J'ai lu et aimé : "La Guerre mondiale n'aura pas lieu : Les raisons géopolitiques d'espérer" - De Frédéric Encel
En dépit d'un climat international inquiétant, il n'y aura pas de conflit mondial généralisé, estime Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférence à Sciences Po Paris, dans son nouveau livre, "La Guerre mondiale n'aura pas lieu" (Editions Odile Jacob). Le rapprochement de Washington avec Moscou, bien que condamnable sur le plan moral, ne fait que confirmer cette tendance...
Selon certains, nous serions à l’aube d’une guerre mondiale, voire déjà en plein conflit planétaire ! Massacres de masse à l’est de l’Afrique, rivalité économique et technologique exacerbée entre la Chine et les États-Unis, guerres en Ukraine et au Proche-Orient, augmentation des budgets militaires, tensions autour de Taïwan et du nucléaire iranien, cyberattaques contre des infrastructures et les relais d’information… le climat géopolitique est en effet délétère et inquiétant. Pour autant, la posture apocalyptique n’a pas de sens.
Avec cet essai clair et incisif, Frédéric Encel, géopolitologue reconnu et chevronné, prend le contre-pied des prophètes de malheur, pointe sept réalités objectives qui invalident la « certitude » du pire et fait un sort aux théories de type « choc des civilisations » et autre « piège de Thucydide ».
Fort d’une cartographie abondante et d’une structure pédagogique, ce nouveau livre est à la fois un formidable panorama de nos réalités géopolitiques et un précieux outil de compréhension des temps troublés qui sont les nôtres.
Frédéric Encel est docteur HDR en géopolitique de l’Institut français de géopolitique de l’université Paris-VIII, maître de conférences à Sciences Po Paris et professeur à la Paris School of Business. Fondateur des Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer, fréquemment sollicité par les médias, les entreprises et les institutions publiques, il est membre du comité de rédaction de Hérodote et de Défense nationale, et lauréat du prix du Livre géopolitique 2022 ainsi que du prix Édouard-Bonnefous de l’Académie des sciences morales et politiques 2023 pour Les Voies de la puissance (Odile Jacob, 2022).
"La Guerre mondiale n'aura pas lieu : Les raisons géopolitiques d'espérer" - De Frédéric Encel | Éditions Odile Jacob
Frédéric Encel : «Le spectre de la guerre mondiale s’éloigne»
Par Ronan Planchon
LE FIGARO. - Vous avez écrit ce livre avant la volte-face des États-Unis sur l’Ukraine. Pensez-vous toujours que la guerre mondiale n’aura pas lieu ?
Frédéric ENCEL. - La démarche jusqu’au-boutiste de Trump, qui consiste à abandonner la protection de l’Ukraine et celle de l’Europe - dont il s’est toujours moqué - renforce cette prédiction. L’une des conditions sine qua non de l’avènement d’une guerre mondiale, c’est l’affrontement entre grandes puissances capables de projeter, en quantité et en qualité, de la violence, puis d’entraîner des alliés avec eux. Le rapprochement des États-Unis et de la Russie au détriment de l’Ukraine pose de graves questions morales, mais il fait s’éloigner, mécaniquement, le spectre de la guerre mondiale.
À la fin de cet ouvrage, vous expliquez que Donald Trump est une énigme. Finalement, il n’est pas si imprévisible que cela ?
La boussole de Donald Trump a deux Nord. Le premier, c’est le mercantilisme absolu. Quand les États-Unis dépensent un dollar, le président américain veut en récupérer deux. Contrairement à son vice-président, JD Vance, Trump est tout sauf un idéologue, c’est un grand pragmatique qui considère que son pays paye beaucoup trop, et depuis trop longtemps, pour la sécurité des États européens membres de l’Otan face à la Russie, qu’il estime être un adversaire peu dangereux.
