux normes environnementales ?

Samuel Furfari :
Cela fait longtemps que je suis convaincu que tout cela n’a pas beaucoup de sens. Imposer aux personnes qui vivent dans leur maison depuis vingt ou trente ans de se conformer aux normes d’aujourd’hui est une folie. Cela ne peut pas fonctionner, car tout cela a un coût. Le paramètre le plus pertinent pour évaluer si l’on suit la bonne direction est ce qu’on appelle l’intensité énergétique. Cela représente la quantité d’énergie consommée par unité de PIB. Si vous voulez isoler votre maison, vous devrez investir. Donc, si cela coûte trop cher et que vous n’économisez presque rien, cela devient absurde. L’intensité énergétique a atteint une asymptote. On est arrivé à la limite. Nous n’arrivons plus à réaliser d’économies significatives. Il est possible encore d’investir mais cela ne générera pas d’économies, car tout ce qui était faisable depuis une vingtaine d’années a déjà été mis en œuvre. Aujourd’hui, ce n’est plus rentable.

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Quelle serait une stratégie efficace, économiquement soutenable et politiquement réaliste, pour sortir du blocage actuel entre inaction, sur-prudence et radicalisme ?

Philippe Charlez : Comme je l’ai déjà fait remarquer, le climat est devenu davantage un marqueur idéologique qu’un marqueur environnemental. Sans changer les grands objectifs il faut d’abord et avant tout desserrer le rythme de la décarbonation dont la facture insoutenable pour les Français se traduirait par un accroissement démesuré de la dette publique, de la fiscalité et du déficit de la balance commerciale. Ramener l’ambition 2030 à 40%, supprimer nombre de normes beaucoup trop contraignantes (ZFE, interdiction de location des E/F/G, arrêt des chaudières au gaz, pénalités touchant l’industrie automobile…) et reporter de 10 ans l’arrêt des ventes de voitures thermiques neuves sont des idées simples que l’on peut rapidement mettre en œuvre. Sans aucun impact sur le climat elles permettraient de réduire sensiblement le niveau délirant des investissements.

Le second est de repenser des aides publiques beaucoup trop centrées sur les ENR et de les réorienter vers le nucléaire, la récupération de la chaleur fatale et la géothermie moyenne température. Cette stratégie permettrait à la France de recouvrer une partie de sa souveraineté énergétique et de mieux contrôler les prix de l’énergie dont l’impact est déterminant sur le pouvoir d’achat et la compétitivité des entreprises.

Enfin, le rythme très lent de la décarbonation mondiale nous conduit inexorablement vers un monde à 2,7°, monde face auquel il faudra s’adapter. Gestion de l’eau, moyens de prévention contre les inondations, sécheresses, vagues de chaleur et feux de forêt, désartificialisation des sols ou encore ajustement du modèle agricole, la tâche est immense. Elle nécessitera de rediriger vers l’adaptation une partie conséquente des fonds aujourd’hui exclusivement dédiés à l’atténuation. Car, par rapport à l’atténuation qui pour être efficace se doit d’être mondiale, l’adaptation a un avantage compétitif déterminant : elle est territoriale.

Sans mettre en œuvre rapidement ces trois leviers l’Europe risque de se retrouver à terme dans une double impasse : elle se sera ruinée à mettre en œuvre une décarbonation inutile tout en oubliant de s’adapter au réchauffement climatique.

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