À lire aussi Ran Halévi : «Pour Trump, l’Ukraine n’est qu’une marchandise à solder par pertes et profits»
Selon lui, de bonnes relations économiques avec la Russie rapporteraient davantage aux États-Unis que la déchirure économique, technologique et commerciale qui prévaut depuis trois ans, depuis l’agression de l’Ukraine. En revanche, il ne proteste pas contre l’aide américaine au Japon ou à la Corée du Sud, car ces deux pays investissent énormément aux États-Unis et, à ses yeux, ils seront solvables dans les prochaines décennies. Dans la même veine, le locataire de la Maison-Blanche ne s’oppose pas à l’Arabie saoudite, qui investit des dizaines de milliards de dollars par décennies dans ce pays et qui continuera de le faire à l’avenir.
Le deuxième principe de Trump, qui rejoint le premier, c’est l’absence de confrontation idéologique. Sa politique étrangère est guidée par une seule logique : est-ce que ce pays peut apporter quelque chose aux États-Unis ? Il raisonne de façon bilatérale. On ajoutera qu’il rejette tout interventionnisme militaire, justement car cela coûte trop en moyens humains et matériels. Pour le reste, il entretient tout de même une réelle imprévisibilité.
La rationalité économique est une donnée inhérente aux choix géostratégiques, écrivez-vous, pour justifier l’impossibilité d’une guerre mondiale dans les prochaines années. Mais en 14 aussi, les dirigeants de la planète avaient conscience du coût exorbitant d’un tel conflit. Nos gouvernants sont-ils vraiment plus pragmatiques que par le passé ?
En 1913, le IIe Reich allemand, le Royaume-Uni et la IIIe République française ont des échanges extrêmement lucratifs. C’est un des commerces triangulaires les plus importants de l’histoire de l’humanité. Et pourtant, ils ont pris le risque de remettre tout cela en cause…
À lire aussi «Je pense que nous commettons une erreur» : quand JD Vance émet des doutes sur les plans de Donald Trump contre les Houthis
Le commerce et le libéralisme n’éloignent pas nécessairement le risque d’une guerre. En revanche, la politique de Trump, marquée par un rapprochement politique avec une puissance majeure comme la Russie, si. Car les guerres entre de très modestes puissances, si elles ne parviennent pas à entraîner des pays d’envergure, restent des conflits locaux. On peut toutefois s’attendre à un avènement des guerres locales dans le futur, même si elles seront bien moins nombreuses qu’au cours des XVIIe et XVIIIe siècles.
Avec cet essai clair et incisif, Frédéric Encel, géopolitologue reconnu et chevronné, prend le contre-pied des prophètes de malheur, pointe sept réalités objectives qui invalident la « certitude » du pire et fait un sort aux théories de type « choc des civilisations » et autre « piège de Thucydide ».
Fort d’une cartographie abondante et d’une structure pédagogique, ce nouveau livre est à la fois un formidable panorama de nos réalités géopolitiques et un précieux outil de compréhension des temps troublés qui sont les nôtres.
Frédéric Encel est docteur HDR en géopolitique de l’Institut français de géopolitique de l’université Paris-VIII, maître de conférences à Sciences Po Paris et professeur à la Paris School of Business. Fondateur des Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer, fréquemment sollicité par les médias, les entreprises et les institutions publiques, il est membre du comité de rédaction de Hérodote et de Défense nationale, et lauréat du prix du Livre géopolitique 2022 ainsi que du prix Édouard-Bonnefous de l’Académie des sciences morales et politiques 2023 pour Les Voies de la puissance (Odile Jacob, 2022).
"La Guerre mondiale n'aura pas lieu : Les raisons géopolitiques d'espérer" - De Frédéric Encel | Éditions Odile Jacob
Frédéric Encel : «Le spectre de la guerre mondiale s’éloigne»
Par Ronan Planchon
LE FIGARO. - Vous avez écrit ce livre avant la volte-face des États-Unis sur l’Ukraine. Pensez-vous toujours que la guerre mondiale n’aura pas lieu ?
Frédéric ENCEL. - La démarche jusqu’au-boutiste de Trump, qui consiste à abandonner la protection de l’Ukraine et celle de l’Europe - dont il s’est toujours moqué - renforce cette prédiction. L’une des conditions sine qua non de l’avènement d’une guerre mondiale, c’est l’affrontement entre grandes puissances capables de projeter, en quantité et en qualité, de la violence, puis d’entraîner des alliés avec eux. Le rapprochement des États-Unis et de la Russie au détriment de l’Ukraine pose de graves questions morales, mais il fait s’éloigner, mécaniquement, le spectre de la guerre mondiale.
À la fin de cet ouvrage, vous expliquez que Donald Trump est une énigme. Finalement, il n’est pas si imprévisible que cela ?
La boussole de Donald Trump a deux Nord. Le premier, c’est le mercantilisme absolu. Quand les États-Unis dépensent un dollar, le président américain veut en récupérer deux. Contrairement à son vice-président, JD Vance, Trump est tout sauf un idéologue, c’est un grand pragmatique qui considère que son pays paye beaucoup trop, et depuis trop longtemps, pour la sécurité des États européens membres de l’Otan face à la Russie, qu’il estime être un adversaire peu dangereux.
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Selon lui, de bonnes relations économiques avec la Russie rapporteraient davantage aux États-Unis que la déchirure économique, technologique et commerciale qui prévaut depuis trois ans, depuis l’agression de l’Ukraine. En revanche, il ne proteste pas contre l’aide américaine au Japon ou à la Corée du Sud, car ces deux pays investissent énormément aux États-Unis et, à ses yeux, ils seront solvables dans les prochaines décennies. Dans la même veine, le locataire de la Maison-Blanche ne s’oppose pas à l’Arabie saoudite, qui investit des dizaines de milliards de dollars par décennies dans ce pays et qui continuera de le faire à l’avenir.
Le deuxième principe de Trump, qui rejoint le premier, c’est l’absence de confrontation idéologique. Sa politique étrangère est guidée par une seule logique : est-ce que ce pays peut apporter quelque chose aux États-Unis ? Il raisonne de façon bilatérale. On ajoutera qu’il rejette tout interventionnisme militaire, justement car cela coûte trop en moyens humains et matériels. Pour le reste, il entretient tout de même une réelle imprévisibilité.
La rationalité économique est une donnée inhérente aux choix géostratégiques, écrivez-vous, pour justifier l’impossibilité d’une guerre mondiale dans les prochaines années. Mais en 14 aussi, les dirigeants de la planète avaient conscience du coût exorbitant d’un tel conflit. Nos gouvernants sont-ils vraiment plus pragmatiques que par le passé ?
En 1913, le IIe Reich allemand, le Royaume-Uni et la IIIe République française ont des échanges extrêmement lucratifs. C’est un des commerces triangulaires les plus importants de l’histoire de l’humanité. Et pourtant, ils ont pris le risque de remettre tout cela en cause…
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Le commerce et le libéralisme n’éloignent pas nécessairement le risque d’une guerre. En revanche, la politique de Trump, marquée par un rapprochement politique avec une puissance majeure comme la Russie, si. Car les guerres entre de très modestes puissances, si elles ne parviennent pas à entraîner des pays d’envergure, restent des conflits locaux. On peut toutefois s’attendre à un avènement des guerres locales dans le futur, même si elles seront bien moins nombreuses qu’au cours des XVIIe et XVIIIe siècles.
Frédéric Encel: "Non, la guerre mondiale n'aura pas lieu"
Par Erice Guevara-Frey
"Non seulement on baigne dans l'alarmisme, mais ce n'est même pas fondé sur de véritables réalités géopolitiques", estime Frédéric Encel vendredi dans l'émission Tout un Monde.
L'auteur de "La guerre mondiale n'aura pas lieu: les raisons géopolitiques d'espérer" critique les postures "apocalyptiques" ou "pessimistes", qui n'ont "aucune valeur analytique". Plus précisément, "le spectre de la guerre mondiale pourrait intervenir dans des proportions tellement infinitésimales que (...) la posture apocalyptique n'a aucun sens", précise l'expert.
"Le spectre de la guerre mondiale s'éloigne d'autant plus qu'il y a rapprochement entre Moscou et Washington", estime Frédéric Encel. Selon lui, "l'avènement d'une guerre mondiale ne pourrait intervenir qu'à la condition sine qua non de la projection de force et de violence destructrice de la part de deux grandes puissances, par ailleurs susceptibles de ramener chacune des alliés avec elles". Suivant ce raisonnement, le docteur en géopolitique estime donc "qu'on s'en éloigne très substantiellement".
Dissuasion militaire
"Je suis plutôt de ceux qui considèrent que le pacifisme est le pire ennemi de la paix et que la dissuasion, au contraire, n'est pas belligène", considère Frédéric Encel. En général, tendanciellement, dit-il, la dissuasion "permet plutôt de limiter les appétits aiguisés de ceux qui n'entretiennent pas nécessairement vos valeurs".
Frédéric Encel cite la Guerre froide en exemple, avec des milliers de milliards de dollars dédiés à l'armement. L'essayiste français rappelle qu'il n'y a pas eu de guerre mondiale, soulevant cette question "philosophique": "Est-ce parce que justement il y avait dissuasion et qu'on a dissuadé (....) Staline et ses successeurs d'attaquer? Ou est-ce que ça n'a servi à rien, puisqu'ils ne l'auraient jamais fait?"
L'expérience de la Première Guerre mondiale
Frédéric Encel soutient que "le syndrome de l'été 1914" empêche la survenue d'une nouvelle guerre mondiale. Aujourd'hui, analyse-t-il, il n'y a pas d'"entremêlement d'alliances militaires fortes", comme à l'époque, lorsque ce jeu d'alliance avait finalement "plongé l'Europe et une partie du monde dans la guerre", après l'assassinat par des nationalistes serbes de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, à Sarajevo le 28 juin 1914. Autrement dit, les réactions en cascade qui ont déclenché la Première Guerre mondiale ne seraient plus possibles aujourd'hui, car les alliances sont rares et fragiles.
L'expert cite l'Otan, qui est aujourd'hui "la seule alliance multilatérale militaire forte", mais qui "risque de ne plus exister dans quelques années". Donc "de l'autre côté, il n'y en a pas (d'alliance)", poursuit-il. Frédéric Encel souligne également que la guerre en Ukraine reste localisée. "L'Ukraine n'a aucun et n'a jamais eu aucun allié militaire", martèle le spécialiste. Quant à la Russie, elle a des alliés militaires "faibles, éloignés, parfois même devenus inexistants", poursuit Frédéric Encel, citant l'Erythrée et la Syrie.
"L'effondrement général" de 1914 fonctionne comme une "dissuasion expérimentale", estime Frédéric Encel, ce qui "a pu quand même convaincre un certain nombre de gouvernements à travers le monde, et pas seulement en Europe, qu'il valait mieux éviter le plus possible de faire la guerre parce qu'on sait quand et comment elle commence, mais on ne sait jamais quand et comment elle se termine".
A l'époque, "on ne savait pas à quel point la destructivité pouvait être cataclysmique". Les gouvernements ont appris de cette Histoire, estime Frédéric Encel, ce qui lui permet d'en tirer "un relatif optimisme".
Frédéric Encel : "Une troisième guerre mondiale est très improbable"
Par Thomas Mahler
Expansionnisme russe, tensions grandissantes entre Etats-Unis et Chine, poudrière du Moyen-Orient, à quoi il faut désormais ajouter l’abandon de l’Europe par Donald Trump… Le climat international n’a jamais semblé aussi inquiétant depuis la guerre froide. Pourtant, dans le percutant La guerre mondiale n’aura pas lieu (à paraitre le 26 mars), Frédéric Encel prend à rebours les prophètes de malheur et assure que le scénario d’un conflit généralisé reste très improbable. L’enseignant à Sciences Po Paris et chroniqueur de L’Express nous expose les raisons géopolitiques qui le poussent à un certain optimisme.